Même alignement en ce qui concerne la Conférence des PC européens réunie à Paris les 28 et 29 avril, où elle se rend, fidèle aux consignes du Kremlin que transgresseront Roumanie et Yougoslavie.

Pragmatisme

Mais, en échange de cette allégeance à la diplomatie soviétique, de cette fidélité de forme au bloc de l'Est, la Hongrie entend gérer son économie selon ses propres conceptions, qui s'apparentent beaucoup plus à ce qui se fait à Tokyo, Londres ou New York qu'à ce qu'on peut voir à Moscou, Prague ou Sofia.

1980 marque sur ce plan une étape très importante, sinon révolutionnaire, qui se résume à ceci : redresser par les méthodes les plus pragmatiques l'industrie hongroise et la placer, d'ici à 1985, dans les conditions du marché mondial, c'est-à-dire capitaliste, la rendre enfin compétitive avec les pays occidentaux.

Car, pour l'instant, l'économie va mal et, dans le discours qu'il prononce lors du XIIe Congrès du Parti socialiste ouvrier hongrois, qui se tient à Budapest du 24 au 27 mars, Janos Kadar ne le cache pas : le plan quinquennal en cours (le Ve) ne sera pas rempli, et l'élévation du niveau de vie sera « plus lente qu'il n'était prévu ». Raisons premières : la hausse du prix du pétrole et des matières premières (dont la Hongrie est presque totalement dépourvue) et la baisse des produits agricoles (dont Budapest est gros exportateur). La dette extérieure frise les cinq milliards de dollars et le budget de l'État accuse un déficit de 3 %.

Impératif

Conséquence : l'impératif prioritaire devient, pour le pays qui tire la moitié de son revenu national du commerce extérieur, le développement intensif de son commerce extérieur. Un seul moyen pour y parvenir : appliquer enfin une politique compétitive grâce à une rationalisation très stricte.

« La compétitivité, rappelle Janos Kadar, doit être la règle, et les industries doivent coller aux mouvements rapides du marché international. » Les productions déficitaires doivent être rentabilisées ou, faute de l'être, supprimées, ce qui sous-entend la possibilité de licenciements, même si l'État assure, du moins théoriquement, le reclassement des licenciés.

De plus, il faut établir une politique des prix réels (non subventionnés) à la production comme à la consommation, ce qui revient automatiquement à procéder à des hausses importantes. Enfin, il faut renforcer la discipline dans les usines et appliquer une grille de salaires cohérente. « Il faut définitivement mettre un terme à la pratique trop commode de l'égalitarisme, déclare J. Kadar. Le salaire n'est pas seulement la rétribution de la présence sur les lieux de travail. Il doit se référer aux rendements et à la qualité du travail accompli. » Ainsi les primes croîtront plus vite que le salaire de base, et l'intéressement des travailleurs aux bénéfices devrait être généralisé.

Cette voie que le parti propose n'est pas celle de la facilité. Elle n'exclut ni le chômage, ni les chocs sociaux, ni la stagnation des revenus réels. Pour les Hongrois, elle n'est pas une surprise. Plusieurs signes avant-coureurs l'annoncent. En juillet, le gouvernement décide des hausses de prix d'un taux jamais enregistré depuis trente ans : 51 % pour l'électricité, 30 % pour le mazout, 25 % pour le charbon. Le pain augmente de 50 %, la viande de 30 %, les automobiles de 20 %. D'autres augmentations sont décidées en janvier, mais cette fois-ci les premiers visés sont les industriels. Ils vont acheter le mazout 75 % plus cher, le charbon 64 %, les produits chimiques 30 %, l'électricité 22 %.

Raisons données : redresser les finances publiques, mais surtout contraindre les entreprises à améliorer leur gestion, économiser l'énergie, augmenter la production de la main-d'œuvre. Pour cela la réforme du code du travail vient à point. Décidée également en janvier 1980, elle permet de renforcer l'autorité dans les entreprises tout en permettant d'obliger les ouvriers à des cadences de travail plus élevées.

Dernier signe annonciateur de cette évolution économique fondamentale, clairement définie lors du XIIe Congrès : la création, en novembre, à Budapest — et pour la première fois dans un pays de l'Est — d'une banque (la Central-European International Bank) dont 66 % des capitaux sont occidentaux (dont français), le reste (34 %) étant souscrit par la Banque nationale de Hongrie. Il faut ajouter enfin — anecdote qui a valeur de symbole — l'autorisation accordée par le gouvernement à un consortium austro-hongrois d'ouvrir un casino à Budapest. Seule restriction : il sera uniquement accessible aux étrangers.

Rajeunissement

Cet engagement sur la voie de réformes aussi profondes se traduit, comme on pouvait s'y attendre, par un rajeunissement de la hiérarchie. Lors du XIIe Congrès, cinq des membres les plus âgés ou les plus représentatifs de l'orthodoxie au sein du bureau politique sont démissionnes, tandis que trois personnalités plus jeunes et aux idées notablement réformatrices sont élues à leur place. Quant aux responsables de l'industrie et de la propagande, payant apparemment les déboires de l'économie, ils doivent quitter leur poste.