Dans le même temps, les neuf ministres de l'Agriculture négocient à Bruxelles. Ils décident, le 6 mars, de distiller 4 nouveaux millions d'hl qui doivent surtout provenir du vignoble italien. Le montant compensatoire sur les exportations de vin d'Italie est relevé à 12 %. La France s'engage à supprimer sa taxe spécifique le 1er avril, évitant ainsi d'être condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes.

Les Neuf décident, enfin, de réformer le règlement communautaire. Toute plantation nouvelle est interdite pendant deux ans. Des primes de reconversion sont instituées, pour les viticulteurs qui en feront la demande, pendant trois ans. Des mesures complémentaires doivent être prises dans les deux ans afin de mieux adapter l'offre à la demande. Les disciplines qualitatives sont renforcées. Les Neuf décident, également, de distiller préventivement au début de chaque campagne, afin d'éviter que l'offre soit supérieure à la demande. Dans le même esprit, la Communauté instaure, pour les viticulteurs qui auront souscrit des contrats à long terme, une garantie de bonne fin pour les vins en fin de campagne. Parallèlement, la France est autorisée à verser, pendant trois ans, une aide aux viticulteurs qui justifieront de certains critères.

Malgré l'annonce de ces mesures, l'agitation méridionale reprend, avec une période d'accalmie, en avril.

Les mesures ne parviennent toujours pas à résoudre le problème de fond. Le vin du Midi ne se vend pas. Les stocks augmentent. L'Office des vins de table décide de retirer 4 millions d'hl du marché, mais, faute de crédits, cette mesure prend du retard. Les représentants de la viticulture quittent l'Office, fin juin, afin de protester contre le manque de moyens de cet organisme.

L'anxiété renaît dans le Midi. D'autant que le chiffre des importations d'Italie, pour la première quinzaine de juin, atteint, avec 428 000 hl, un niveau inconnu jusqu'alors. Depuis les vendanges, de septembre 1975 jusqu'en mai, le total des importations d'Italie approche les 5,5 millions d'hl, soit à peu près 1 million de plus que lors de la même période 1974-1975.

L'Europe verte

L'Europe stagne et la politique agricole commune, la seule à être véritablement opérationnelle, en souffre. Les distorsions qui se sont produites entre les monnaies obligent les autorités communautaires à mettre en œuvre un système complexe de montants compensatoires. Ce sont des correctifs monétaires qui taxent, ou subventionnent, les échanges de produits agricoles entre les Neuf, afin de maintenir l'illusion de prix communs et d'éviter les perturbations commerciales. Mais la note à payer devient progressivement intolérable. Pour 1976, elle représente 20 % du budget communautaire affecté au soutien des marchés agricoles, bien que l'agriculture européenne ne soit aucunement responsable de cette situation.

Une nouvelle fois, l'Allemagne se plaint du laxisme de la politique agricole commune, estimant trop lourde sa participation aux dépenses. Bonn veut les plafonner, car elles représentent 70 % du budget total des Communautés. D'autres capitales partagent ce désir, ce qui rend la fixation des prix agricoles 1976-1977 plus dramatique que d'habitude. Ces prix ne satisfont pas les agriculteurs, qui manifestent. Dans les Vosges, un de leurs dirigeants est tué après un affrontement avec la police.

L'impasse paraît à ce point totale et l'Europe verte tellement menacée que le commissaire chargé des questions agricoles. Pierre Lardinois, annonce début avril sa démission pour la fin de l'année. En fait, il devait quitter ses fonctions, mais il a choisi la démission spectaculaire pour protester contre le plafonnement des dépenses de la politique agricole commune. Ce qui ne l'empêche pas de demander aux producteurs, de lait notamment, de participer financièrement à la résorption des excédents. Pour la poudre de lait, ils se montent à 1,2 million de t dans la communauté. Afin de résorber quelque peu ce stock, les Neuf décident en mars d'en incorporer 400 000 t dans les aliments du bétail. En contrepartie, la CEE finance le stockage de soja importé des États-Unis. Les éleveurs de porcs et de volailles protestent avec véhémence contre ces deux décisions qui grèvent leurs prix de revient.