Sur ces bases est édifiée une superbe construction, comme seuls les technocrates français en ont le secret : « Selon votre revenu, vous irez en PSR, PLR, HLMO, HLM 66, HLM 70, HLM 72, ILN, PSI, PIC, etc. » Le malheur reste que cette pyramide, si belle sur le papier, s'effondre dans la réalité. Car les HLM sont souvent occupées par des privilégiés qui, normalement, n'y ont pas droit.

Cette anarchique répartition des aides publiques, qui aggrave les inégalités et accroît l'injustice sociale, sera ainsi dénoncée dans deux autres rapports effectués à la demande du gouvernement et publiés en février 1976.

Pour le groupe d'experts présidé par Raymond Barre (professeur d'économie politique et nouveau ministre du Commerce extérieur), le tiers des bénéficiaires de prêts ne consacrent pas plus de 5 % de leurs revenus au remboursement de ces emprunts. Alors que les nouveaux accédants vont jusqu'à dépenser 30 % de leurs ressources pour se loger. Autre anomalie soulignée : les titulaires des plans d'épargne-logement sont plus aisés que le reste de la population, et les déductions fiscales favorisent beaucoup plus largement ceux qui, grâce à leurs gains élevés, ont pu contracter des emprunts plus importants.

Remèdes

Pour Simon Nora (ancien collaborateur de Pierre Mendès France et de Jacques Chaban-Delmas), la situation de l'habitat ancien est, elle aussi, intolérable. Non seulement parce que 16 millions de Français habitent encore des logements dits inconfortables, c'est-à-dire de véritables taudis ne disposant pas de l'équipement minimal. Mais aussi « parce que, dans ce secteur, les plus pauvres bénéficient le moins des aides publiques », et cela, notamment, parce que la construction neuve (550 000 logements neufs par an, soit 2,75 % du parc existant) reçoit la plus forte partie de la manne de l'État.

Unanimes à dénoncer ce système désuet et injuste, les experts se séparent quand il s'agit de prescrire des remèdes. Pour Raymond Barre, notamment, l'aide à la personne, qui permet d'ajuster directement l'effort de l'État en fonction des revenus, doit se substituer entièrement à l'aide à la pierre. D'accord sur une forte augmentation de l'aide personnalisée, le mouvement HLM, lui, voit dans l'abandon de toute aide à la pierre de graves menaces. Et, en premier lieu, celle de livrer la construction, ainsi que l'industrie du bâtiment, aux humeurs du marché.

Quant à Simon Nora, il suggère un autre bouleversement : au lieu de raser les logements anciens, pourquoi ne pas tenter de les réhabiliter, en faisant en sorte que « l'investissement consenti ne chasse pas systématiquement des logements devenus trop chers leurs occupants actuels » ?

Cocktail

Le Conseil central de planification, réuni le 4 mars 1976 à l'Élysée sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, réalisait une sorte de cocktail en puisant des éléments dans chacun de ces rapports :
– le système d'aide publique au logement s'appuiera davantage sur des formules personnalisées, tenant compte du revenu du ménage et de sa situation familiale. « Mais cela ne signifie pas la suppression de l'aide à la pierre. Il y aura seulement modification de l'équilibre » ;
– pour le parc ancien, inconfortable, un système d'aide devra être mis au point pour contribuer à sa réhabilitation ;
– enfin, l'accent sera mis plus fortement sur l'amélioration de la qualité du logement et l'agrandissement de sa surface. L'exiguïté est, en effet, pour le président de la République, un frein certain à la natalité, de nombreux ménages renonçant pour cette raison à avoir un enfant supplémentaire.

Toutes ces orientations supposent évidemment, pour rentrer dans la vie, de nombreuses études complémentaires ainsi qu'une très ferme volonté politique. L'œuvre et les intérêts en jeu sont immenses, les procédures formidablement complexes, les sommes engagées se chiffrent par dizaines de milliards lourds. Pourtant, le premier rendez-vous pour l'application des mesures sur le terrain a été fixé par le chef de l'État au début 1977. Une échéance difficile à tenir.

Chimie

Une crise profonde

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1975, la production de l'industrie chimique a baissé de 14,3 %, contre une hausse de 6,1 % en 1974. La baisse des exportations a été de 11 % (+ 64 % en 1974), la hausse des prix de gros de 2,4 % (contre 31 % l'année précédente). Du fait de leur double appartenance à un secteur de biens intermédiaires (c'est-à-dire des produits demi-finis) et à un secteur dévoreur de pétrole et de dérivés du pétrole, les produits chimiques ont démarré l'année 1974 dans l'euphorie pour plonger, un an après, au plus profond de l'abîme.