Après un début de réforme agraire estimé trop timide par certains, notamment par D. Yrgu, ministre de l'Agriculture, qui démissionne en signe de protestation, toutes les terres rurales deviennent, en mars, propriété collective du peuple.

L'unanimité ne semble pas régner au sein de l'armée : parmi les six « ennemis de la révolution socialiste » fusillés publiquement le 18 mars, figurent trois militaires, dont le général Tadessa Biru. Le 27 avril, une tentative de complot est découverte ; un capitaine et un lieutenant-colonel sont arrêtés.

Érythrée

La rébellion érythréenne, avec laquelle le général Aman Andom a été accusé d'avoir voulu pactiser en cherchant à négocier, s'étend. Les rebelles du Front de libération de l'Érythrée (FLE) s'efforcent de mettre à profit les mutineries qui paralysent l'armée, pour essayer d'étendre leur emprise sur une province dont ils continuent obstinément d'exiger l'indépendance.

En août, les 23 députés qui représentaient l'Érythrée au Parlement démissionnent, pour protester contre l'incurie du gouvernement, incapable, disent-ils, de soulager les souffrances du peuple érythréen, arbitrairement intégré dans l'empire, dont il est devenu la quatorzième province en 1960. Si le Premier ministre Michaël Imru a admis, en août, devant le Parlement, les erreurs du gouvernement impérial en Érythrée, il a bien pris soin, comme l'avait toujours fait l'empereur, d'écarter toute idée de partage de l'Éthiopie, soulignant notamment que les ports érythréens d'Assab et de Massawa étaient indispensables à l'empire.

En septembre, le général Aman Andom déclare que les militaires éthiopiens qui ont massacré plusieurs dizaines de civils en Érythrée, près de la frontière du Soudan, en juillet, seront l'objet de poursuites et seront châtiés.

Les menaces de guerre civile se précisent lorsque les dirigeants du Front de libération, installés dans les capitales arabes, proclament leur volonté de constituer un « deuxième Viêt-nam », précisant, en décembre, qu'ils passent de la guérilla à la guerre – au moment précis, pourtant, où une délégation gouvernementale consulte des notables à Asmara.

Attentats

Partout à travers le pays les attentats perpétrés par les rebelles érythréens se multiplient, et le général Goitom Gebre Ezghi, chef de la police, rejoint la rébellion. Le 31 janvier, le FLE déclenche une puissante offensive, s'assure le contrôle des banlieues d'Asmara, encercle la ville, contraignent les militaires à acheminer d'importants renforts sur l'Érythrée. Ceux-ci se livrent à de sanglantes et aveugles représailles sur la population civile et, pendant plusieurs semaines, la situation est dramatique à Asmara, où plus de 2 000 personnes auraient été tuées.

Le Soudan offre sa médiation entre le Front et la junte, et l'on parle (sans lendemain) de trêve dès février. Les dirigeants militaires accusent la Syrie et plusieurs autres pays du Moyen-Orient de soutenir la rébellion, et le ton monte rapidement entre Addis-Abeba et les capitales arabes. L'état d'urgence est proclamé dans toute l'Érythrée, tandis que les États-Unis procurent armes et munitions à la junte, qui avait sollicité une aide militaire auprès du département d'État.

À la fin du premier semestre 1975, la moitié des forces armées éthiopiennes sont engagées en Érythrée. Trente mille civils se sont réfugiés au Soudan, où Gemel Abdul Kadir, ancien ministre de la Santé, demande l'asile politique. Osman Ali Sabeh, leader du Front, intensifie ses tournées à travers le Proche-Orient et obtient un appui diplomatique et financier accru de plusieurs de ses interlocuteurs.

Menaces de sécession

Le pouvoir central, affaibli par l'élimination de l'empereur, doit faire face à de graves menaces de sécession. La domination des Amharas des hauts plateaux est sévèrement mise en cause par les peuples soumis, longtemps réduits à la situation de simples tributaires.

Au Tigré, c'est le sultan Ali Mirah, chef des Afars d'Éthiopie, qui inquiète les autorités. Bien qu'en octobre il ait solennellement annoncé son ralliement inconditionnel à la junte d'Addis-Abeba, rendant l'ancien régime responsable des maux dont souffre le peuple afar, son loyalisme tardif est très fragile : en juin, il se réfugie à Djibouti avec une partie de ses proches. L'attitude d'Ali Aref, Afar lui-même, président du gouvernement du Territoire français des Afars et des Issas, qui, en mai, se pose en champion de tous les Afars de la Corne orientale d'Afrique, aggrave encore les tensions existantes.