Dans l'immédiat, les Sud-Africains couvrent leurs besoins pétroliers grâce aux achats de brut iranien. Cependant, les recherches et prospections pétrolières sont activement poussées à travers tout le pays.

Dans la province du Cap, d'immenses gisements miniers ayant été découverts dans la région de Shishen, une voie ferrée est construite pour les relier au port du Cap. Simultanément, les Sud-Africains achèvent les ensembles portuaires de Saldanha Bay et de Richard's Bay, destinés à compléter ceux du Cap et de Durban, devenus trop exigus par suite de l'extension du commerce extérieur.

Enfin, au Sud-Ouest africain, a commencé la mise en exploitation de l'une des plus importantes mines d'uranium du monde, à Rössing, à 60 km environ du littoral atlantique.

En dépit des violentes attaques dont ils sont l'objet dans toutes les instances internationales, et en violation flagrante des sanctions économiques décrétées par l'ONU, qui a ordonné le boycott systématique de l'Afrique du Sud, celle-ci continue de commercer avec pratiquement l'ensemble des nations, y compris la République populaire de Chine (via Hongkong). Il est particulièrement significatif qu'en 1974 près de 20 % du commerce extérieur sud-africain continue de se faire avec des pays membres de l'OUA.

L'essor économique, qui prend appui sur un important courant de capitaux étrangers, en provenance surtout de Grande-Bretagne, des États-Unis et de la République fédérale allemande (mais aussi de France et d'Italie), est si rapide que l'industrie souffre d'une grave pénurie de personnel qualifié. Malgré l'hostilité des syndicats blancs, attachés au maintien de la white supremacy à tout prix, les employeurs violent la législation ségrégationniste, codifiée par le Job Reservation Act. Ils font appel à une main-d'œuvre métisse, noire ou indienne, dont ils accélèrent la formation professionnelle. Ce n'est pas sans raison que le patronat sud-africain (notamment Harry Oppenheimer, auquel appartient la toute-puissante Anglo-American finance, ouvertement le Progressive Party...) soutienne les partis d'opposition.

Le réalisme politique entraîne vers une déségrégation progressive de la société sud-africaine. Le poids des réalités économiques conduit irréversiblement, lui aussi, à une telle évolution. Il ne faut pas négliger l'importance des contraintes extérieures dans l'amorce, puis l'accélération du processus. B. Johannes Vorster l'a fort bien compris ; il s'efforce précisément, par une adroite politique de détente, de rassurer ses interlocuteurs d'Afrique noire.

Diplomatie

La politique dite « de détente » à Pretoria, dite « de dialogue » dans les capitales francophones d'Afrique, n'est pas nouvelle. Mais elle a connu d'importants développements au cours du deuxième semestre de 1974 et du premier semestre 1975.

Dès avril 1971, Félix Houphouët-Boigny, président de la Côte-d'Ivoire, préconise l'ouverture d'un dialogue avec les dirigeants de Pretoria. En novembre 1970, des accords commerciaux sont conclus entre les gouvernements malgache et sud-africain. Mais il faut attendre septembre 1974 pour que B. J. Vorster et quelques-uns de ses principaux collaborateurs puissent rencontrer Félix Houphouët-Boigny. Encore faut-il attendre mai 1975 pour que Sud-Africains et Ivoiriens admettent officiellement avoir eu un long face-à-face, auquel a, selon toute vraisemblance, participé Léopold Sédar Senghor, président de la république du Sénégal, qui n'a jamais ni démenti ni confirmé officiellement cette participation.

Les 11 et 12 février 1975, B. J. Vorster se rend au Liberia et rencontre le président William Tolbert, auquel il aurait fait quelques promesses concernant la décolonisation de la Namibie. En dépit de ces deux initiatives, à Yamoussokro et à Monrovia, la politique de détente (également poursuivie en direction de la Zambie, où Hilgrand Müller, ministre sud-africain des Affaires étrangères, s'est rendu en janvier) ne semble guère avoir eu de résultats spectaculaires. Ceci s'explique sans doute par un malentendu entre Africains noirs et Sud-Africains : pour les premiers, la détente doit s'accompagner d'une déségrégation de la société sud-africaine et d'une intégration politique et économique de toutes les communautés, quelle que soit leur couleur ; pour les seconds, la détente constitue une véritable monnaie d'échange, destinée à leur permettre de poursuivre en Afrique du Sud une politique de développement séparé, sans concession.