À Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), EDF possède déjà une centrale nucléaire, mais elle projette de la développer et d'en créer une nouvelle à une centaine de kilomètres en amont, à Dampierre-en-Burly (Loiret). Leur localisation sur la Loire – dont le débit est relativement abondant – est impérative si l'on veut approvisionner la région parisienne sans transporter l'énergie électrique sur de trop grandes distances. Pour refroidir les installations, il faudra construire d'immenses tours de réfrigération. De là vient le drame. « Vous allez défigurer nos coteaux et nos châteaux », disent les habitants du Val de Loire.

À Saint-Laurent, aux deux unités de 500 mégawatts chacune (à uranium naturel selon la filière graphite-gaz) doivent s'ajouter deux autres unités de 900 MW (à eau ordinaire).

En aval de Gien, à Dampierre, le projet porte sur deux unités de 1 200 MW dans un premier temps et sur deux autres ensuite. Or, il faut un débit minimal de 280 m3/s pour refroidir les installations projetées et le débit irrégulier du fleuve tombe parfois à moins de 160 m3/s.

Pour pallier cet inconvénient, huit tours de 140 m de haut – deux par unité –, ayant la forme d'une hyperbole, devraient être élevées à terme dans l'enceinte de la future centrale de Dampierre, et deux autres viendraient s'ajouter à celles de Saint-Laurent.

L'apparition de ces immenses cheminées insolites effraie beaucoup plus les populations locales que d'éventuelles retombées radioactives. En effet, EDF fait valoir que ces tours ne dégageront qu'une vapeur d'eau qui n'aura aucun caractère de nocivité. Le panache de vapeur n'apparaîtra d'ailleurs que lorsque l'air sera humide.

De plus, ajoute EDF, la réglementation interdit de rejeter des eaux qui ne soient buvables. Quant aux risques de transformer la Loire en cours d'eau tropical, ils sont plus théoriques que réels. Le passage de l'eau dans les tubulures des installations la réchauffera évidemment de 7 à 12 °C. Mais on estime que, dans le brassage du courant, la chaleur ajoutée se dissipe très vite et, en tout état de cause, totalement sur les 90 km qui séparent les deux centrales de Dampierre et de Saint-Laurent.

Il n'en reste pas moins que la population et les élus ont réagi vivement. Le conflit a été porté sur la place publique. Les maires des villes d'Orléans (Thinat), de Blois (Sudreau) et de Tours (Royer), qui ont signé en juillet 1971 un pacte de solidarité, veulent voir dans la malchance technique de ces tours une chance économique pour le bassin de la Loire. Ces responsables rappellent à chaque occasion que le Val de Loire a toujours été un peu oublié par les experts de l'aménagement du territoire. L'occasion est donc bonne de réclamer une compensation à la construction projetée des tours.

Cette compensation doit être, selon les trois maires, la participation financière d'EDF ou des pouvoirs publics à la construction de barrages pour régulariser le débit du fleuve. Ces barrages éviteraient même, selon les élus, d'édifier les tours, puisque les quantités d'eau charriées par la Loire régularisée seraient alors suffisantes.

EDF n'est pas opposée au principe d'une participation financière à la construction d'un barrage, mais ajoute qu'en tout état de cause un barrage dans la zone de Gien permettrait l'économie de quelques tours, mais ne pourrait s'y substituer en totalité car il n'aurait pas la capacité de réfrigération suffisante.

Le tracé de l'autoroute de la Sologne est une autre illustration symbolique des conflits entre les exigences du développement économique et les impératifs de la défense de la nature. La Sologne est, bien sûr, un joyau incomparable, avec sa faune, ses forêts, ses étangs.

La construction d'une autoroute au sud d'Orléans, vers Vierzon et, à plus long terme, Clermont-Ferrand, n'en est pas moins indispensable. Comment épargner les massifs forestiers ? Comment ne pas écorner la Sologne des étangs, à l'ouest de la RN 20 et de la voie ferrée, l'un des principaux lieux de refuge des oiseaux migrateurs et des oiseaux d'eau ?