En dépit de toutes les dénégations officielles, la course à la succession est ouverte. Contrairement à certains de ses collègues africains, P. Tsiranana s'est jusqu'à présent refusé à régler, ou même à simplement envisager le problème de sa succession. Cela suffit à expliquer que se manifestent de sourdes tensions entre les différentes factions du parti dominant. De multiples rivalités opposent les militants du Parti social démocrate (PSD), regroupés soit en fonction de préoccupations tribales, soit en raison de leur allégeance à telle ou telle personnalité, ou conformément à de grandes options politiques.

Le clan Tsimihety, tribu d'origine de P. Tsiranana, dans les rangs duquel figure R. Rasidy, ministre de l'Information et du Tourisme et parent du président, s'oppose à André Resampa, ancien ministre de l'Intérieur. Ce dernier cristallise autour de sa personne une partie de l'opinion, bien que sa popularité soit faible. Considéré comme le principal adversaire de Jacques Rabemananjara, ministre des Affaires étrangères, A. Resampa bénéficie de l'appui de certains milieux décidés à engager le pays sur la vole du socialisme de façon plus radicale. P. Tsiranana, qui, pendant plusieurs années, s'est posé en arbitre, maintenant avec adresse un difficile équilibre entre A. Resampa et J. Rabemananjara, donne, en février, l'impression de se prononcer en faveur du second.

C'est à cette date que le chef de l'État malgache dissout son gouvernement, pour la deuxième fois consécutive en moins de six mois. Fort des résultats des élections de septembre, qui ont donné à son parti 104 des 107 sièges de l'Assemblée nationale, P. Tsiranana confie à A. Resampa le portefeuille de l'Agriculture, après lui avoir retiré celui de l'Intérieur. Auparavant, il avait directement rattaché à la présidence de la République les forces républicaines de sécurité (FRS), création personnelle de A. Resampa, qui y avait enrôlé des hommes originaires de la même ethnie que lui ou des sympathisants politiques. Les rétrogradations successives de A. Resampa aboutiront quelques mois plus tard à son élimination totale. Le président Tsiranana annonce, le 31 mai 1971, la découverte d'un complot dans lequel une puissance étrangère (que l'on croit être les États-Unis) serait impliquée. A. Resampa, accusé de complicité, est arrêté, avec un de ses collaborateurs ; un décret abroge « toutes ses précédentes fonctions ».

Le commandant Istasse, chef des forces républicaines de sécurité, est incarcéré à son tour quelques jours plus tard. Le gouvernement aurait décidé, le 25 juin 1971, la création d'une commission d'enquête.

Crise universitaire

C'est dans une atmosphère tendue, aggravée par des difficultés économiques et sociales passagères, qu'éclate, en avril, la contestation universitaire. Réputé le plus calme de toute l'ancienne Afrique française, le campus de l'université Charles-de-Gaulle de Tananarive se couvre de calicots et résonne de clameurs au moment où se déroulent dans la capitale les assises de l'Association des universités entièrement et partiellement de langue française (AUPELF).

Officiellement, ce sont les étudiants en médecine qui sont à l'origine d'un mouvement déclenché pour protester contre le contrôle continu des connaissances. En fait, très vite, le mouvement s'étend, gagnant l'ensemble des facultés et même une partie des lycées, collèges et établissements d'enseignement technique. Les cours sont interrompus pendant plusieurs semaines, puis, les étudiants ayant accepté de suspendre leur action revendicative, les désordres, au demeurant sans gravité, tournent court.

La contestation universitaire est le résultat du mécontentement d'une grande partie des étudiants, qui estiment que les programmes ne sont pas suffisamment adaptés aux réalités malgaches. Elle est également teintée de nationalisme, voire de xénophobie, bien qu'à aucun moment les étudiants étrangers n'aient été inquiétés. Conscients de posséder une langue et une culture nationales, beaucoup d'étudiants n'admettent pas que, dix ans après la restauration de l'indépendance malgache, la langue et la civilisation françaises continuent d'occuper une place prépondérante dans l'enseignement.

Révolte

Peu de temps après, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1971, le sud du territoire est le théâtre d'une jacquerie. Entre Tulear et Fort-Dauphin, des bandes de paysans armés de bâtons, de pierres et de sagaies s'emparent des postes administratifs et des perceptions, molestent les agents de l'autorité centrale.