Mais les festivités n'ont pas fait disparaître magiquement les soucis de Brejnev et des dirigeants de Moscou. La généralisation de la réforme économique, la mise au pas des intellectuels soviétiques et les procès, la libéralisation dans les pays socialistes ont été parmi les principaux dossiers que l'équipe dirigeante a eus à compulser cette année.

Les difficultés de la réforme

La réforme de l'économie soviétique décidée en 1965 a été étendue à un nombre croissant d'entreprises : au mois de juin 1968, les entreprises touchées par la réforme représentent 50 % de la production nationale et 60 % du profit réalisé. Mais, de l'aveu même de la Pravda, cette importance numérique cache la lenteur des véritables progrès. Les organismes centraux du plan mènent non sans succès un combat d'arrière-garde contre la décentralisation de la gestion. Les entreprises les moins rentables, (moyennes et petites) demeurent pour le moment hors du système. Par ailleurs, trop de gens en attendent une « manne céleste » et semblent croire qu'il dispense d'accroître la productivité.

La réglementation instaurée pour favoriser l'intéressement des travailleurs aux progrès de l'entreprise, le Fonds d'encouragement, s'il est apparemment déjà efficace pour le personnel de direction, ne résout pas d'une manière satisfaisante la question des primes accordées aux ouvriers. C'est là un des aspects importants du problème de la décentralisation interne de l'entreprise. Il en pose indirectement un autre : celui de la participation de la base à la gestion, dont le grand économiste Birman s'est fait le théoricien. Cela lui vaut les attaques répétées de ses confrères conservateurs, comme Stroumiline, qui, à l'âge de quatre-vingt-onze ans, trouve encore la force de mener des polémiques en faveur de l'ancien système.

L'augmentation du salaire minimum, du SMIG soviétique, décidée au mois de septembre et appliquée à partir du mois de janvier 1968, ne réduira sans doute que très partiellement l'éventail très ouvert des rémunérations : il passe à 60 roubles par mois...

C'est sans doute dans l'agriculture, partie de bien plus bas, que les réformes successives aboutissent le plus rapidement à des résultats positifs. La division des kolkhoziens en groupes de production chargés d'une partie de l'exploitation est expérimentée. Cela ne signifie évidemment pas le démantèlement de la propriété socialiste, mais conduit à associer responsabilité et rentabilité.

Les paysans, cependant, peuvent estimer à bon droit que l'assouplissement considérable de l'intervention des administrations et du plan (réel depuis la suppression des livraisons obligatoires intervenue il y a plusieurs années) n'a pas encore permis de régler au mieux le problème de l'écoulement de la production. Les services d'achat, qui voyaient autrefois trop grand, deviennent maintenant trop prudents, et une grande partie des produits du sol restent invendus. Cette situation est souvent déplorée pendant l'hiver 1967-68.

En URSS, comme ailleurs, la main-d'œuvre rurale est excédentaire à certaines saisons. On commence seulement à se préoccuper sérieusement de cet état de choses. Le gouvernement décide à l'automne de permettre la création, dans les kolkhozes et les sovkhozes, « d'activités industrielles auxiliaires » et de les « autoriser » à acheter le matériel nécessaire à leur mise en route et à leur fonctionnement.

Les succès d'Andropov

Depuis qu'il a succédé à M. Semitchasny à la tête du Comité de la sécurité d'État (la police politique), Youri Andropov n'a cessé d'être un homme très occupé. Ses subordonnés et lui-même ont apprécié le message que leur adressaient le Comité central du parti et le gouvernement à l'occasion du 50e anniversaire de la création de la redoutable Tcheka, de Félix Dzerjinski : « Nous vous souhaitons, chers camarades, de nouveaux succès dans votre difficile et noble tâche. »

La difficulté évoquée fait allusion sans doute à la détérioration croissante des rapports entre le parti et les intellectuels, plus particulièrement les jeunes. Andropov et ses hommes ont effectivement remporté de nombreux « succès », comme le montre la série des procès qui ont eu lieu à Leningrad, en Ukraine, à Moscou.