catégorie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec kategoria.

Philosophie Antique

Classe d'attributs définie par l'un des sens de la copule « est ».

Le concept philosophique de « catégorie » (kategoria) apparaît chez Aristote. Toute la terminologie aristotélicienne de la prédication lui est apparentée : « prédicat », kategorema ; « prédiqué », kategoroumenon ; « être prédiqué de », ou « se prédiquer de », kategoreisthai. L'origine en est juridique : initialement, kategoria signifie « imputation », ou « accusation ».

Dans les Catégories, distinguant entre « ce qui se dit » (ta legomena) et « ce qui est » (ta onta), Aristote divise ce qui se dit en « ce qui se dit en combinaison, et [ce qui se dit] sans combinaison – en combinaison, par exemple (un) homme court, (un) homme vainc ; sans combinaison, par exemple, homme, bœuf, court, vainc. »(1). La fameuse liste des « catégories » d'Aristote est ensuite très exactement celle des différents signifiés de « ce qui se dit sans combinaison » : « Ce qui se dit sans combinaison signifie soit la substance, soit le quantifié, soit le qualifié, soit le relatif, soit le où, soit le quand, soit le se trouver dans une posture, soit l'avoir, soit l'agir, soit le pâtir. »(2). Aristote varie sur le nombre des catégories, les plus importantes étant de toute façon les quatre premières (substance, quantité, qualité, relatif). Plus importante encore est la différence de statut entre la catégorie de « substance » (ousia) et toutes les autres : la substance est ce dont tout le reste se dit, sans être elle-même l'attribut de rien d'autre ; c'est donc par rapport à elle que les autres catégories se définissent comme sens de l'être(3). Cette idée que la substance est la « signification focale » de l'être (Owen) est le principe de la correspondance, assurée, dans la pensée d'Aristote, par les catégories, entre langage et réalité.

L'histoire de la doctrine des catégories est marquée par plusieurs dissidences. Les stoïciens réduisirent à quatre le nombre des catégories : les « substrats » (hupokeimena), les « qualifiés » (poia), les « manières d'être » (littéralement : « disposés d'une certaine manière », pôs ekhonta), et les « manières d'être relatives » (littéralement : « disposés d'une certaine manière relativement à quelque chose », pros ti pôs ekhonta)(4). Plotin, contestant que les mêmes catégories, en particulier celle de substance, puissent s'appliquer à la fois à l'intelligible et au sensible, limita au sensible la pertinence de l'analyse catégoriale aristotélicienne et fit des cinq « très » ou « plus grands genres » (megista gene) du Sophiste de Platon les « genres premiers » du monde intelligible et par là de l'être en général(5). Enfin et surtout, à ces conceptions, toutes substantialistes, s'oppose celle, nominaliste, d'Ockham, qui, tout en acceptant la liste aristotélicienne des catégories, ne voit en elles que des distinctions linguistiques ou des principes de la pensée, sans correspondance dans l'organisation du réel. Il est permis de voir là le point de départ de la « révolution copernicienne » accomplie par Kant, dont les catégories seront les concepts purs de l'entendement(6).

Frédérique Ildefonse

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Catégories, 2, 1a16-19. Cf. Platon, Sophiste, 262b5-c7.
  • 2 ↑ Aristote, Catégories, 4, 1b25-27 ; Topiques, I 9, 103b22-23.
  • 3 ↑ Aristote, Métaphysique, IV, 2, 1003a33-1003b10.
  • 4 ↑ Simplicius, Commentaire des Catégories d'Aristote, 66, 32-67, 2, Kalbfleisch.
  • 5 ↑ Plotin, Ennéades, VI 1-3 (42-44).
  • 6 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, « Analytique transcendantale », livre Ier, chap. I, 3e section.
  • Voir aussi : Benveniste, E., « Catégories de langue et catégories de pensée », in Problèmes de linguistique générale, Gallimard, Paris, 1966.
  • Derrida, J., « Le supplément de copule », in Marges de la philosophie, Minuit, Paris, 1972.
  • Owen, G.E.L., « Logic and metaphysics in some earlier works of Aristotle », in I. Düring and G.E.L. Owen (éds.), Aristotle and Plato in the Mid-Fourth Century, Göteborg, 1960.
  • Vuillemin, J., De la logique à la théologie. Cinq études sur Aristote, Flammarion, Paris, 1967.

→ être, prédication, qualité, quantité, relation, substance




théories modernes des catégories


Du grec katègoria, de katègorein, « juger ».

Linguistique, Métaphysique, Philosophie Cognitive

Forme fondamentale de concept, de prédicat ou de propriété, que les théories contemporaines dérivent des formes logiques.

Les théories modernes et contemporaines des catégories ont visé, à l'instar de celle de Kant(1), à donner une forme systématique à la table aristotélicienne, ou à la réviser. Kant dérive les catégories de table des jugements en quatre groupes de trois : quantité (unité, pluralité, totalité), qualité (réalité, négation, limitation), relation (inhérence, causalité, réciprocité), modalité (possibilité, existence, nécessité). Les philosophes contemporains, inspirés par le renouveau de la logique, critiquent Kant pour avoir privilégié la substance et la forme logique sujet / prédicat, au détriment de la catégorie de relation, et ils cherchent le principe de la division des catégories dans les formes logiques et linguistiques plutôt que dans les formes de l'entendement. Frege n'adopte que deux catégories fondamentales, les concepts et les objets, les premiers pouvant être des relations. Tout comme Cassirer(2), Russell(3) insiste sur la priorité de la relation et de la fonction par rapport à la substance, et, dans sa logique, divise les entités en types hiérarchisés, chaque type dépendant de celui qui lui est inférieur, afin d'éviter les antinomies de la théorie des ensembles. Ainsi, un ensemble n'est pas une entité du même type que ses éléments. Russell développe l'idée, déjà présente chez Aristote : les confusions de catégories produisent des non-sens syntaxiques et sémantiques, également avancée par Husserl dans les Recherches logiques, et reprise par Ryle, qui dénonce comme une « erreur de catégorie » la confusion de l'esprit avec une substance, alors qu'il est une propriété. En dépit des « grammaires catégorielles » formulées par le logicien Ajdukiewicz, il n'existe pas de logique exhaustive des catégories. La théorie contemporaine la plus compréhensive des catégories est celle de Peirce(4), qui distingue les catégories de Priméité (spontanéité du quale sensible), de Secondéité (force réactive de l'existence) et de Tiercéité (intelligibilité et réalité du sens et de la loi), dans le triple cadre d'une analyse logique (élargie à une théorie des signes, ou sémiotique), d'une description phénoménologique (ou phanéroscopique) et d'un engagement ontologique réaliste.

Le problème fondamental d'une théorie des catégories est celui de savoir si ce sont des formes de la pensée et du discours, ou des formes de l'être et de la réalité. Mais Aristote disait que l'être n'est pas un genre, idée que Wittgenstein a en partie retrouvée quand il soutient que les catégories du langage se montrent, mais que leur structure ne peut pas être dite.

Claudine Tiercelin

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, « Analytique transcendantale », AK III, 83-93, IV, 56-66, trad. Renaut, Flammarion, Paris, 1998.
  • 2 ↑ Cassirer, E., Substance et fonction, Minuit, Paris, 1980.
  • 3 ↑ Russell, B., Écrits de logique philosophique, trad. Roy, PUF, Paris, 1989.
  • 4 ↑ Peirce, C. S., Collected Papers (8 vol.), Harvard University Press, Cambridge, 1931-1958.

→ forme logique, relation, sémiotique, substance, tiercéité, type