Pays-Bas : histoire

Les Pays-Bas au temps de Charles Quint
Les Pays-Bas au temps de Charles Quint

Résumé

Peuplés de tribus celtes puis germaniques dont les Frisons et les Bataves, les Pays-Bas du Nord échappent ou résistent à la domination de l'Empire romain établi dans le Sud (→ histoire de la Belgique) et dont la frontière septentrionale est alors formée par le Rhin.

ixe-xve siècles

Au Moyen-Âge, ces territoires sont intégrés à l’empire carolingien puis « romain-germanique » et christianisés. Ils se fractionnent cependant en de multiples seigneuries féodales, dont le comté de Hollande qui apparaît dès le xie siècle.

xve siècle

Les Pays-Bas forment la partie septentrionale des États bourguignons et sont soumis à une première et partielle centralisation sous le règne de Philippe le Bon (1419-1467).

xvie siècle

Les Habsbourg en héritent et Charles Quint puis son fils Philippe II, resserrent l’emprise de l’Espagne sur l’ensemble des provinces, portées à dix-sept au sein du « cercle de Bourgogne ». L'emprise des Habsbourg suscite, en particulier dans le Nord acquis à la Réforme protestante, une opposition croissante qui entraîne, sous la direction de Guillaume d’Orange, une révolte générale (1568). À l’issue de la guerre de Quatre-Vingt ans, l’indépendance des Provinces-Unies, réunissant, depuis l’Union d’Utrecht (1579), sept provinces septentrionales (Gueldre, Hollande, Zélande, Utrecht, Frise, Overijssel et Groningue), est officiellement reconnue par l'Espagne en 1648.

xviie siècle, le « Siècle d’or » néerlandais

Devenue une puissance à la fois militaire et commerciale, se dotant d’un vaste empire colonial placé en grande partie sous le contrôle de la Compagnie des Indes orientales, la république des Provinces-Unies connaît un exceptionnel essor économique et culturel.

xviiie-xixe siècles

Après l’expérience révolutionnaire (République batave créée en 1795), la restauration de la monarchie en 1815 et la réunification du Nord et du Sud jusqu’à l’indépendance de la Belgique en 1830, le royaume des Pays-Bas évolue vers le parlementarisme (Constitution de 1848). Les divisions religieuses – entre protestants et catholiques – et sociales, ainsi que la question scolaire, donnent naissance à des partis politiques spécifiques.

Du xxe siècle à nos jours

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Pays-Bas subissent l'occupation allemande. En 1949, leur grande colonie, l'Indonésie, obtient son indépendance.

Sur le plan politique, à mesure qu’il se démocratise (suffrage universel, en 1917-1918) le régime parlementaire se consolide avec l’institution d’un système politique original fondé à la fois sur le cloisonnement par « piliers socioculturels et politiques » et le consensus entre élites gouvernementales. Un modèle de démocratie remis en cause, à partir des années 1970, avec l’apparition de nouveaux partis et, depuis la fin des années 2000, l’affirmation d’une droite populiste.

1. Des origines à l'Empire carolingien

La présence ancienne de l'homme dans cette région est attestée par des monuments mégalithiques (dolmens) et des tumulus de l'âge du bronze au Nord et à l'Est, et, dans le Sud, par des champs d'urnes funéraires de l'âge du fer.

Au ier siècle avant J.-C., le pays est peuplé par des tribus celtes (→ Ménapiens, Nerviens) et germaniques (→ Éburons, Bataves, Frisons).

En 57 avant J.-C., César pénètre en Belgique, et les Romains occupent le pays jusqu'au Vieux Rhin, et le constituent en province, la Gaule Belgique (15 avant J.-C.). La domination romaine se maintient jusqu'au ive siècle, époque où les invasions germaniques submergent la contrée, dispersant les premières communautés chrétiennes (évêché de Tongres).

Les Saxons s'établissent à l'est des futurs Pays-Bas, et les Francs en occupent les territoires méridionaux. La christianisation se heurte à l'hostilité des Saxons et surtout des Frisons. Elle ne s'achève qu'à la fin du viiie siècle, avec la soumission de ces peuples par Charlemagne. L'administration carolingienne permet le développement de l'activité économique. Des villes comme Dorestad servent d'étape pour le commerce entre l'Angleterre, la Baltique et les pays rhénans, tandis que naît une industrie textile.

2. De Charlemagne à l'époque bourguignonne (ixe-xive siècles)

Les invasions normandes (de 810 à 891) et les divisions territoriales à la mort du fils et successeur de Charlemagne (→ traité de Verdun, 843 ; traité de Meerssen, 870) affaiblissent le pays. Celui-ci se décompose alors en de multiples principautés féodales : duchés de Gueldre et de Brabant, comtés de Hollande, de Flandre et de Hainaut, évêchés d'Utrecht et de Liège.

Tandis que de nouvelles terres sont mises en valeur, parfois gagnées sur la mer (xiie-xiiie s.), les villes connaissent un essor remarquable. Situées à la convergence des routes terrestres, fluviales et maritimes, elles s'enrichissent dans le commerce de la draperie (→ Gand, Ypres, Bruges), les industries alimentaires (→ Delft, Gouda, Hoorn) et métallurgiques (→ Dinant, Liège, Huy).

Dans le même temps, les villes arrachent aux seigneurs des chartes, qui leur permettent de s'administrer elles-mêmes. Mais des divisions sociales apparaissent bientôt, opposant le patriciat (les membres les plus riches et anciennes familles bourgeoises) urbain et le peuple (travailleurs du textile en Flandre notamment). Ces troubles provoquent l'alliance du patriciat avec le roi de France. La victoire de Charles VI sur les milices communales à Rozebeke (→ bataille de Rozebeke, 1382) consacre le recul du mouvement d'émancipation urbaine.

Au xive siècle, les Wittelsbach d'Allemagne héritent des comtés de Hollande et de Hainaut, tandis que le Brabant et le Limbourg passent par mariage à la maison de Bohême. En 1369, le comte de Flandre Louis de Mâle donne sa fille Marguerite au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi.

3. De la période bourguignonne (1419-1467) aux Provinces-Unies (1648)

Ce mariage fait de la Flandre la première principauté des Pays-Bas à être incorporée aux États bourguignons. Par achats, mariages, héritages, les successeurs de Philippe le Hardi entreprennent la patiente conquête des Pays-Bas (→ Bourgogne). Ils parviennent à contrôler les évêchés de Cambrai, d'Utrecht et de Liège, ce qui contribue à unifier le pays.

Sous Philippe le Bon, l'administration est centralisée par la création d'un Grand Conseil, de deux chambres des comptes, et d'une Cour de justice en Hollande.

Charles le Téméraire renforce cette centralisation et crée à Malines une Chambre des comptes unique (1473).

Fille et héritière de Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne épouse en 1477 Maximilien d'Autriche. Les Pays-Bas font ainsi désormais partie des possessions des Habsbourg, et le mariage (1496) de Philippe le Beau, fils de Maximilien, avec Jeanne, fille des Rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, lie les destinées du pays à celles de l'Espagne.

Le fils de Philippe le Beau, Charles Quint, porte à 17 le nombre des provinces, en conquérant ou en reconquérant la Frise (1524), la Groningue (1536) et la Gueldre (1543). L'ensemble est érigé en cercle d'Empire dit « cercle de Bourgogne » par le compromis d'Augsbourg (1548).

Dans le même temps, le pays connaît une forte expansion économique. Parallèlement aux courants commerciaux et intellectuels, les idées de la Réforme se diffusent largement, favorisées par la tolérance de la gouvernante des Pays-Bas, Marguerite d'Autriche. Le problème de la liberté religieuse va se trouver, de pair avec le réflexe national, au cœur de la révolte contre l'absolutisme du fils de Charles Quint, Philippe II.

3.1. Le soulèvement contre l'Espagne ou la guerre de Quatre-Vingts Ans

En 1555, le roi d'Espagne Philippe II succède à son père en tant que prince des Pays-Bas. Défenseur zélé de la foi, ne parlant ni le flamand ni le français, il engage aux Pays-Bas une politique qui dresse contre lui le peuple et la noblesse. Il maintient en temps de paix des garnisons espagnoles, impose comme gouvernante sa demi-sœur Marguerite de Parme, lui adjoignant comme conseiller l'archevêque Granvelle qui défend la politique absolutiste et catholique de Philippe II.

Trois grands seigneurs prennent la tête de l'opposition : Guillaume d'Orange et les comtes d'Egmont et de Hornes. Ils obtiennent le renvoi de Granvelle (1564), mais non la convocation des états généraux.

La persécution continuant, la petite noblesse s'unit (→ compromis de Breda) et demande à Marguerite de Parme la suppression de l'Inquisition (1566) ; ces gentilshommes sont traités de « gueux ». Un violent mouvement anticatholique soulève alors la Flandre, le Hainaut, puis les provinces du Nord (août-septembre 1566).

Une répression impitoyable est menée par le duc d'Albe (gouverneur de 1567 à 1573), qui débouche sur la révolte générale de la Hollande et de la Zélande. Cette révolte, conduite par Guillaume d'Orange (1568), est bientôt suivie par celle du Brabant, du Hainaut et de l'Artois. La pacification de Gand (novembre 1576) marque l'expulsion des troupes espagnoles et le retour à la tolérance religieuse. Elle est imposée au gouverneur don Juan d'Autriche (1576-1578) par l'Édit perpétuel (1577).

Cependant, les révoltés se divisent. Les provinces du Sud (Artois, Hainaut), en majorité catholiques, se soumettent à l'Espagne (Union d'Arras, 6 janvier 1579), tandis que les provinces du Nord (Gueldre, Hollande, Zélande, Utrecht, Frise, Overijssel et Groningue), calvinistes, proclament l'Union d'Utrecht (23 janvier 1579) qui pose les bases des Provinces-Unies.

En 1581, les États du Nord répudient solennellement l'autorité de Philippe II. Le nouveau gouverneur des Pays-Bas, Alexandre Farnèse, entreprend la reconquête des Pays-Bas méridionaux. Il faudra plus de soixante années de guerre, marquées dans une première phase par l'alliance avec l'Angleterre et l'affirmation de la puissance maritime des provinces du Nord, puis, après la fin de la trêve de Douze Ans (1609-1621), par le soutien français (1635) dans le cadre de la guerre de Trente Ans (1618-1648), pour que l'Espagne reconnaisse, par le traité de Münster (→ traités de Westphalie), l'indépendance des Provinces-Unies en 1648.

Le nouvel État, sous la direction d'une oligarchie commerçante, connaît alors une expansion économique tout à fait remarquable, se rendant maître d'un vaste empire colonial en s'appuyant notamment sur la Compagie des Indes orientales.

Pour en savoir plus, voir les articles Empire colonial néerlandais, Provinces-Unies.

4. Les Pays-Bas du Sud (xvie-xviiie siècles)

4.1. De la tutelle espagnole…

Après avoir été confiés à l'infante Isabelle-Claire-Eugénie (1598-1621) et à son mari l'archiduc Albert par Philippe II, les Pays-Bas méridionaux reviennent à l'Espagne après la mort de l'infante (1633).

Entraînés dans toutes les guerres auxquelles participe l'Espagne, ils perdent l'Artois (1659), la Flandre wallonne (1668), la Flandre maritime et Valenciennes (1678).

À la mort de Charles II d'Espagne (1700), les Pays-Bas reviennent en héritage au duc d'Anjou (→ Philippe V), petit-fils de Louis XIV. À l'issue de la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1714), ils sont remis à l'Autriche.

… à la tutelle autrichienne (1714-1790)

Au xviiie s., les souverains autrichiens tentent de promouvoir la prospérité des Pays-Bas du Sud. En 1722, l'empereur Charles VI crée la Compagnie d'Ostende, pour le commerce avec les Indes orientales (→ Empire colonial néerlandais). Les routes et les canaux sont améliorés.

Pendant la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748), la Belgique est partiellement occupée par les Français (1745-1748).

Les réformes maladroites de Joseph II et ses mesures pour réduire l'autonomie de la province (1787) provoquent des émeutes. Une insurrection armée chasse les Autrichiens du pays (1789).

5. De la période révolutionnaire à la création du royaume des Pays-Bas (1815)

Les idées des Lumières et la Révolution française, ainsi que les circonstances locales sont à l'origine des mouvements révolutionnaires des Pays-Bas.

Dans les Provinces-Unies (c'est-à-dire les États du Nord), l'essor des idées démocratiques (mouvement des patriotes) et l'issue désastreuse de la quatrième guerre anglaise (1780-1784) aboutissent aux troubles révolutionnaires de 1786. Obligé de s'enfuir, Guillaume V est restauré grâce à l'aide étrangère. Beaucoup de patriotes se réfugient en France.

Dans les Pays-Bas du Sud, les troupes de l'empereur Léopold II reconquièrent facilement le pays que l'intervention de l'Autriche en faveur de Louis XVI entraîne dans la guerre contre la Convention.

En 1792, les armées de Dumouriez pénètrent en Belgique et battent les Autrichiens à Jemmapes (→ bataille de Jemmapes). La victoire de Fleurus (1794) ouvre le chemin de tous les Pays-Bas. En 1795, les Provinces-Unies deviennent la République batave, tandis que les Pays-Bas méridionaux sont organisés en départements français (1797).

Napoléon Ier dicte une Constitution en 1805, puis transforme la République batave en royaume de Hollande au profit de son frère Louis (1806). En 1810, Louis, qui fait passer les intérêts de ses sujets avant ceux de son frère, perd son royaume ; celui-ci est placé sous l'administration directe des Français. La défaite de Napoléon à Leipzig (→ bataille de Leipzig, 1813) provoque une révolte, dirigée par Dirk Van Hogendorp, qui reconnaît la souveraineté de Guillaume d'Orange, fils de Guillaume V. En 1815, le congrès de Vienne décide de réunir la Belgique et la Hollande dans un royaume unique des Pays-Bas.

6. Le royaume des Pays-Bas jusqu'en 1830

Le royaume est constitué en 1815 des anciennes Provinces-Unies, des anciens Pays-Bas autrichiens, et du Luxembourg, érigé en grand-duché pour le roi Guillaume Ier. D'autre part, les anciennes colonies des Provinces-Unies sont restituées aux Pays-Bas, sauf Le Cap et Ceylan.

Guillaume Ier s'efforce de maintenir un équilibre à la fois politique, culturel et économique entre Belges et Hollandais. Mais l'union ne sera pas durable.

L'opposition linguistique et religieuse entre le Nord (protestant) et le Sud (catholique) s'ajoute à la rivalité économique entre les agriculteurs belges, protectionnistes, et les commerçants néerlandais, libre-échangistes. Le 25 août 1830, une émeute éclate à Bruxelles. Les troupes hollandaises doivent évacuer la Belgique, dont l'indépendance est proclamée le 4 octobre 1830. Celle-ci est reconnue en janvier 1831 par la conférence de Londres, mais en 1839 seulement par le roi Guillaume Ier. L'indépendance de la Belgique brise l'union entre les deux parties des anciens Pays-Bas

7. Les Pays-Bas de 1830 à 1945

Guillaume Ier avait patronné de nombreux travaux d'assèchement, amélioré les communications (chemin de fer d'Amsterdam à Haarlem, inauguré en 1839). Il avait encouragé l'industrie du pays et présidé à la réinstallation des Néerlandais en Indonésie. Les bénéfices réalisés par le gouvernement et par la Compagnie néerlandaise de commerce – que le roi avait fondée en 1824 pour les transports d'État en Indonésie – avaient résorbé une partie de la dette publique et financé les travaux publics.

À la fin du xixe siècle, les Pays-Bas ont retrouvé une position commerciale de premier plan. Amsterdam s'est spécialisée dans le commerce colonial ; Rotterdam profite de l'ouverture de la navigation rhénane et du développement de la Ruhr. Mais l'agriculture, dépourvue de protection douanière, n'a pu résister à la concurrence des États-Unis et de la Russie, qui déversent en Europe leurs énormes surplus de blé. Elle doit être reconvertie à l'élevage et aux cultures industrielles, avec le soutien des coopératives et des écoles agricoles ; quant à l'industrie, elle reste traditionnelle.

7.1. La naissance du régime parlementaire et des partis politiques

L'opinion publique aux Pays-Bas s'éveille avec la révolte belge, et, pour s'opposer au régime contre-révolutionnaire de Guillaume Ier, un parti libéral s'est formé sous la direction de Johan Rudolf Thorbecke. Dans les milieux conservateurs, le Réveil calviniste provoque la formation d'un nouveau courant, dit « antirévolutionnaire », animé par Groen Van Prinsterer.

Mais les mauvaises récoltes de 1845 à 1848 provoquent une grande misère dans les classes populaires ; aussi la menace d'émeutes à Amsterdam décide-t-elle le roi Guillaume II (1840-1849) à réunir une commission, animée par J. R. Thorbecke, pour modifier la Constitution. Elle établit la responsabilité ministérielle, le contrôle du budget par le Parlement, et un mode de suffrage censitaire pour les deux chambres (1848).

La question religieuse et la question scolaire

En 1849, Guillaume III (1849-1890) appelle Thorbecke au gouvernement. Celui-ci présidera trois gouvernements (1849-1853 ; 1862-1866 ; 1871-1872), en alternance avec les conservateurs. Deux questions principales marquent cette période.

La question religieuse est posée par la reconstitution de la hiérarchie catholique aux Pays-Bas, avec le consentement de Thorbecke. Dès lors, les catholiques, solidement encadrés par leurs évêques, font de grands progrès et apparaissent dans l'arène politique. Ils font cause commune avec les libéraux jusqu'en 1864. La condamnation des idées modernes par Pie IX ( bulle Quanta Cura, 1864) interrompt cette collaboration et entraîne l'organisation politique des catholiques qui se rapprochent des protestants sur la question scolaire.

La question scolaire rend possible une coalition gouvernementale (1887-1891) entre les calvinistes antirévolutionnaires et les catholiques, également partisans d'écoles confessionnelles à la charge de l'État et également hostiles à la neutralité de l'enseignement primaire organisé par l'État (loi de 1806), et dont sont partisans les libéraux. La loi de 1806 est modifiée de nombreuses fois au xixe s. (1857, 1878, 1889), mais le principe d'une égale participation de l'État à toutes les écoles, confessionnelles ou non, ne sera admis qu'en 1920 (loi de Visser).

Les partis politiques

En 1879, après avoir pris de l’ampleur, le mouvement de renaissance protestante, lancé par Groen Van Pristener (mort en 1876), donne naissance au parti antirévolutionnaire, premier véritable parti aux Pays-Bas, à l’initiative d’Abraham Kuyper. Mais un courant plus conservateur, hostile à l’élargissement du suffrage, s’y développe également conduisant à la création, en 1898, d’un groupe dissident à l’origine de l’Union chrétienne historique (1908).

À gauche de l’échiquier politique, la formation d’une classe ouvrière à partir des années 1870 entraîne la naissance du mouvement socialiste qui n’exerce à ses début qu’une influence politique réduite : en 1878, est fondée l’Association social-démocrate dont Domela Nieuwenhuis, pasteur luthérien influencé par le marxisme, devient la figure éminente.

En 1894, s’écartant de l’intransigeance anarchisante de ce dernier, Pieter Troelstra fonde le parti social-démocrate des Travailleurs ; l'action syndicale se développe parallèlement, malgré les divisions religieuses, et incite même les libéraux à adopter, entre 1867 et 1901, des mesures sociales, avant que ne se forme, à la suite des élections de 1901, le premier ministère Kuyper, en alliance avec les catholiques. En 1904, ces derniers se dotent d’une première organisation politique, la « Ligue générale », ancêtre du parti catholique romain d’État, qui verra le jour en 1926.

La « Pacification »

En 1913, le libéral Cort Van der Linden forme un gouvernement extraparlementaire, qui maintient la neutralité néerlandaise pendant la Première Guerre mondiale.

Les institutions politiques sont démocratisées : suffrage universel (1917), suffrage féminin (1918) ; le principe de l'égalité absolue entre enseignement d'État et enseignement privé est même adopté. Ces mesures marquent une étape charnière dans l’histoire du pays : la « Pacification ».

Aussi, après la révolution socialiste avortée menée par Troelstra (1918), un gouvernement de coalition catholique romain et chrétien historique (protestant), conduit pour la première fois par un catholique, Ruys de Beerenbrouck, est-il constitué. Fragile, la coalition se maintient jusqu'au vote par le Parlement d'une motion visant à la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican (1925).

Un gouvernement extraparlementaire dirigé par Dirk Jan De Geer (chrétien-historique) doit alors être formé (1926-1929). Celui-ci, ainsi que ses successeurs – Ruys de Beerenbrouck (parti catholique romain, 1929 à 1933) et H. Colijn, calviniste du parti antirévolutionnaire (1925-1926 et 1933-1939) – doivent affronter les crises de 1921 et 1929 et répondre aux revendications sociales.

Le cloisonnement par piliers de la société néerlandaise

À mesure que les différentes communautés constitutives de la société (qui sont autant de minorités) s’organisent et se politisent, le cloisonnement (verzuiling) par piliers (zuilen) – catholique, protestant, libéral et social-démocrate – s’accentue. Cette segmentation atteint son apogée après la « Pacification » de 1917, malgré le règlement de la question scolaire. Chacun de ces groupes se structure autour de son parti, son église, ses associations – du club sportif au syndicat –, sa presse, ses écoles et universités, formant de véritables « sous-cultures » pour une grande part isolées les unes des autres.

La réalité présente toutefois des nuances et divers degrés de cohésion interne selon le « pilier » : ainsi la minorité catholique se distingue par sa plus forte intégration, alors que les protestants restent divisés ; tandis que libéraux et sociaux-démocrates tendront, par exemple, à fréquenter les mêmes écoles. Cette structuration permet de contrôler les profonds clivages socio-religieux et d’éviter les conflits ouverts. Elle formera pendant plusieurs décennies la colonne vertébrale du système politique néerlandais. En dépit des changements de gouvernement, celui-ci montre ainsi une grande stabilité et un fort consensus grâce à l’entente entre élites au sommet et au contrôle exercé par les partis sur leur base électorale.

7.2. Les Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale

Bien que le peuple néerlandais soit considéré par Hitler comme un rameau de la « race germanique », le national-socialisme et l'antisémitisme rencontrent peu de succès aux Pays-Bas, qui accueillent de nombreux réfugiés politiques et des Juifs chassés d'Allemagne. Fondé en 1931 par Anton Mussert, le mouvement national socialiste (NSB) parvient à rassembler environ 8 % des suffrages mais n'obtient que 4 sièges aux élections de 1937.

Sous l'occupation allemande

Le 10 mai 1940 au matin, les chars d'assaut allemands franchissent la frontière et forcent les lignes de défense. Le bombardement de Rotterdam (14 mai) convainc le général en chef hollandais de l'inutilité de la résistance. La reine Wilhelmine (qui a succédé à Guillaume III en 1890), sa famille, le gouvernement se réfugient en Angleterre, où ils continuent la guerre avec l'aide des navires marchands néerlandais, essentiels pour les convois alliés. En décembre 1941, l'invasion japonaise déferle à son tour sur l'Indonésie.

Les Pays-Bas, d'abord placés sous la coupe d'un commissaire du Reich, l'Autrichien Seyss-Inquart, puis du gauleiter Mussert, subissent une lourde occupation : réquisitions, ponction économique et financière, surveillance policière, persécution contre les Juifs très nombreux à Amsterdam et dont la plupart (plus de 100 000) périront à Auschwitz. Le peuple néerlandais tente de résister par des grèves (février 1941, avril-mai 1943) et par des coups de main audacieux.

La libération, espérée à l'automne 1944 (grève générale des chemins de fer, tentative d'invasion aéroportée par les Alliés au-delà d'Arnhem), a lieu au printemps 1945 (capitulation des armées allemandes le 5 mai à Wageningen).

Pour en savoir plus, voir les articles Pays-Bas, Pays-Bas : vie politique depuis 1945.