guerre de la Succession d'Espagne
Conflit européen (1701-1714) provoqué par la mort sans descendance de Charles II de Habsbourg, roi d'Espagne.
1. Un héritage très convoité
Au lendemain des traités de Ryswick (1697), la diplomatie européenne s'emploie à régler la succession du roi d'Espagne Charles II, qui n'a pas d'enfant et dont la santé décline depuis 1696. L'immense héritage espagnol (Espagne, Pays-Bas, Milanais, Naples, Sicile, Amérique) est convoité par Louis XIV et par l'empereur Léopold Ier, tous deux petits-fils de Philippe III et beaux-frères de Charles II, et par Joseph-Ferdinand de Bavière, petit-neveu du roi d'Espagne par sa mère Marie-Antoinette de Habsbourg, fille de Léopold Ier.
Soucieux de maintenir l'équilibre de l'Europe établi à Ryswick, les États européens s'opposent à ce que la totalité des possessions espagnoles revienne soit à un Bourbon, soit à un Habsbourg.
1.1. Un premier traité de partage
Aussi Louis XIV négocie-t-il un traité de partage de l'héritage espagnol avec l'Angleterre et les Provinces-Unies, particulièrement intéressées au sort futur des Pays-Bas et de l'Amérique espagnole. Ce traité (13 octobre 1698) attribue l'essentiel de l'héritage (Espagne, Pays-Bas, Amérique) à Joseph-Ferdinand de Bavière, réserve le Milanais à l'archiduc Charles, second fils de Léopold Ier (futur empereur Charles VI), et remet Naples, la Sicile, les présides de Toscane et le Guipúzcoa au Grand Dauphin (fils de Louis XIV).
1.2. Un second traité
La mort du jeune prince bavarois (6 février 1699) nécessite un second traité (3-25 mars 1699), aux termes duquel l'archiduc Charles recevrait l'Espagne, les Pays-Bas et l'Amérique en s'engageant à ne jamais réunir ces États à l'Empire ; le Grand Dauphin aurait, outre sa part prévue en 1698, le Milanais. Mais ni l'empereur ni le roi d'Espagne qui, en accord avec son peuple, veut maintenir l'intégrité de sa monarchie, n'acceptent de reconnaître ces deux traités de partage.
1.3. Le second testament de Charles II (2 octobre 1700)
Un mois avant sa mort, Charles II refait son testament (2 octobre 1700) en désignant pour son successeur et unique héritier le deuxième petit-fils de Louis XIV Philippe, duc d'Anjou, ou, en cas de refus de la France, l'archiduc Charles. Après quelques jours de discussions en Conseil, Louis XIV se décide à accepter le testament pour son petit-fils (16 novembre), qui devient roi d'Espagne sous le nom de Philippe V.
2. La coalition contre la France et l'Espagne
2.1. La Grande Alliance de La Haye
Hormis l'empereur, la plupart des États européens reconnaissent le nouveau roi. Mais, par des mesures maladroites (maintien des droits de Philippe V à la couronne de France, expulsion des garnisons hollandaises des places de la Barrière (→ traités de la Barrière), octroi aux marchands français de l'asiento dans l'Amérique espagnole), Louis XIV provoque la formation d'une coalition européenne : le 7 septembre 1701, Guillaume III d'Angleterre et le grand pensionnaire de Hollande Heinsius font conclure la Grande Alliance de La Haye, qui rassemble, contre la France, l'Angleterre, les Provinces-Unies, l'empereur, auxquels se joignent la plupart des princes allemands et le Danemark. Dirigés après la mort de Guillaume d'Orange (19 mars 1702) par un triumvirat composé de Heinsius, du duc de Marlborough et du Prince Eugène, les coalisés déclarent la guerre à la France et à l'Espagne le 15 mai 1702.
Pour en savoir plus, voir l'article coalition.
2.2. Forces inégales et défections
Aux armées de terre de la coalition commandées par d'excellents généraux (le Prince Eugène et le duc de Marlborough) et qui comptent parmi elles les troupes impériales aguerries par leurs campagnes contre les Turcs, Louis XIV oppose une armée bien entretenue mais insuffisante (200 000 hommes) et dont les chefs, en dehors de Villars et de Vendôme, sont médiocres (tels Villeroi, La Feuillade, Marsin, Tallard).
D'autre part, la flotte française, avec une centaine de vaisseaux, est très inférieure à celle des Anglo-Hollandais (230 vaisseaux) qui ont la maîtrise de la mer. En outre, dès le début des hostilités, deux des alliés de Louis XIV (la Savoie et le Portugal) font défection et adhèrent à la coalition. La France ne dispose donc plus que de l'alliance de l'Espagne et de celle des Électeurs de Bavière et de Cologne.
2.3. Une série de déboires franco-espagnols
Aussi, après quelques succès (victoires de Villars sur les impériaux à Friedlingen [14 octobre 1702] puis à Höchstädt [20 septembre 1703]), la France et ses alliés connaissent-ils une série de revers. En 1704, les Anglais s'emparent de Gibraltar (1er août), et la victoire du Prince Eugène et de Marlborough sur Marsin et Tallard, à Blenheim (13 août), contraint la France à abandonner la Bavière.
L'année suivante, les Anglais occupent Barcelone, où l'archiduc Charles se fait proclamer roi d'Espagne sous le nom de Charles III (9 octobre). En 1706, après la victoire de Marlborough sur Villeroi à Ramillies (23 mai) et celle du Prince Eugène sur La Feuillade à Turin (septembre), les Franco-Espagnols évacuent les Pays-Bas et l'Italie du Nord.
En 1707, si Philippe V, aidé par le duc de Berwick, réussit à chasser les Anglo-Portugais d'Aragon et du royaume de Valence, les coalisés s'emparent du royaume de Naples. En 1708, le duc de Marlborough et le Prince Eugène battent les troupes de Vendôme à Oudenaarde (11 juillet), puis assiègent Lille, dont la capitulation ouvre la frontière du nord à l'invasion.
L'armée étant décimée et épuisée, Louis XIV engage des pourparlers de paix à deux reprises, à La Haye (27 mai 1709) et à Geertruidenberg (9 mars-13juillet 1710). Mais, les coalisés exigeant l'aide militaire de la France pour chasser d'Espagne Philippe V, le roi rompt les négociations et poursuit la lutte.
2.4. Le tournant de la guerre
Le gouvernement français fournit alors un effort considérable de recrutement (levées de milices royales) pour renouveler l'armée. Au nord du royaume, après la demi-victoire de Villars à Malplaquet (11 septembre 1709), cette armée réussit à contenir l'ennemi en s'appuyant sur les places fortes de Vauban. Commandée en Espagne par Vendôme, elle remporte sur les Anglais et les impériaux la décisive victoire de Villaviciosa (10 décembre 1710) et aide Philippe V à reconquérir son royaume.
Cette victoire impressionne les coalisés, en particulier l'Angleterre, où les tories, partisans de la paix, arrivent au pouvoir et engagent avec la France des pourparlers dès janvier 1711. Les exploits des corsaires français (notamment la prise de Rio de Janeiro par Duguay-Trouin [septembre 1711]), et surtout l'élection à l'Empire de l'archiduc Charles (empereur Charles VI), désormais en mesure de reconstituer à son bénéfice l'empire de Charles Quint, achèvent de déterminer l'Angleterre, qui signe les préliminaires de Londres (8octobre 1711) puis un armistice avec la France (Fontainebleau, 22 août 1712), et incite ses alliés à conclure la paix.
3. Les traités d'Utrecht et de Rastatt (1713-1715)
Celle-ci est signée à Utrecht, le 11 avril 1713, entre la France et les coalisés, moins l'empereur, qui continue la guerre. Mais les succès de Villars (victoire de Denain, 24 juillet 1712 ; prise de Landau et de Fribourg-en-Brisgau, 20 août et 31 octobre 1713) contraignent Charles VI à se rallier à la paix, qu'il signe avec Louis XIV, à Rastatt, le 6 mars1714.
À Utrecht et à Rastatt, Louis XIV obtient deux satisfactions : d'une part Philippe V est reconnu comme roi d'Espagne et garde l'Amérique espagnole ; d'autre part la France conserve ses frontières de 1700. Mais il doit accepter la séparation des deux couronnes de France et d'Espagne et le démembrement de la monarchie espagnole ; de plus, le roi de France perd tous les avantages territoriaux et commerciaux qu'il espérait ou tenait de la succession d'Espagne et entame le démantèlement de l'empire français d'Amérique au profit de l'Angleterre, qui se fait accorder en outre d'importants privilèges commerciaux (asiento ; vaisseau de permission) et impose ainsi sa suprématie maritime.
Pour en savoir plus, voir les articles Louis XIV, Philippe V, Provinces-Unies, traités d'Utrecht.