États-Unis : histoire

La période coloniale
La période coloniale

Résumé

xvie-xviie siècles : la période coloniale

Peuplé peut-être d'environ 4 millions d’Amérindiens, l’espace nord-américain fait l’objet de convoitises européennes dès le xvie siècle et d’implantations coloniales au xviie siècle. Ce sont finalement les Britanniques qui dominent. Sous leur pression, les Français sont amenés à livrer le Canada (1763) et les tribus autochtones de l’est à se replier vers les Appalaches et l’ouest.

L'accession à l'indépendance

En demandant aux colons nord-américains de contribuer au financement de leur défense, les responsables politiques de la métropole s’aliènent un nombre croissant de « patriotes » qui ne tardent guère à s’insurger et à rompre les liens avec Londres, en déclarant leur indépendance (1776). À l’issue d’une guerre de décolonisation soutenue officiellement par la France à partir de 1778, la Grande-Bretagne est forcée de reconnaître la souveraineté des 13 États-Unis d’Amérique (1783), tout en conservant le contrôle du Canada où se replient des dizaines de milliers de loyalistes.

1787-1861 : l'expansion territoriale

Dotée d’une Constitution républicaine écrite en 1787, la jeune nation peut se concentrer sur son propre développement, acquérant et intégrant continûment des territoires à l’Ouest (acquisition de la Grande Louisiane en 1803, obtention de la Floride en 1819, partage de l’Oregon en 1846, gain militaire contre le Mexique du Sud-Ouest en 1848, achat de l’Alaska à la Russie en 1867 et annexion de Hawaï et d’une série de bases et d’espaces associés dans les Caraïbes et le Pacifique à l’issue de la guerre avec l’Espagne en 1898) qui s’avèrent riches de multiples de ressources.

1861-1919 : l'émergence d'une grande puissance

À la faveur d’un développement démographique en partie lié à de puissantes vagues d’immigration, et malgré une guerre civile sanglante qui oppose nordistes et sudistes à propos de la prééminence de l’Union sur le droit des États et la question de l’esclavage (1861-1865), émerge une grande puissance agricole, commerciale et industrielle qui fait office de laboratoire de la modernité, et produit un mode de vie particulier, fondé sur la démocratisation de la consommation, l’American Way of Life.

1919-1929 : l'isolement dans la prospérité

L’isolationnisme traditionnel, qui détournait les États-Unis des affaires européennes, cède une première fois en 1917 quand ceux-ci s’engagent aux côtés des Alliés. Déçus par les conditions de la paix, ils se consacrent à nouveau au développement intérieur.

1929-1945 : de l'isolationnisme à la Seconde Guerre mondiale

À partir de 1929, les États-Unis doivent faire face aux déséquilibres de cette croissance effrénée et à la plus grave crise économique de leur histoire, non sans affecter par contrecoup l’ensemble du monde. Le « New Deal » et ses mesures qui ébauchent une amorce d’État providence leur permettent toutefois, avec la Seconde guerre mondiale dans laquelle ils s’impliquent à partir de décembre 1941, de surmonter cette « Grande Dépression » et de consolider leur statut de superpuissance.

1. La période coloniale et la lutte pour l'indépendance

1.1. L'exploration du territoire par les Européens

Le xvie siècle

Le Sud est le premier reconnu, soit par des navigateurs dans le golfe du Mexique (Ponce de León en Floride [1513] ; découverte du Mississippi par Hernando de Soto en 1541), soit par des explorateurs partis du Mexique vers les grandes plaines (Francisco Vásquez de Coronado atteint l'Arkansas [1540-1542]) et la côte pacifique (Francisco de Ulloa en basse Californie en 1539). La côte orientale est reconnue par des Français (le pilote italien Giovanni da Verrazzano, au service de la France, découvre la baie de New York en 1524 ; Ribault tente une installation en Floride [1562-1565]), puis par les Anglais Hawkins (1564), Barlow (1584) et sir Walter Raleigh, avec son éphémère établissement de Virginie (1585-1589). Entre les postes français du Canada et les postes espagnols de Floride, le territoire de la future Union, dépourvu apparemment des richesses alors recherchées, est à peu près vide d'Européens au xvie siècle. Y vivent, dispersées sur toute son étendue, les nombreuses tribus d'Indiens.

Le xviie siècle

Tandis que sur la côte orientale s'installent les Européens, la recherche des fourrures et le désir de convertir les Indiens déterminent une série d'expéditions à partir du Canada : Nicolet atteint le lac Michigan (1634), le P. Allouez le lac Supérieur (1665), Louis Joliet le confluent du Mississippi et de l'Arkansas (1673), Cavelier de La Salle l'embouchure du Mississippi (1682). Ainsi naît la Louisianefrançaise.

Le xviiie siècle

La reconnaissance du pays progresse à l'ouest du fleuve, avec l'expédition de La Harpe vers la Red River et l'Arkansas (1719-1722), celle de Dutisné et Véniard de Bourgmont vers la rivière Platte et le bas Missouri (1719-1724), dont la remontée permet la jonction, dans l'actuel Dakota du Sud, avec les pays découverts à partir du Nord par La Vérendrye et ses fils (1742-1743). Dans le même temps, les Espagnols explorent la côte pacifique et atteignent San Francisco (fondée en 1776).

1.2. La fondation des colonies

Les immigrants

Du fait de l'évolution économique et sociale et des bouleversements politiques et religieux de l'Angleterre au xviie siècle, les immigrants sont alors nombreux (250 000 Européens au total) : artisans et petits propriétaires ruinés ; dissidents chassés par la réaction anglicane, « cavaliers » par les « Têtes rondes », puritains par Charles II, jacobites par l'« usurpateur » Guillaume III, etc.

Les arrivants ne sont pas que des Britanniques. Peu à peu s'installent, en effet, des Polonais, des Allemands, des Néerlandais et des Scandinaves. En 1619 arrive le premier convoi de Noirs : importés régulièrement de Guinée et des Indes occidentales par des négriers et réduits à l'esclavage, ils seront 400 000 en 1760.

Des colonies aux origines diverses

Parmi les treize colonies anglaises nées entre 1607 et 1733, les unes sont créées par des compagnies de commerce : celle de Londres crée la Virginie, à la suite de la remontée de la rivière James par 105 colons, qui fondent Jamestown (1607) ; celle de Plymouth, le Massachusetts, à la suite du débarquement, en 1620, au cap Cod, d'un groupe de dissidents – les Pilgrim Fathers (pèlerins) – qui ont franchi l'Océan sur le Mayflower. Elles sont donc administrées par des gouverneurs représentant les compagnies, puis elles sont transformées en colonies royales.

D'autres se constituent à la suite du démantèlement, en 1664, des possessions hollandaises (Nieuw Amsterdam devient New York), qui donne naissance aux colonies de New York, où se sont installés les Néerlandais dès 1623 ; du Delaware, où les Néerlandais doivent laisser s'implanter les Suédois en 1638 ; du New Jersey enfin (1664).

Certaines d'entre elles sont concédées à des propriétaires : le New Hampshire, notamment, à J. Mason, où le premier établissement britannique date de 1623 ; il en est de même du Maryland, colonisé par le catholique Calvert (1632), des deux Carolines (→  Caroline du Nord, Caroline du Sud) concédées à huit favoris de Charles II par charte royale (1663), de la Pennsylvanie, offerte par Charles II à William Penn(1681), pour régler une dette d'argent et se débarrasser des quakers encombrants, de la Géorgie, concédée par George II à James Oglethorpe, et où Savannah est fondée en 1733.

D'autres, enfin, naissent par sécession d'avec le Massachusetts, dont les non-conformistes, fuyant la théocratie autoritaire de Boston, fondent en 1635 le Connecticut avec Thomas Hooker (charte royale, 1662), et, en 1636, le Rhode Island avec Roger Williams (charte royale, 1663).

Évolution politique

Mais l'évolution politique est partout identique. D'une part, l'autorité royale tente de s'y affirmer au fur et à mesure que s'élabore à Londres une doctrine impériale (actes de navigation de 1660, 1663, 1673, 1696), soit par le rattachement direct des colonies à la Couronne (New Hampshire, 1679 ; Maryland, après la révolution de 1688 ; New Jersey, 1702 ; Caroline du sud, 1719), soit en opposant le veto royal aux décisions des assemblées locales (suppression des chartes de certaines colonies), ou, enfin, par la création d'un solide réseau d'agents des finances et des douanes.

À l'inverse, une évolution « centrifuge » dote les colonies de franchises politiques : « Assemblée des bourgeois » de Virginie (1619), « General Court » de Massachusetts, « Articles fondamentaux » du Connecticut, « Charte » du Rhode Island, « Christian Laws » du New Hampshire, « Concession » du New Jersey, « Frame of Government » de Pennsylvanie.

Le gouvernement des colonies apparaît comme un compromis entre ces deux tendances : face au gouverneur (souvent appointé et parfois nommé par l'assemblée de la colonie), assisté d'un conseil, qui représente le roi, l'assemblée élue par les colons vote le budget et ratifie les projets du conseil. Selon les colonies, l'un ou l'autre de ces pouvoirs l'emporte et l'assemblée est plus ou moins représentative (censitaire en Virginie, plus démocratique en Pennsylvanie). Dans tous les cas, la dualité des pouvoirs favorise les conflits.

→ colonisation.

1.3. L'évolution jusqu'à l'indépendance

Les trois groupes de colonies

Dans le Nord, la Nouvelle-Angleterre (New Hampshire, Massachusetts, Rhode Island, Connecticut) compte 94 000 habitants en 1700, 495 000 en 1763 (dont 19 000 esclaves). Dans un cadre presque européen s'harmonisent des activités variées : polyculture et élevage dans de petites propriétés, exploitations forestières le long des chutes, constructions navales, contrebande du bois, du rhum et de la mélasse avec les Antilles françaises, dont vivent Portsmouth et Newport. Pays des grandes villes, des universités, le Nord, bourgeois et capitaliste, d'un puritanisme rigoureux, est ouvert à toutes les influences intellectuelles.

Dans le Sud (Maryland, Virginie, Carolines, Géorgie), la population s'élève à 108 000 habitants en 1700 et à 735 000 en 1763 (dont 281 000 esclaves, renouvelés par la traite). La Virginie à elle seule compte alors 550 000 habitants. Sur d'immenses propriétés (de 2 000 à 70 000 ha en Virginie), des esclaves cultivent le tabac (Maryland, Virginie), le riz et l'indigo (Caroline du Sud, Géorgie), le tabac et le riz (Caroline du Nord). Il y a peu de villes, de ports et d'industries dans le Sud, où domine la riche aristocratie des propriétaires. Ces planteurs, qui occupent tous les postes politiques, sont des hommes durs à la tâche ; anglicans, ils sont amateurs de bonne chère et des plaisirs de la vie, ce qui leur vaut le mépris des puritains ; cultivés, ils aiment le faste et les fêtes, et se font construire de belles demeures de style néoclassique.

Dans le Centre enfin (New York, New Jersey, Delaware, Pennsylvanie), qui compte 53 000 habitants en 1700, 410 000 en 1763 (dont 23 000 esclaves), le brassage ethnique est déjà caractéristique : deux tiers de la population sont alors français (huguenots), allemands, suédois. Pays de grandes villes – dont Philadelphie –, ce groupe apparaît comme une charnière entre les deux autres.

La double menace indienne et franco-espagnole

En dépit d'efforts systématiques de destruction au xviie siècle (guerre du Connecticut et du Massachusetts contre les Indiens Pequots en 1636-1637, et guerre du roi Philippe en 1675-1676, la menace indienne demeure vive, attisée par les Canadiens, désireux de briser la concurrence des marchands anglais chez les Iroquois, fournisseurs de fourrures.

Au cours de la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1714), prises entre les expéditions franco-espagnoles sur les Carolines à partir de Cuba et les raids franco-indiens sur la Nouvelle-Angleterre (1704-1708), les colonies résistent. Mais le traité d'Utrecht ne résout en rien le conflit qui oppose les trafiquants anglais, désireux de pénétrer outre-Allegheny, et les coureurs des bois de Montréal, désireux de conserver leurs terrains et la libre communication avec la Louisiane.

Jusqu'en 1744, les deux camps construisent une série de forts rivaux dans la région des Grands Lacs et de l'Ohio et utilisent les Indiens aux fins de massacres réciproques. L'affrontement militaire, encore localisé au cours de la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748), se poursuit après la paix de 1748 (capitulation de George Washington et des milices virginiennes dans Fort Necessity [juillet 1754] opposé à Fort-Duquesne).

Par sa conclusion heureuse pour l'Angleterre (traité de Paris, 1763), la guerre de Sept Ans (1756-1763) permet aux colonies anglaises d'Amérique du Nord de s'étendre, par-delà la ligne des Appalaches, jusqu'à l'Ohio et au Mississippi, dont la rive droite est à la même époque cédée par la France à l'Espagne, pour compenser l'abandon de la Floride à l'Angleterre.

La main mise de l'Angleterre

L'hypothèque française levée, les colonies se heurtent à la métropole ; celle-ci, sous l'impulsion de l'autoritaire George III, veut exploiter sa victoire de 1763 et affirmer son pouvoir à leur égard en rendant plus efficace la politique d'exclusif colonial dont le Board of Trade (ministère du Commerce) a la charge depuis 1696.

Dans ce sens sont adoptées plusieurs mesures :
– répression accrue de la contrebande par les agents des douanes, autorisés à perquisitionner par les writs of assistance, afin de faire respecter la loi Grenville sur les sucres (Sugar Act, 1764) ;
– nouvel impôt intérieur (institué par le Stamp Act, ou loi du timbre, de 1765), frappant les actes publics et les journaux ;
– entretien d'une troupe de 10 000 hommes ;
– versement d'un traitement fixe aux gouverneurs, ainsi soustraits au bon vouloir des assemblées.

La première mesure heurte les colons américains, mais n'outrepasse pas les droits royaux ; les autres, en revanche, sous la fiction légale d'une approbation du Parlement, théoriquement représentatif de l'empire, mais où ne siège aucun Américain, violent le principe essentiel du consentement à l'impôt des colonies.

Vers la guerre de l'Indépendance

Les « sujets » d'Amérique ripostent aux mesures de George III par l'affirmation de leurs droits (« Résolutions » de l'assemblée de Virginie, 30 mai 1765), par le boycott des produits anglais et les autodafés d'actes notariés (New York, Philadelphie, Boston), par un congrès à New York, qui adresse au roi une pétition : la loi Grenville et la loi sur le timbre sont finalement retirées (mars 1766), non sans que le gouvernement anglais, désireux de masquer son recul, énonce, par le Declaratory Act, sa totale compétence en matière de législation coloniale.

Les lois Townshend (mai 1767) relèvent les droits sur une série de produits ; elles provoquent une opposition plus violente (réprimée par le massacre de Boston, 5 mars 1770) et doivent être abrogées. Lorsque la Compagnie des Indes orientales obtient le monopole de la vente du thé en Amérique (1773), les négociants contrebandiers de la Nouvelle-Angleterre refusent d'acheminer les cargaisons de thé ou les détruisent (Boston tea party, 16 décembre 1773) etc.

La Couronne, défiée, réagit par cinq lois répressives (the Intolerable Acts), frappant surtout Boston et le Massachusetts ; en outre, elle étend les droits des Canadiens catholiques sur le pays de l'Ohio, au détriment de la Nouvelle-Angleterre (Acte de Québec). Tandis que se réunit à Philadelphie le premier Congrès continental (5 septembre-26 octobre 1774), qui rédige une série d'adresses (au roi, au peuple canadien) et une déclaration des droits du contribuable américain, l'opposition radicale organise dans les colonies des milices et des réseaux armés. Le massacre de la colonne anglaise du général Gage, à Lexington, le blocus de Boston par 16 000 miliciens (20 avril 1775) ouvrent la guerre de l'Indépendance (1775-1783), à laquelle la Déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776 donnera un sens précis et qui s'achèvera avec la défaite des troupes royales.

2. Naissance de la nation américaine et évolution jusqu'en 1865

La paix de Paris (3 septembre 1783) reconnaît l'existence de la République fédérée des États-Unis.

2.1. La vie politique

Répondant à l'invitation du deuxième Congrès continental (réuni le 10 mai 1775), plusieurs États ont réformé leurs institutions dans un sens plus démocratique. En pleine guerre, un essai de gouvernement confédéral a été amorcé avec les « Articles de confédération », qui entrent en vigueur en 1781 ; mais le Congrès, composé des ambassadeurs de chaque État, ne possède ni pouvoir exécutif ni pouvoir judiciaire ; rien n'est prévu pour réglementer le commerce entre les États ; il ne dispose d'aucune ressource financière propre.

Les difficultés, à cette date, sont pourtant innombrables : paiement des soldes aux militaires ; inflation de papier-monnaie dans certains États ; échec des missions de Jefferson à Paris et de Jay à Madrid, à la recherche d'un prêt ; refus systématique des États d'accorder quelque revenu au Congrès en acceptant l'établissement de tarifs douaniers. À l'ouest des Appalaches, où, dès 1763, progressait la colonisation de la vallée de l'Ohio et d'outre-Ohio (fondation de Louisville en 1778 et de Cincinnati en 1789-1790), quel serait le régime des terres ? Seraient-elles livrées à la compétence des États – donc à certaines oligarchies – ou, passant sous la compétence du Congrès, seraient-elles ainsi ouvertes au petit peuple du Nord-Est ruiné par la guerre ? Finalement, après l'ordonnance de 1785, celle du 13 juillet 1787 (ordonnance du Nord-Ouest) qui spécifie que les territoires situés à l'est du Mississippi, cédés par l'Angleterre au traité de Versailles (1783) et peuplés déjà d'environ 100 000 colons américains, seront considérés comme propriété fédérale et découpés (géométriquement) en territoires fédéraux, puis autonomes. Ils pourront être érigés en États quand ils seront peuplés de plus de 60 000 citoyens : le Vermont devait être le premier (1791) et Hawaii le dernier territoire (1959) à bénéficier de cette disposition. Mais ces progrès mêmes ne vont pas sans conflit avec les Indiens Cherokees (1774, 1776) et Iroquois (1778, 1779), avec les Espagnols aussi à propos de la libre navigation sur le Mississippi.

L'urgence de nouvelles institutions provoque la réunion de la convention d'Annapolis (septembre 1786), qui décide l'élection de la convention de Philadelphie. Les 55 membres siégeant (sur 65 délégués élus par les assemblées législatives des États) élaborent la Constitution fédérale des États-Unis (17 septembre 1787), encore en vigueur aujourd'hui. Œuvre de compromis, elle affirme l'existence d'une nation américaine formée d'États indépendants, mais non souverains ; elle vise à assurer, dans le respect des autonomies, la défense commune et la sauvegarde de l'intérêt général. La séparation des pouvoirs est rigoureuse, mais, à côté d'un congrès bicamériste, sont créées une présidence, qui doit appliquer les lois, et une cour suprême.

Les États ratifient la nouvelle Constitution de 1787 à 1790 dans des assemblées populaires, où s'affrontent fédéralistes et antifédéralistes. George Washington est porté à la présidence des États-Unis et entre en fonctions le 30 avril 1789. Mais, presque aussitôt, naissent des difficultés quant à l'interprétation de la Constitution, entre fédéralistes et républicains. Les premiers, qui restent au pouvoir de 1789 à 1801, sont partisans d'un gouvernement fédéral fort et ont pour chef de file Alexander Hamilton, secrétaire au Trésor de George Washington. Admirateurs du système oligarchique anglais, s'appuyant sur les armateurs, commerçants et négociants du Nord-Est, ils renforcent le pouvoir central : création d'une Banque d'État (1791), d'une monnaie stable, le dollar, et de ressources régulières, grâce aux douanes. D'abord neutralistes (Déclaration de neutralité, 22 avril 1793 ; « Adresse d'adieu » de George Washington [1796], qui ne se représente pas aux élections, excédé par les critiques dont il est l'objet), les fédéralistes, qui ont conclu un accord commercial avec Londres (traité Jay, 1794), rompent avec le Directoire (1798) ; leur hostilité envers la Révolution française s'est accrue depuis l'exécution de Louis XVI, dont l'intervention avait rendu possible l'indépendance des États-Unis.

À cette politique s'oppose celle des républicains, petits propriétaires ruraux ou citoyens des petits États, planteurs du Sud soucieux de sauvegarder leurs franchises. Jacobins d'idéologie et de vocabulaire, ils enlèvent aux fédéralistes et à John Adams la présidence, à laquelle accède, en 1801, Thomas Jefferson, l'un des pères de la Confédération, ancien secrétaire d'État (d'ailleurs démissionnaire en 1793) de Washington. Les républicains, une fois au pouvoir, évoluent très vite, leur politique s'orientant par nécessité vers un renforcement du gouvernement central. Ainsi s'effacent les divergences les opposant aux fédéralistes ; d'ailleurs, les Américains vont être absorbés, malgré le désir de Jefferson (acte de non-intercourse, interdisant tout trafic avec l'Angleterre et la France), par la seconde guerre de l'Indépendance. Celle-ci est suscitée par les Anglais, qui ont soudoyé la révolte du chef indien Tecumseh (1810-1811) dans l'Indiana ; leur Amirauté a commis l'erreur, d'autre part, d'enrôler de force des marins et d'arraisonner des navires américains sous prétexte de droit de visite (lutte contre la contrebande de guerre dans le cadre du blocus mis en place contre Napoléon Ier).

Ce conflit, les craintes suscitées par la prise et l'incendie de Washington (1814), enfin la victoire finale, consacrée par le traité de Gand (1814) et le succès du général Jackson à La Nouvelle-Orléans (janvier 1815), contribuent à renforcer l'orgueil national au détriment des luttes de parti. Ainsi s'ouvre, sous les successeurs et disciples de Jefferson, James Madison (1809-1817) et James Monroe (1817-1825), qui forment avec lui la dynastie virginienne, l'« Ère des bons sentiments » (Era of good feelings). Désireux de s'assurer le contrôle exclusif de l'espace continental, politique ou économique américain en restant liés aux jeunes États hispano-américains, redoutant pour eux une Sainte-Alliance européenne, les États-Unis, par la ferme déclaration de Monroe, « l'Amérique aux Américains » (2 décembre 1823), réaffirment à la fois leur volonté de neutralité et leur opposition à toute ingérence européenne.

2.2. L'expansion territoriale

Pendant cette période d'apaisement des luttes politiques, toutes les énergies américaines ont été absorbées par la poussée vers l'ouest. Jusqu'en 1803, cette dernière avait été empêchée par la présence du Canada britannique au nord, de la Louisiane à l'ouest, de la Floride au sud. Or, profitant de la rétrocession par l'Espagne de la Louisiane à la France (convention de San Ildefonso, 1er octobre 1800) et de l'impossibilité pour celle-ci de la conserver, Jefferson avait acheté ce territoire au Premier consul pour 15 millions de dollars (30 avril 1803) : la superficie de l'Union est ainsi doublée. Cette acquisition permettra la création de treize nouveaux États, dont la frontière avec le Canada sera fixée en 1818, entre le lac Supérieur et les montagnes Rocheuses, au 49e parallèle. D'autre part, déjà maîtres de la Floride occidentale (1810), les États-Unis, après la guerre victorieuse menée par le général Jackson contre les Séminoles, aux confins de l'Alabama et de la Géorgie (1818), contraignent Ferdinand VII d'Espagne à leur céder le reste de la Floride, à renoncer à l'Oregon, dont le sort sera contesté jusqu'au règlement définitif de 1846, et à fixer la frontière septentrionale du Mexique.

Ayant enfin accès au golfe du Mexique et aux bouches du Mississippi, les États-Unis poursuivent leur expansion territoriale au détriment du Mexique, héritier de la puissance coloniale hispanique : reconnaissance (1837), puis annexion (1845) de la république du Texas, fondée en 1835-1836 par les colons que menaçait la législation mexicaine antiesclavagiste de 1829 ; guerre contre le Mexique (1846 -1848), voulue par des annexionnistes trop hardis, malgré les réserves du Congrès devant les risques de déséquilibre interne rendus possibles par l'incorporation d'États esclavagistes ; finalement, cession, pour 15 millions de dollars, du Texas, du Nouveau-Mexique (y compris l'Arizona et le Colorado) et de la Californie (traité de Guadalupe Hidalgo, 2 février 1848) ; une rectification de frontière au sud du Nouveau-Mexique fixera définitivement les limites méridionales des États-Unis (convention Gadsden, 1853).

En même temps qu'ils achèvent leur expansion territoriale vers le sud et le sud-ouest, les États-Unis obtiennent que soient précisées leurs frontières avec le Canada, d'abord entre l'océan Atlantique et le Saint-Laurent (1842), ensuite entre les montagnes Rocheuses et l'océan Pacifique (1846), ce qui permet l'érection de l'Oregon en territoire fédéral (1848). Sans doute le cadre territorial ainsi délimité n'est-il pas rempli : pourtant, la création du territoire de l'Utah (1850) permet d'établir un noyau de peuplement au cœur de l'Union et dans une de ses régions les plus inaccessibles.

2.3. Le peuplement et la mise en valeur

Parallèlement se développe le peuplement de l'espace américain à partir de l'océan Atlantique et des Appalaches. Ayant d'abord progressé surtout par le simple croît naturel (4 millions d'habitants en 1789 ; 7 300 000 en 1810 ; 9 600 000 en 1820 ; 17 millions en 1840 ; 24 millions en 1850), la population augmente ensuite plus rapidement grâce à l'immigration : celle-ci, déjà importante depuis la crise économique de 1817 en Europe, fournit au moins 250 000 arrivants par an au milieu du siècle (31 millions d'habitants en 1860). La progression vers l'ouest est alors surtout le fait d'Anglo-Saxons, de Scandinaves ou de Néerlandais, et particulièrement des éléments qui, par leur fortune, leur compétence technique (agriculteurs), leur puissance numérique et leur cohésion morale (communautés fouriéristes du Texas, bonapartistes du Champ d'Asile), n'hésitent pas à tenter l'aventure de la colonisation loin de tout pays habité, tandis que les immigrants les plus pauvres cherchent immédiatement du travail dans les villes côtières.

Cette colonisation se fait souvent en deux temps. Les nouveaux immigrants, qui arrivent en vagues ethniques d'origines différentes, vont se fixer en grand nombre dans les États de la côte atlantique, leur donnant un peuplement plus hétérogène : Anglo-Saxons et Néerlandais jusqu'en 1845 ; Allemands (bientôt groupés autour de Chicago) ; Irlandais (crise de la pomme de terre en Irlande en 1846), qui, se concentrant à New York, en font la première ville irlandaise du monde, et Scandinaves, qui se fixent davantage dans la Prairie ; Latins et Slaves, en nombre considérable, de 1890 à 1914 puis moindre de 1919 à 1920, avant l'application de la loi sur les quotas de 1921. Mais ces immigrants prennent la relève des premiers colons, Américains de souche, qui abandonnent leurs terres pour progresser plus loin vers l'ouest, n'hésitant pas parfois à répéter l'expérience de défrichement deux ou trois fois dans leur vie (cas du père de Lincoln).

Refoulant les Indiens, dont on décide d'ailleurs le transfert à l'ouest du Mississippi (1830) pour arrêter leurs incursions, les pionniers se lancent, en vagues successives (trappeurs, éleveurs, défricheurs, enfin fermiers), à la conquête de la Prairie, jusqu'à ce que, à la fin du siècle, la ligne montante du front pionnier(la « Frontière »), qui avait atteint le 98e méridien en 1865, ait enfin rejoint les zones de peuplement s'épanouissant autour des ports du littoral pacifique. Cette progression se fait selon certains axes naturels : passes des Appalaches ; vallée de l'Ohio, descendue jusqu'au Mississippi par des bateaux à fond plat, les flatboats, dont les planches servent ensuite à l'édification de cabanes ; pistes de chasseurs, parfois même de bisons, parcourues plus à l'ouest par des wagons bâchés traînés par des bœufs ou des chevaux. Au croisement des pistes, à la traversée des fleuves, naissent, au centre des clairières ménagées par les premiers arrivants, de petites agglomérations, qui seront autant de foyers de fixation de la vie agricole et de points de départ pour une nouvelle progression vers l'ouest.

Le cadre de cette progression a d'ailleurs été déterminé par l'ordonnance du Nord-Ouest (1787).

Les territoires cédés par l'État, en fonction de celle-ci (et vendus en moyenne un dollar l'acre), sont cadastrés et découpés en parcelles numérotées qui ont toutes la même superficie et la même forme, ce qui donne aux campagnes américaines leur aspect géométrique si caractéristique. Un droit de préemption est seulement réservé au premier occupant, et, si celui-ci ne peut se porter acquéreur, il est autorisé à se faire verser une indemnité de mise en valeur par celui qui devient propriétaire de la terre.

Mais la progression des pionniers s'est faite le long de voies naturelles relativement primitives, qui ne suffisent plus au ravitaillement et ne maintiennent plus des liens assez solides entre les nouveaux territoires ou États et la Fédération. Le sort de l'Union dépend, en fait, de leur cohésion, et celle-ci est liée au développement de voies de communication modernes. Cette nécessité entraîne le développement de la navigation à vapeur, grâce au monopole acquis par Fulton (Hudson, 1807 ; Ohio et Mississippi, 1811), celui des canaux (canal de l'Érié, ouvert en 1825), des routes et des voies ferrées (7 000 km en 1840 ; 48 000 km en 1860 ; 127 000 km en 1874) – voies de communication qui toutes s'étirent d'est en ouest à partir de trois villes rivales : Baltimore, Philadelphie et surtout New York (favorisée par le canal de l'Érié). Les conséquences de cette expansion intérieure sont triples. En premier lieu, elle modifie l'équilibre politique traditionnel des États-Unis, qui reposait sur la dualité Sud-Nord. L'influence du « Vieux Sud » diminue dans le cadre de l'Union (37,5 % de la population en 1810 ; 23 % en 1840), alors que le nord, qui perd sa prédominance agricole (maintien seulement de l'élevage), devient la région la plus peuplée de l'Union (39 % en 1840) et puise dans son industrialisation rapide (textiles en Nouvelle-Angleterre, métallurgie dans les États de New York et de Pennsylvanie après 1850) une nouvelle source de puissance, malgré les problèmes posés par l'apparition d'un prolétariat ouvrier. Entre ces deux « sections » de l'Union, qui s'opposent sur tous les plans, apparaît l'Ouest (37 % de la population en 1840), qui, équipé de moissonneuses McCormick depuis 1848, est devenu en 1860 le grand producteur de blé (60 %), de maïs (48 %), de bœufs (Iowa, Illinois), de porcs (Illinois), de whisky (Cincinnati). Chicago (8 000 habitants en 1837, 110 000 en 1860) est la capitale de cette dynamique région, dont l'équilibre économique reste pourtant instable et dont les fermiers, très souvent endettés, contribuent par leurs votes à renverser les majorités traditionnelles. Seul le « Far West » reste encore à l'écart de la vie politique du pays (débuts de l'agriculture californienne et du peuplement de l'Oregon), malgré la ruée vers l'or, qui, de 1850 à 1860, porte sa population à 400 000 personnes.

Dès 1824, cette puissance électorale des pionniers de l'Ouest, débiteurs de la Banque d'État, et des prêteurs du Nord-Est se manifeste quand ils portent leurs voix sur le général Jackson, chef du nouveau parti démocrate, constitué par les éléments les plus dynamiques de l'aile gauche du parti républicain, déçus du rapprochement qui s'est révélé dans les faits entre les programmes fédéralistes et républicains. Les gens de l'Ouest, n'ayant pu faire entrer leur candidat à la Maison-Blanche, faute de la majorité absolue (le président est John Quincy Adams, en fonctions de 1825 à 1829), renouvellent leur vote en 1828, mais avec succès, et assurent la présidence pour huit ans à Andrew Jackson (1829-1837) et pour quarante ans au parti démocrate, à l'exception de l'intermède whig de 1841 à 1845 (avec William Henry Harrison et John Tyler) ; le caucus est supprimé, le « système des dépouilles » ou spoils-system (octroi des places aux membres du parti arrivé au pouvoir) instauré partout, la Banque fédérale abolie (1836) ; ainsi, les institutions se démocratisent rapidement.

L'ultime conséquence de l'expansion vers l'ouest est l'aggravation de la rivalité entre le Sud et le Nord. Le Sud est agricole, grand producteur de coton et, par voie de conséquence, esclavagiste et libre-échangiste. En revanche, le Nord est protectionniste (tarifs de 1816 à 1824) et antiesclavagiste, prohibitionniste et féministe par conviction puritaine ; enfin, avec Henry Clay, il reçoit l'appui de l'Ouest, dont la production agricole, encore trop jeune, ne peut se passer de tarification douanière. Or, justement, l'expansion vers l'ouest, en provoquant la création de nouveaux États, menace d'isolement le Sud à l'intérieur de l'Union, qui a pâti de l'ordonnance du Nord-Ouest de 1787, ainsi que de l'abolition de la traite (1808). À deux reprises, Henry Clay sauve l'union des États-Unis. Une première fois grâce au compromis du Missouri : le Maine antiesclavagiste et le Missouri esclavagiste sont admis également dans l'Union, les admissions se faisant désormais par couples d'États opposés ; l'esclavage est interdit à l'ouest du Mississippi et au nord du parallèle 36°35′ (1820). Il la sauve une seconde fois en 1850 : reconnaissance de la Californie comme État libre ; liberté de choix en Utah et au Nouveau-Mexique ; loi sévère contre les esclaves qui se sont réfugiés dans le Nord. Mais cette concession ne satisfait pas le Sud, qui, avec Calhoun, ancien vice-président de Jackson, envisage une possible sécession pacifique, malgré un ultime compromis, le Kansas-Nebraska Act (1854), proposé par le sénateur Douglas, laissant toute latitude aux États d'être ou non esclavagistes. Cette solution aboutit à un drame, qui éclate au Kansas, où colons sudistes, puis nordistes se précipitent tour à tour pour donner à ce territoire récemment érigé en État une Constitution esclavagiste, puis antiesclavagiste : l'affaire se termine par une guerre civile (1854-1856) et facilite la création d'un nouveau parti républicain, résolument antiesclavagiste (1854).

2.4. La guerre de Sécession

Le Sud avait réussi à compenser son infériorité numérique par le contrôle politique qu'il exerçait sur le pouvoir, en particulier en faisant élire deux des siens à la présidence, Franklin Pierce (1853-1857), puis James Buchanan (1857-1861) : aussi ne s'était-il pas inquiété de la limitation imposée à la multiplication des États esclavagistes par le compromis du Missouri (1820) et par celui de 1850.

Mais, peu à peu, une atmosphère favorable à la sécession se crée, d'autant plus facilement qu'apparaissent sur la scène politique de jeunes générations que n'unissent plus, par-delà les divergences politiques, les liens tissés pendant la guerre de l'Indépendance. Aux « Mangeurs de feu », groupés autour de Jefferson Davis, partisans de l'extension de l'esclavage et de la scission, dans le cas où les sudistes seraient exclus de la présidence, s'opposent les Free-Soilers, tels Sumner, Seward, Chase, etc., partisans du maintien, même par la force, de l'Union.

Dans cette atmosphère tendue, plusieurs incidents se produisent : le conflit sanglant du Kansas (1854), la crise financière de 1857, qui affecte en particulier les compagnies de chemin de fer et souligne la nécessité d'un renforcement du protectionnisme douanier, enfin les affaires Dred Scott (Noir réfugié dans le nord et replacé en esclavage par un arrêt de la Cour suprême, 1857) et John Brown (évangéliste du Nord pendu par les nordistes pour avoir tenté d'armer les Noirs de Virginie, 1859) aboutissent à la scission du parti démocrate, sur l'initiative de son chef, Douglas. Cette scission est d'autant plus grave pour les sudistes qu'elle survient à l'heure même où le nouveau parti républicain – fondé en 1854 par fusion des Free-Soilers et du parti whig – réussit à acquérir une forte audience dans l'opinion publique et à faire élire (1860) à la présidence des États-Unis son candidat, Abraham Lincoln.

Abraham Lincoln n'obtient que 40 % des voix mais l'emporte sur les démocrates, qui ont présenté deux candidats. Aussitôt les sudistes, mécontents, font sécession à l'appel de la Caroline du Sud (20 décembre 1860) et constituent les États confédérés d'Amérique (février 1861), bientôt présidés par Jefferson Davis et dont la capitale est Richmond (Virginie).

Numériquement inférieurs, les sudistes espèrent l'emporter grâce à leur cohésion ; il y a, en effet, solidarité d'intérêt entre les grands et les petits propriétaires, qui sont également possesseurs d'esclaves, et les « pauvres Blancs », qui sont d'autant plus hostiles aux Noirs que le travail servile contribue au maintien des bas salaires. En outre, l'excellence de leur commandement (la grande majorité des officiers de l'armée s'est ralliée à la sécession, et en particulier le généralissime Lee) peut faire espérer aux sudistes un succès rapide.

En revanche, la prolongation du conflit jouera en faveur des nordistes, en permettant à ces derniers de mobiliser une énorme armée (2 millions d'hommes contre 850 000), de substituer à des chefs relativement médiocres des hommes de plus grand talent (→ Grant, Sherman), et d'utiliser toutes les ressources représentées par l'énorme potentiel économique et financier du Nord-Est.

La guerre de Sécession éclate à la suite des bombardements de Fort Sumter, devant Charleston, par les sudistes (12 avril 1861). Elle va opposer, pour la première fois au monde, des armées aux effectifs approchant ou dépassant le million. Après des échecs initiaux, les nordistes l'emportent à partir de 1863, et, en 1865, le généralissime sudiste, Lee, sollicite un armistice, qui met fin à la guerre (9 avril).

Celle-ci a coûté à l'Union 617 000 morts, dévasté le Sud et provoqué une inflation, particulièrement dangereuse dans le Sud. Elle a affaibli momentanément la position internationale des États-Unis sur le double plan diplomatique et économique, en rendant possible l'essai de constitution par Napoléon III d'un empire latin et catholique au Mexique : celui-ci, fournisseur de coton, était destiné – espérait-on – à faire contrepoids, en Amérique centrale, à la puissance nord-américaine, anglo-saxonne et protestante, et à permettre à l'Europe d'échapper au monopole cotonnier des États-Unis (→ guerre du Mexique, 1862-1867). Ce monopole, d'ailleurs, les planteurs sudistes ne le rétabliront jamais intégralement : les industries textiles européennes, ayant pris l'habitude de s'adresser à d'autres pays producteurs.

3. Les États-Unis de 1865 à 1914

3.1. La Reconstruction (1865-1877)

La guerre de Sécession a eu pour première conséquence, malgré les hésitations de Lincoln et l'opposition de certains démocrates du Nord (les copperheads, « têtes cuivrées », du nom d'un serpent), l'abolition de l'esclavage, mesure préparée dès le 22 septembre 1862, appliquée à partir du 1er janvier 1863, et légalisée le 31 janvier 1865 par le vote du 13e amendement.

Mais Lincoln est assassiné cinq jours après la victoire (14 avril 1865), et son successeur, un démocrate sudiste hostile à la sécession et rallié aux républicains, Andrew Johnson (1865-1869), se trouve dans l'impossibilité de faire triompher, face à l'armée et au Congrès, le généreux programme de reconstruction de Lincoln. Ce dernier, dans son discours du 8 décembre 1863, envisageait d'amnistier tous les sudistes qui jureraient de respecter la Constitution et les décrets d'émancipation, et leur donnait le droit d'élire un gouvernement lorsque 10 % seulement d'entre eux auraient prêté ce serment.

Dès décembre 1865, dix gouvernements sudistes sont reconstitués après avoir souscrit à ces conditions, que seul le Texas rejette. Mais les plus intransigeants des républicains, les radicaux, dirigés par un métallurgiste, Thaddeus Stevens, un banquier, Jay Cooke, veulent imposer des conditions beaucoup plus rigoureuses (égalité raciale absolue), car ils redoutent une coalition de l'Ouest et du Sud, agricoles, contraire à leurs intérêts économiques (maintien d'un haut protectionnisme douanier, nécessaire à l'épanouissement industriel du Nord et de l'Est).

Les radicaux contrôlent le Congrès, et ils imposent quatre mesures qui orientent dans un sens répressif la reconstruction :
– création en mars 1865 d'un freedmen's bureau (bureau des affranchis), chargé de louer et même de vendre aux Noirs des terres confisquées, par lots de 40 acres ;
– vote du 14e amendement annulant la dette des États confédérés, réduisant leur représentation au Congrès en proportion du nombre de leurs citoyens privés du droit de vote, et enlevant les droits politiques aux fonctionnaires rebelles (13 juin 1866) ;
– vote du Reconstruction Act du 2 mars 1867, qui proclame la dissolution des gouvernements sudistes reconstitués par Johnson en 1865, confie l'administration de leur territoire pour une durée temporaire, mais indéterminée, à cinq commandants militaires relevant du général Grant, et non du président Johnson, et soumet la restauration de la représentation au Congrès à l'acceptation préalable et définitive par chaque État du 14e amendement et du droit de vote des Noirs ;
– enfin, vote, en 1869, du 15e amendement, interdisant toute discrimination raciale dans l'exercice du droit de vote, amendement que seule la Géorgie refuse de ratifier, ce qui explique qu'après l'achèvement de la deuxième Reconstruction (1869-1870) une troisième doit être effectuée par ce seul État (janvier 1871).

Ces quatre mesures peuvent être appliquées dans toute leur vigueur quand les radicaux, qui ont tenté en vain de mettre en accusation le président Johnson, hostile à leur programme (mars 1868), réussissent à faire élire à la présidence le général Grant, héros de la guerre de Sécession (1869-1877).

Elles suscitent très rapidement le mécontentement du Sud. Le 14e amendement ayant entraîné l'effacement total du personnel politique sudiste, les derniers États révoltés voient arriver au pouvoir les carpetbaggers (aventuriers nordistes de la même famille que les pionniers de l'Ouest), les scalawags (sudistes favorables à la cause des Noirs, et qui n'acceptent pas la domination des planteurs) et les Noirs. Tous empêchent le retour au pouvoir des planteurs. Ceux-ci réagissent en constituant des sociétés secrètes (chevaliers du Camélia blanc, Ku Klux Klan, fondé dès 1866), dont les membres attaquent les carpetbaggers et les scalawags, et usent de l'intimidation, de la menace ou du lynchage pour contraindre les Noirs à s'abstenir.

Par ces procédés, et malgré la dissolution officielle du Ku Klux Klan (1871), les sudistes, amnistiés en grand nombre (loi de 1872), réussissent à reconquérir le contrôle de leurs parlements dès 1874. Ils assurent alors leur maintien définitif au pouvoir en votant des lois d'exception (1883-1890), qui écartent les Noirs du scrutin sans violer la Constitution et ses amendements (obligation, pour voter, d'avoir eu un grand-père citoyen américain, un père électeur avant 1861, ou de savoir lire, écrire et commenter la Constitution), tandis que des mesures de ségrégation sont appliquées dans les transports en commun, les écoles, les théâtres, etc.

3.2. L'expansion intérieure américaine (1877-1914)

La guerre de Sécession a lourdement altéré l'économie américaine : destruction des plantations de coton ; dette de guerre très lourde ; crise inflationniste très violente, à la fois dans le Sud, dont la monnaie a perdu 98,4 % de sa valeur en 1865, et dans le Nord, où l'on a émis du papier-monnaie ayant cours forcé, les greenbacks.

La reconstitution des plantations de coton est une œuvre de longue haleine et ne peut être menée à bien que par le morcellement des terres ou par l'appel aux anciens esclaves, auxquels est reconnu un statut proche du métayage. La dette de guerre est apurée rapidement, grâce à la conversion des bons à court terme en bons du trésor à long terme, dont l'intérêt, servi grâce au renforcement des tarifs douaniers, est versé en espèces et non pas en greenbacks. Ceux-ci ne seront retirés pratiquement de la circulation qu'en 1879. Cette circulation fiduciaire accrue a d'ailleurs permis aux agriculteurs de l'Ouest de rembourser leurs dettes dans une monnaie dépréciée.

En rétablissant la convertibilité en or des greenbacks et en achevant de démonétiser l'argent en 1873, à l'heure même où la crise économique européenne atteint les États-Unis (affaire du Crédit mobilier), provoquant l'effondrement de la banque Jay Cooke de Philadelphie et de 5 000 maisons de commerce, les radicaux, qui agissent à l'instigation des industriels du Nord et de l'Est, rejettent dans l'opposition démocrate non seulement les ouvriers du Nord, réduits au chômage par la crise et par la concurrence des nouveaux émigrants, mais aussi de nombreux fermiers de l'Ouest, de plus en plus attachés au bimétallisme, et auxquels il faut donner partiellement satisfaction (Bland-Allison Act de janvier 1878) à la suite de l'élection difficile à la présidence du candidat républicain Hayes (1876).

Malgré les difficultés éprouvées par les républicains, et qui s'expliquent d'ailleurs largement par la confusion qui règne dans les milieux gouvernementaux (scandale sur le whisky, dans lequel a été inquiété le secrétaire particulier de Grant [1875]), l'expansion économique progresse à un rythme rapide. En raison tout d'abord de l'accélération du peuplement par accroissement naturel et surtout par l'immigration, favorisée par le Homestead Act (1862) allouant un terrain de 160 acres à toute personne qui l'aurait cultivé au moins pendant cinq ans ; aussi compte-t-on 3 millions d'arrivants de 1870 à 1880, 5 millions de 1880 à 1890, 8 millions de 1890 à 1900, 8 800 000 de 1900 à 1910, et 4 200 000 de 1910 à 1914, dont les neuf dixièmes sont européens, avec des arrivées annuelles supérieures à 1 million d'immigrants à partir de 1905, ce qui porte la population des États-Unis à 38 millions d'habitants en 1870, 50 millions en 1880, 76 millions en 1900 et 95 millions en 1914.

L'autre cause de cette expansion économique est l'augmentation de la capacité de production industrielle du Nord et de l'Est au cours de la guerre de Sécession. Les progrès des industries extractives et de la métallurgie lourde permettent la mise en place plus rapide d'un réseau ferroviaire assez dense (40 000 km de voies nouvelles de 1869 à 1872), ainsi que la construction, avant 1883, de quatre transcontinentaux, tandis que 30 000 km de voies navigables sont équipés. Le peuplement de l'intérieur des États-Unis s'en trouve accéléré, et de nouveaux États se constituent même dans les montagnes Rocheuses (minerais précieux) : la Frontière disparaît, et les quelques tribus indiennes qui ont survécu à l'extermination sont cantonnées dans l'Oklahoma.

L'agriculture bénéficie largement de l'achèvement de la conquête intérieure : près de 800 000km2 de terres sont mis en culture entre 1870 et 1880 et, à la fin du siècle, plus de 4 millions d'hectares sont cultivés par irrigation. Soutenus par les pouvoirs publics, les agriculteurs bénéficient, en outre, des progrès des techniques industrielles (mécanisation très poussée, surtout après 1880 ; construction, à partir de 1882, de navires et, à partir de 1890, de wagons frigorifiques rendant possible la valorisation des produits d'élevage).

Dès lors, l'agriculture américaine, qui fournit 30 % de la récolte mondiale pour les céréales (1880) et 60 % pour le coton (1890), voit ses prix de revient diminuer et ses bénéfices augmenter. Elle reste pourtant très sensible à la conjoncture à la fois internationale (surproduction et crises économiques européennes) et intérieure (rôle trop important des banques et des compagnies ferroviaires ; celles-ci, par le jeu des crédits et surtout des tarifs discriminatoires, pourtant interdits par l'Interstate Commerce Act de 1887, peuvent exercer une pression dangereuse sur le monde agricole, dont le mécontentement explique le développement du mouvement des Grangers).

Malgré son rythme d'accroissement rapide, la production agricole est dépassée en valeur par la production industrielle à partir de 1890, cette dernière étant favorisée par l'abondance des matières premières énergétiques (63 millions de tonnes de charbon en 1880, 269 en 1890 ; 26 millions de barils de pétrole en 1880, 63 en 1900) ou minérales (minerais de fer et de cuivre du lac Supérieur, etc.). La transformation rapide de ces matières premières en biens de consommation est facilitée par une mécanisation très poussée, par l'adoption de méthodes de production diminuant considérablement le coût de la main-d'œuvre, par le génie inventif des Américains (440 000 brevets de 1860 à 1890).

L'élan est donné à certaines branches de l'industrie : le téléphone, la photographie, l'automobile popularisent les noms de Bell, d'Eastman, de Ford, tandis que l'augmentation rapide de la population assure de nouveaux débouchés. Pourtant, de tels résultats ne peuvent être atteints que par la spécialisation régionale de l'industrie (50 % de la métallurgie en Pennsylvanie, 70 % de la confection pour femmes dans l'État de New York) et par la concentration des capitaux dans des trusts fondés par des self-made men, dont les plus célèbres sont ceux des chemins de fer (Jay Gould, Cornelius Vanderbilt), du pétrole (John Rockefeller), de l'acier (Andrew Carnegie et le banquier John Pierpont Morgan), etc.

Cette puissance même des milieux capitalistes, qui dominent la vie économique et politique, a pour corollaire le regroupement des travailleurs d'abord en trade-unions locales, à partir de 1870, puis en vastes associations syndicales, dont les deux plus célèbres sont les Knights of Labor (Association des chevaliers du travail), groupement secret fondé en 1869 et devenu public en 1878, et surtout l'American Federation of Labor (AFL) de Samuel Gompers, qui succède en 1886 à la Federation of Organized Trade and Labor Unions of the United States of America and Canada, créée en 1881.

3.3. L'exercice du pouvoir (1877-1896)

Pendant toute cette période, le parti républicain conserve le pouvoir, malgré des majorités très réduites et le manque de personnalité de ses présidents, à l'exception peut-être de Garfield, assassiné peu de mois après son installation à la Maison-Blanche (été 1881). Il maintient un strict protectionnisme en matière douanière (tarif de 1883, portant à 40 % les droits sur les vêtements, tissus de laine et cotonnades ; tarif McKinley de 1890, portant ces droits à 50 %, et tarif Dingley de 1897, à 55 %, tandis que les droits sur le sucre brut, fixés à 40 % par les démocrates en 1894, sont doublés).

Par ailleurs, attachés au monométallisme, les républicains se décident, pour ne pas perdre l'appui de l'Ouest, à acheter tous les mois des lingots d'argent qui seraient thésaurisés (Sherman Silver Purchase Act, 1890). De plus, pour gagner des électeurs, le président Harrison, disposant d'un gros excédent budgétaire, fait voter une loi accordant de fortes pensions aux anciens combattants nordistes ou à leurs veuves, sans qu'il soit besoin de justifier des causes du décès (juin 1890). Enfin, pour répondre aux critiques suscitées par la pratique du « système des dépouilles » et par le renforcement des trusts, le Congrès républicain décide d'instituer progressivement un service civil, dont les membres seraient recrutés par concours (janvier 1883), et d'interdire aux trusts d'entraver le commerce entre États (Anti-Trust Act du sénateur Sherman, juillet 1890).

Le parti démocrate, compromis par la défaite des sudistes (1865), puis par le scandale de Tammany Hall, découvert en 1871 (corruption, trafic d'influence, etc.), est, en outre, trop divisé pour s'emparer du pouvoir. À moins que des circonstances exceptionnelles ne permettent de grouper sur son candidat à la présidence les voix des riches planteurs sudistes et esclavagistes, celles des ouvriers et des syndicalistes du Nord, mécontents de leurs bas salaires ou du chômage, et celles des fermiers de l'Ouest ; ceux-ci, conscients d'ailleurs du fossé qui les sépare normalement des démocrates, constituent, par alliance du mouvement des Grangers avec les Knights of Labor, le parti populiste, qui présente un candidat à la présidence en 1892 et un seulement à la vice-présidence en 1896, les démocrates ayant alors repris à leur compte une partie de son programme (frappe libre de l'argent, contrôle des trusts, impôt progressif sur le revenu).

Finalement, ces circonstances exceptionnelles ne sont réunies qu'en 1884 et en 1892, quand, à deux reprises, Cleveland est élu à la présidence. Mais Cleveland se refuse à pratiquer une politique partisane ; sur le plan social, il tente de résoudre les grèves de 1885 par la création d'une commission fédérale, et il réprime par la force celle des usines Pullman à Chicago (1894), deux décisions contraires à la doctrine démocrate.

Sur le plan financier, il n'hésite pas, pour arrêter l'inflation, à faire voter l'abrogation de la loi de 1890 sur les achats d'argent (1893), à reconstituer la réserve d'or grâce à un appel aux banques (1895) et à la création d'un impôt de 2 % sur les revenus supérieurs à 4 000 dollars, impôt d'ailleurs rejeté par la Cour suprême ; enfin, il fait procéder à une enquête générale sur les tarifs discriminatoires pratiqués par les chemins de fer, mais ne peut empêcher le Congrès démocrate de voter le tarif Wilson-Gorman (1894), qui, tout en abaissant en général les droits de douane, en crée de nouveaux sur le sucre, pour satisfaire les planteurs sudistes ; cette mesure déconsidère le parti démocrate, qui a, d'autre part, perdu de nombreux appuis du fait de la politique impopulaire de Cleveland.

3.4. L'impérialisme américain

Les campagnes de Josiah Strong, de J. Burgess (1890), l'apologie du rôle de la puissance navale dans l'histoire par A. Mahan (1890) trouvent un écho décisif vers la fin du siècle, à l'époque où les États-Unis deviennent exportateurs de produits finis.

Fidèles à l'anticolonialisme doctrinal, les États-Unis usent d'un impérialisme à forme économique (la « diplomatie du dollar »), même avec le démocrate Wilson. Certains événements antérieurs à la guerre de Sécession sont révélateurs de ce caractère particulier de l'impérialisme américain : acquisitions de bénéfices en Chine (traité de Wanghia, 1844) ; démonstration de force dans la baie de Edo (Tokyo) [1853] et signature par le commodore Perry du traité nippo-américain, qui ouvre au commerce des États-Unis des ports japonais (1854) ; visées sur Cuba, précisées par la déclaration d'Ostende (1854).

Pourtant, à partir de 1867, se manifeste nettement une volonté d'expansion territoriale, avec l'achat de l'Alaska à la Russie et avec l'installation, en 1878, aux Samoa, partagée avec l'Angleterre et l'Allemagne en 1889, puis avec l'Allemagne seule (1898).

Sous l'impulsion de Theodore Roosevelt, secrétaire adjoint à la Marine de McKinley, une politique d'expansion territoriale est entreprise à partir de 1897 :
guerre hispano-américaine s'achevant par la reconnaissance de l'indépendance de Cuba, l'annexion de Guam et de Porto Rico et, contre 20 millions de dollars, des Philippines (traité de Paris, 10 décembre 1898) ;
– tutelle imposée à Cuba (vote de l'amendement Platt, juin 1901) ;
– contrôle économique de Saint-Domingue (1905) ;
– occupation de Haïti (1915) ;
– achat au Danemark des îles de la Vierge dans les Antilles (1917), ce qui assure aux États-Unis le contrôle absolu du golfe du Mexique ;
– appui à la sécession de Panamá d'avec la Colombie (1903), pour acquérir la zone du canal (celui-ci sera ouvert à la navigation en 1914) ;
– intervention militaire au Mexique (1914) ;
– politique d'arbitrage en Amérique du Sud (politique du big stick, définie par Roosevelt en 1904 : les États-Unis se chargent de maintenir l'ordre dans les républiques latino-américaines ; mais, en conséquence, les puissances européennes ne se mêleront pas des affaires du continent américain) ;
– pression sur le Japon pour lui faire respecter les nouveaux territoires américains du Pacifique et l'amener à la modération après sa victoire en Mandchourie (traité de Portsmouth, 1905) ;
– intérêt porté aux affaires marocaines (→ conférence d'Algésiras, 1906), et participation à la conférence de la paix de La Haye (1907).

La politique intérieure est marquée d'abord par les incidents qui éclatent en Californie contre l'immigration japonaise, encore tolérée, alors que celle des Chinois est interdite depuis 1882. Cependant, le fait le plus important de cette période, dominée par la personnalité du président Theodore Roosevelt, est le renforcement par celui-ci des prérogatives du gouvernement fédéral, qui intervient en matières agricole (constitution de réserves forestières et de réserves d'eau en vue de l'irrigation future, 1902), sociale (prise en charge par l'autorité militaire des mines de charbon lors de la grève de 1902) et économique (mesures judiciaires contre vingt-cinq trusts).

Mais son successeur, William Howard Taft, ayant approuvé le tarif Payne-Aldrich (1909), qui renforce le protectionnisme douanier, se heurte à la minorité républicaine des insurgents dirigés par le sénateur La Follette ; Theodore Roosevelt en prend la direction et constitue, le 5 août 1912, un nouveau parti progressiste, doté d'un programme particulièrement réformiste, qui lui vaut un nombre de voix supérieur à celui de Taft, mais ne lui permet pas de reprendre la présidence.

À celle-ci accède le démocrate Thomas Woodrow Wilson, qui bénéficie de la division des républicains et qui fera voter les 16e (1913), 17e (1913) et 19e (1919) amendements, autorisant la création de l'impôt sur le revenu, l'élection des sénateurs au suffrage universel et l'octroi du droit de vote aux femmes ; ainsi sera réalisé le programme progressiste.

4. De la Première à la Seconde Guerre mondiale (1914-1945)

À la veille de la Première Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus l'une des premières puissances économiques mondiales. Leur population s'accroît à un rythme tellement rapide que le Congrès, craignant que le melting pot ne puisse fonctionner normalement, décide d'interdire l'entrée de l'Union aux illettrés, afin d'éliminer surtout les Latins et les Slaves, dont la présence risque de briser l'unité du pays. Quand la Grande Guerre éclate, en août 1914, le gouvernement fédéral, fidèle à la vieille tradition de neutralité définie par Monroe, ne songe pas à y participer (→ doctrine de Monroe).

4.1. Les États-Unis dans la Première Guerre mondiale

Le retrait des capitaux européens et la réduction des achats allemands (blocus) sèment l'inquiétude. Les banques américaines sont autorisées à ouvrir des crédits (24 octobre 1914) : la neutralité américaine cesse d'être impartiale puisque l'Union devient fournisseur et créancier d'un seul camp ; entre 1914 et 1916, la valeur de ses exportations double presque et l'excédent de sa balance commerciale quadruple. C'est un « boom » sans précédent, qui annonce le déclin de l'Europe.

Thomas Woodrow Wilson, à peine réélu, reçoit une note allemande (31 janvier 1917) l'avisant de la mise en état de blocus des côtes alliées et de la volonté allemande de poursuivre la guerre sous-marine sans limites. L'Union riposte à ce qu'elle considère comme une violation des droits des neutres par la rupture des relations diplomatiques et l'armement de ses navires de commerce (26 février) ; à la suite du télégramme Zimmermann (19 janvier 1917) et du torpillage du steamer Vigilentia (19 mars 1917), le Congrès déclare la guerre à l'Allemagne (6 avril). La coalition antiallemande, épuisée par la guerre sous-marine, reçoit l'appoint inestimable de la flotte, puis des armées des États-Unis, où le service militaire obligatoire (18 mai) permet d'escompter un million de combattants en 1918.

Pour en savoir plus, voir l'article Première Guerre mondiale.

4.2. Le retour à l'isolement (1919)

En n'adhérant pas au pacte de Londres de septembre 1914, les États-Unis indiquaient qu'ils donnaient à la guerre un but différent de celui de leurs alliés. Ils entendaient poursuivre l'anéantissement du militarisme prussien, non d'une Allemagne libérale. Les « quatorze points » de Wilson (8 janvier 1918) exposent le désir américain de paix par la condamnation de la diplomatie secrète, des armements, des barrières économiques, le droit des nationalités, l'égalité entre États garantie par une Société des Nations (SDN).

Mais, lorsque le président propose au 64e Congrès républicain de ratifier le traité de Versailles, auquel le « Covenant » de la SDN a été incorporé, l'opposition républicaine et isolationniste se déchaîne contre l'article 10 du pacte de la SDN (garantie de l'indépendance politique et de la souveraineté territoriale des États membres) et obtient le rejet du traité au Sénat (19 novembre 1919).

Se tenant hors de la SDN, les États-Unis se contentent d'envoyer des observateurs dans les grandes conférences internationales de l'après-guerre (Washington, 1921 ; Londres, 1930) et doivent signer avec l'Allemagne un traité de paix séparé (1921).

4.3. L'isolement dans la prospérité (1919-1929)

Sous la pression de milieux chauvins, les États-Unis se ferment à l'immigration européenne (loi de 1921, aggravée par les quotas de 1924), voire à la pensée européenne, également suspecte d'anarchisme (→ exécution de Sacco et Vanzetti, 1927) et de communisme. Hostilité au catholicisme et puritanisme conformiste progressent parallèlement (législation antialcoolique de 1919) ; la tradition protectionniste est réaffirmée avec éclat. Le « Great Old Party » (républicain) conserve la Maison-Blanche de 1921 à 1933.

Entre 1920 et 1929, la production de l'acier progresse de 70 %, celle des produits chimiques de 94 %, du pétrole de 156 %, de l'industrie automobile de 255 % ; le revenu national passe alors de 56,5 milliards de dollars à 87 milliards. Mais les fermiers font figure de laissés-pour-compte. Depuis 1920, l'Europe satisfait la plus grande partie de ses besoins, et les prix agricoles aux États-Unis baissent. Les droits de douane gênent les exportations. Ne pouvant faire face aux échéances, accablés d'impôts, les fermiers doivent laisser 5 millions d'hectares retourner en friche. Le gouvernement refuse de tenir le rôle de régulateur de la vie économique. Il laisse se développer la spéculation boursière ; à toute demande de moyens monétaires plus importants, il impose le dogme de l'étalon-or. Il élève encore les barrières douanières, privant l'industrie de débouchés extérieurs.

À l'extérieur, le maintien des forces armées à Saint-Domingue jusqu'en 1924, au Nicaragua jusqu'en 1933, d'une part, les clauses du « traité Gondra » (1923), affirmant la compétence d'une commission interaméricaine pour régler les litiges en Amérique du Sud, d'autre part, prouvent que l'isolationnisme officiel est relatif ; il n'empêche pas d'ailleurs les États-Unis de participer aux négociations financières qui suivent la guerre (→ plans Dawes et Young).

4.4. La crise de 1929 et ses conséquences

À la fin de 1929 éclate une crise économique sans précédent, causée par la surproduction, qui sature le marché, et par l'abus de la spéculation boursière, qui fait monter artificiellement les cours.

Le krach de Wall Street (à partir du 24 octobre 1929) inaugure la crise par l'effondrement des cours, qui se répercute sur l'industrie (baisse des achats), dont l'indice de production passe de 120 à 57 entre 1929 et 1932, et sur l'agriculture (récolte déficitaire de 1930). L'extension du chômage (13 millions de chômeurs en 1933), la ruine des petits porteurs et les excès communs aux périodes de troubles incitent les électeurs à changer le parti au pouvoir et donnent au démocrate F. D. Roosevelt une majorité de 7 millions de voix (8 novembre 1932).

Pour en savoir plus, voir l'article la crise de 1929.

Conseillé par un groupe de jeunes intellectuels techniciens, le « Brain Trust » (Cordell Hull aux Affaires étrangères, Harold Ickes à l'Intérieur, Henry Wallace à l'Agriculture, Morgenthau au Trésor), et par le financier Bernard Baruch, Roosevelt entreprend la réorganisation générale de l'économie ; ainsi débute l'ère du New Deal (« la Nouvelle Donne »).

Il proclame un moratoire national, qui permet aux banques de reprendre leur activité (mars 1933), abandonne l'étalon-or (avril 1933), achète de l'argent, dévalue le dollar de 40 %, ce qui permet de restaurer l'économie et d'enrayer l'afflux des importations ; un programme de travaux organisé par l'État doit, en outre, assurer la résorption du chômage, tandis que, grâce au Federal Emergency Relief Act, les sans-travail reçoivent une allocation officielle. De plus, l'Agricultural Adjustment Act (AAA) [12 mai], organisant le crédit agricole, laisse prévoir une revalorisation des prix agricoles par diminution des emblavures, et le National Industrial Recovery Act (16 juin), visant à imposer une discipline corporative, invite les patrons à améliorer la situation de l'ouvrier en augmentant les salaires et en multipliant les emplois par fixation d'un maximum d'heures de travail.

Malgré l'opposition ouvrière et celle des milieux d'affaires, puis de la Cour suprême, qui déclare nulles les mesures du New Deal comme contraires aux libertés garanties par la Constitution (1935-1936), Roosevelt ne cède pas et entraîne derrière lui le pays, qui le réélit en 1936.

4.5. De l'isolationnisme à la Seconde Guerre mondiale (1933-1941)

Les États-Unis prennent une part plus importante aux affaires mondiales ; abandonnant la diplomatie du dollar et du « gros bâton » (big stick), ils évacuent le Nicaragua (1933), Haïti (1934), promettent l'indépendance aux Philippins (1934) et abrogent leur droit d'intervention permanent à Cuba. Cependant, ils se cantonnent dans leur politique isolationniste (Neutrality Act, août 1935), à l'égard de l'Europe menacée par le totalitarisme, quoiqu'ils décident (30 avril 1937) de vendre des armes contre paiement comptant et transport par l'acheteur (cash and carry), mesure qui avantage en fait les démocraties, et bien que Roosevelt ait stigmatisé l'ambition des dictatures (discours de Chicago, octobre 1937).

4.6. La Seconde Guerre mondiale

Ce n'est qu'après la fulgurante victoire allemande, qui provoque la rencontre Roosevelt-Churchill (août 1941), d'où sort la charte de l'Atlantique (14 août), et surtout après l'attaque japonaise sur les bases américaines du Pacifique, notamment sur Pearl Harbor (7 décembre 1941), que les États-Unis sortent de leur torpeur. Ayant déjà livré 50 destroyers à la Grande-Bretagne, ils mettent sur pied la loi du prêt-bail (mars 1941) et deviennent l'arsenal de la coalition anti-hitlérienne.

F. D. Roosevelt, réélu pour un troisième mandat (novembre 1940), entend mener la lutte contre toutes les dictatures. À la demande de la Grande-Bretagne, il décide d'accorder la priorité au théâtre d'opérations européen. La période des revers passée (1942), la machine de guerre américaine équipe à un rythme de plus en plus accéléré les armées des États-Unis, constituées rapidement, et celles de leurs alliés ; les usines, construites par centaines, travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, fournissent en matériel les troupes qui luttent victorieusement en Afrique du Nord (→ débarquement anglo-américain de novembre 1942), en Italie (1943), puis en France (→ débarquement de Normandie, 6 juin 1944), jusqu'à la capitulation sans condition de l'ennemi (8 mai 1945). Roosevelt, qui avait rencontré Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek) et Churchill au Caire, Churchill et les généraux de Gaulle et Giraud à Casablanca (→ conférence d'Anfa, janvier 1943), Staline et Churchill à Téhéran (→ conférence de Téhéran, novembre-décembre 1943), puis à Yalta (→ conférence de Yalta, février 1945), tant pour coordonner les opérations militaires que pour jeter les bases de la réorganisation politique de l'Europe, meurt le 12 avril, après une quatrième élection exceptionnelle et triomphale, quelques semaines avant la capitulation complète de l'Allemagne, et quelques mois avant celle du Japon (2 septembre 1945). [→ Seconde Guerre mondiale.]

Pour en savoir plus, voir l'article États-Unis : vie politique depuis 1945.

Abraham Lincoln
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Affiche de propagande
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Andrew Jackson
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Entrée des États dans l'Union
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Franklin Delano Roosevelt
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Franklin Delano Roosevelt, déclaration de guerre contre le Japon
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George Washington
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Guerre de l'Indépendance américaine, capitulation de Yorktown
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James Monroe
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La colonisation de l'Amérique du Nord, 1697-1713
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La Constitution des États-Unis
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La guerre de l'Indépendance américaine
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La guerre de Sécession
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La période coloniale
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Theodore Roosevelt
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Thomas Jefferson
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Thomas Woodrow Wilson
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Ulysses Simpson Grant
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