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Le zeugma : une figure de style subtile mais redoutable
Le zeugma (ou zeugme, ou encore attelage) est un petit bijou de rhétorique. Il s’agit d’une figure de style dans laquelle un mot (souvent un verbe) est associé à deux compléments qui ne relèvent pas du même registre, ni parfois de la même logique grammaticale. Cela donne naissance à un effet de surprise, de comique ou de poésie.
Prenons un exemple connu : « Il prit du ventre et de l’importance ». Le même verbe « prit » gouverne deux compléments, l’un physique, l’autre social. Et c’est justement cette collision inattendue qui fait sourire. Historiquement, le mot vient du grec ancien « zeugma » qui signifie joug, lien. Le zeugma est donc une façon d’atteler deux idées avec un seul mot. Malin, non ?
Comment repérer les différents types de zeugmas ?
Il y a zeugma et zeugma. Et connaître les différents types permet de mieux les décortiquer… voire de les utiliser. Certains sont plus techniques, d’autres plus artistiques, mais tous ont ce point commun : ils surprennent par le décalage qu’ils instaurent.
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- Zeugma syntaxique : c’est le plus technique. Il relie un mot à deux termes qui n’ont pas la même fonction grammaticale. Par exemple : « Ils savent compter l’heure et que leur terre est ronde. » Ici, « savent » gouverne à la fois un COD et une proposition complétive.
- Zeugma sémantique : le plus drôle ou poétique. Il relie un mot à deux idées qui n’ont rien à voir. Comme chez Maupassant : « Trois marchandes de boisson et d’amour. » Ce contraste de registre — concret vs abstrait — est souvent utilisé pour créer un effet d’humour ou de poésie.
- Zeugma simple : le mot exprimé reste identique pour les deux compléments. Pas de complexité grammaticale, juste un jeu de sens. Il joue davantage sur la fluidité que sur la surprise, mais garde une certaine élégance.
- Zeugma composé : le mot exprimé change pour chaque complément, mais on ne le répète pas. Cela crée un effet de décalage subtil, parfois même d’étrangeté, car les temps verbaux ou les registres ne s’accordent pas parfaitement.
Des exemples célèbres pour briller en société
Vous voulez sortir un zeugma au prochain apéro littéraire ? Voici quelques citations à glisser subtilement dans la conversation. Elles montrent l’étendue du zeugma dans notre patrimoine littéraire — du théâtre classique au roman naturaliste.
- Victor Hugo (zeugma simple) : Il prit du ventre et de l’importance.
- Guy de Maupassant (zeugma sémantique) : Trois marchandes de boisson et d’amour.
- Gide (zeugma sémantique) : En achevant ces mots, Damoclès tira de sa poitrine un soupir et de sa redingote une enveloppe jaune et salie.
- Alfred de Musset (zeugma syntaxique) : Ils savent compter l’heure et que leur terre est ronde.
- Pierre Corneille (zeugma composé) : La foudre est mon canon, les Destins mes soldats.
On en trouve aussi dans des discours politiques, des chansons (Brassens en était friand) et même au cinéma. Essayez de repérer ceux que vous entendez sans y prêter attention. Ce sont souvent eux qui donnent un relief particulier à une phrase, sans que l’on sache pourquoi.
Pourquoi (et comment) utiliser un zeugma aujourd’hui ?
Le zeugma est une arme secrète. Il permet : d’éviter les répétitions, de surprendre, de créer un lien inattendu entre deux idées. C’est une manière élégante de jouer avec la langue sans en avoir l’air. Parfait pour un discours, un article ou une description un peu littéraire.
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Pour l’utiliser, pensez d’abord à un verbe ou un mot fort. Puis associez-lui deux compléments inattendus. Un concret, un abstrait. Un noble, un trivial. Et surtout, testez l’effet à l’écoute : si ça résonne ou fait sourire, c’est gagné.
En réalité, nous utilisons tous des zeugmas sans nous en rendre compte. Quand on dit « Elle a pris ses clés et la fuite », on joue avec les mots. Et avec les nerfs de la grammaire, pour notre plus grand plaisir.


