« Faire un bide », « faire un four », « faire un tabac » : d’où viennent vraiment ces expressions qui parlent le langage du théâtre ?

Chaque jour, nous utilisons des expressions toutes faites sans toujours réaliser à quel point elles sont ancrées dans l’imaginaire d’autres époques. Faire un bide, faire un four, faire un tabac : ces tournures qui décrivent le succès ou l’échec viennent tout droit de l’univers du spectacle, où le rideau peut tomber avec fracas... ou dans le silence.

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Pourquoi “fairer un tabac” signifie triompher : quand les coups du public deviennent applaudissements

Si l’on vous dit “tu as fait un tabac”, inutile d’imaginer une carrière dans la nicotine. Cette expression vient du verbe occitan « tabastar », signifiant « frapper avec force ». Passé dans le français via « tabasser » (1802), le mot « tabac » a fini par évoquer des coups puissants et répétés, comme ceux que l’on entend lors d’une salve d’applaudissements enthousiastes.

Ainsi, « faire un tabac » est devenu le symbole d’un immense succès, d’un accueil triomphal du public, comme au théâtre ou au music-hall. L’image est forte : celle d’une salle qui vibre sous les applaudissements, comme sous des coups de tonnerre bienveillants.

“Faire un bide” : de l’échec cuisant à la fuite en rampant

Moins glorieux, « faire un bide » est aujourd’hui synonyme de plantage monumental. Mais pourquoi ce mot ? « Bide » est l’abréviation familière de « bidon » (1880), avec l’influence de « bedon », donc le ventre. L’origine viendrait de cette image très parlante : au XIXe siècle, un comédien hué par le public quittait la scène en rampant, à plat ventre, pour fuir la honte… et éviter les tomates.

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Faire un bide, c’est donc s’écraser littéralement sur le ventre, quitter la scène en déshonneur. Désormais, cette expression s’emploie aussi bien pour un sketch raté que pour une soirée sans ambiance ou un projet tombé à plat.

“Faire un four” : quand l’absence de public laisse la salle noire comme un four

Encore une expression à consonance culinaire… mais à sens dramatique. Au XVIIe siècle, « faire un four » désignait une pièce annulée faute de spectateurs. Pas de réservations, pas de représentation : les feux de la rampe ne s’allumaient pas, la salle restait dans le noir… comme un four éteint.

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Là encore, le théâtre inspire le langage courant. Faire un four, c’est donc faire un flop complet, un échec sans appel. Contrairement au four de la cuisine, ici, rien ne chauffe, rien ne monte, rien ne prend.

Ingrédients de notre langue : un vieux théâtre en filigrane

  • Le français adore les métaphores venues de la scène
  • Ces expressions sont des souvenirs vivants de la vie culturelle passée
  • Chacune raconte une histoire de succès ou d’échec collectif
  • Elles nous permettent de commenter la vie avec une touche dramatique
  • Les mots du théâtre s’invitent partout, même dans une salle de réunion

Nos expressions toutes faites sont des scènes miniatures du passé

Quand on dit aujourd’hui qu’un film fait un four ou qu’un humoriste fait un tabac, on prolonge sans le savoir une longue tradition de langage scénique. Chaque tournure cache une anecdote, un imaginaire, une ambiance de coulisse. Un peu comme si notre langue, chaque jour, remontait sur scène pour jouer sa propre pièce.


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