Les seconds (ils sont deux frères, les Taviani, à tourner toujours ensemble) ont, eux, choisi d'évoquer, après bien d'autres (et notamment Bertolucci), la dernière guerre dans La nuit de San Lorenzo. À travers un épisode à la fois champêtre et tragique, la fuite d'un groupe de villageois, pendant les derniers jours du conflit, tandis que sévissent encore les chemises noires et que les libérateurs américains se font attendre. Le récit est conté à travers les yeux d'un enfant ; il est, à la fois, lyrique et naïf, et l'on se souviendra longtemps d'une séquence où deux personnes âgées s'avouent enfin leur amour de jeunesse, une scène qui deviendra un morceau d'anthologie.

Le troisième film, signé Monicelli, est moins convaincant. Autour d'un personnage célèbre du folklore italien, le marquis del Grillo, Monicelli a, dans Le marquis s'amuse, laissé la bride sur le cou à un cabotin de génie, Alberto Sordi.

Divers

C'est d'un pays totalement inattendu que nous est venu le film le plus original et le plus fort de la saison : la Turquie, où Yilmaz Guney a conçu — et fait tourner, depuis sa prison d'où il s'est, depuis, évadé — l'extraordinaire Yol, épopée d'une poignée de détenus en permission, retrouvant, hors de l'univers carcéral, un univers, peut-être plus terrifiant encore, de barbarie et de répression. Une plongée dans un monde que l'on ne soupçonne pas dans notre Occident de privilégiés, et des images inoubliables.

L'Australie, elle, nous a envoyé le plus accompli des morceaux de bravoure sur la violence : Mad Max II, épopée terrifiante d'un groupe de survivants à on ne sait pas quelle catastrophe, luttant pour quelques gouttes de pétrole. Réduits à l'état sauvage, d'une brutalité inouïe, les zombies de Georges Miller s'étripent férocement sans jamais laisser le spectateur se reposer. Un rythme et une technique éblouissants. Mais rien de plus qu'une super-bande dessinée pour amateurs de sang.

Tout le contraire, en tout cas, du dernier film de l'Allemand Wim Wenders, L'état des choses, réflexion lente, parfois languissante, parfois fascinante, sur la création et le cinéma, filmée en noir et blanc, et profondément pessimiste... Un film attachant, beaucoup plus que ce qui restera de la dernière œuvre de Fassbinder, Querelle, académique adaptation d'un roman de Jean Genet et plaidoyer à la fois provocateur et ampoulé en faveur de l'homosexualité... Mieux vaut rester sur le souvenir de Veronika Voss !

À signaler encore, parce qu'il est signé Lindsay Anderson, le britannique Britannia Hospital, d'un humour bête et méchant un peu lourd, pour tourner en dérision l'Angleterre de Madame Thatcher, le lent Alexandre le Grand du Grec Théo Angelopoulos et, surtout, l'insolite récit policier, inspiré par un fait divers, d'un réalisateur japonais jusqu'alors inconnu, Shoshei Inamura, qui, dans La vengance est à moi, nous montre un Japon contemporain d'une grande brutalité.

Cette fin d'année nous a finalement offert des œuvres très variées, mais les vraies réussites — celles qui ne se comptabilisent pas seulement en record de fréquentation — se comptent sur les doigts d'une main... et ne se trouvent pas en France, hélas !

Télévision

Une année-charnière ?

Créée par la nouvelle loi promulguée le 29 juillet 1982, la Haute Autorité de l'audiovisuel, chargée de veiller à l'indépendance des sociétés nationales de radiotélévision, est très officiellement installée par le président de la République, le Premier ministre et les ministres de tutelle le 31 août à la Maison de Radio-France. « La Haute Autorité est la clef de voûte du nouvel édifice audiovisuel », déclare le président François Mitterrand. « Elle est le signe le plus visible de la rupture avec le passé. » « Notre autorité sera ferme et juste », répond Michèle Cotta, présidente de cette commission de neuf sages, qui assure en outre que son double souci sera celui « du pluralisme et de la création ». La Haute Autorité confirme Pierre Desgraupes à la présidence d'Antenne 2 et nomme Michel May à la tête de TF1 en remplacement de Michel Boutet, et André Holleaux à FR3 à la place de Guy Thomas.

Les neuf sages de la Haute Autorité

Nommés par le président de la République :