Moins sucré, très violent même, Blade Runner a séduit surtout pour son extraordinaire décor. Ridley Scott, abandonnant les espaces terrifiants d'Alien, a choisi de nous montrer une mégalopole d'un proche avenir, grouillant enchevêtrement de races et d'architectures, sous une pluie désespérante, dans une crasse affligeante. Fini, l'avenir aseptisé. Nous serons pauvres, terrifiés, perdus dans la masse. Pas gaie, la science-fiction des temps de crise !

Heureusement, il nous reste Blake Edwards. Son Victor Victoria a ensoleillé la fin de l'automne. Délicieuse comédie musicale, cette histoire d'une chanteuse sans succès qui conquiert la gloire en devenant un faux homosexuel, sur les conseils... d'un vrai (l'extraordinaire Robert Preston), pétille comme du champagne, fourmille de gags, baigne, pour les décors, dans un luxe discret du meilleur goût, bref, nous restitue la saveur oubliée des musicals de la grande époque. Avec, en prime, une Julie Andrews de très grande classe.

Et puis, il y a Tron. Inclassable, ce film réalisé sur et par l'ordinateur, et dont l'intrigue se déroule à l'intérieur du même ordinateur, est, paradoxalement, sorti des studios jusqu'alors les plus conservateurs de Hollywood, ceux de Walt Disney. C'est, pourtant, un prototype, un film mutant, à la beauté plastique à la fois froide et exceptionnelle, et qui, peut-être, annonce un nouveau cinéma.

Derrière ces têtes d'affiche, le dernier Woody Allen. Comédie érotique d'une nuit d'été. Sous le signe, à la fois, de Shakespeare et d'Ingmar Bergman, cette comédie où l'érotisme est fort discret est, pourtant, délicieuse d'esprit très allenien. Un spirituel marivaudage champêtre en costume 1900, à l'humour élégantissime.

Deux grands noms du cinéma américain, en revanche, se sont, cette saison, fourvoyés en s'aventurant dans l'univers sucré des bons sentiments : John Huston le vieux routier, avec une comédie musicale fadasse (mais bien ficelée), Annie, et sa rousse petite héroïne parfaitement cabotine ; et, plus étonnant, Francis Ford Coppola, lui aussi tenté par le musical mais, cette fois, sur fond d'ordinateur (pour faciliter, notamment, l'écriture du scénario et le montage) avec Coup de cœur, qui laisse bien froid.

Sentimental

Gentils, mais sans plus, les films d'Arthur Hiller (Avec les compliments de l'auteur, où Al Pacino incarne un auteur dramatique plaqué par sa femme) et de Peter Bogdanovitch (Et tout le monde riait, marivaudage tendre mais un peu longuet où l'on a pu retrouver Audrey Hepburn) ont choisi, eux aussi, de faire vibrer la corde sentimentale.

La violence, pourtant, garde ses partisans. En tête, Richard Brooks, qui, dans Meurtres en direct, a voulu trop dire en mêlant terrorisme, problème du Moyen-Orient, impudence des médias, et noie un peu son propos, mais garde un formidable tonus. Et encore John Frankenheimer, qui a plongé, sans crainte du ridicule, dans les plus éculés des clichés sur le Japon, en opposant samouraïs à l'ancienne et tueurs archimodernes dans À armes égales. Plus subtil, Samuel Fuller a abordé, lui, le problème du racisme en choisissant comme héros un... chien tueur de Noirs dans Dressé pour tuer, un film sorti en plein creux des vacances et qui aurait mérité un meilleur sort. Enfin, Tobe Hooper, auteur de l'immortel (!) Massacre à la tronçonneuse, a continué, avec, cette fois, le parrainage de Steven Spielberg, à jouer la carte du fantastique avec Poltergeist, sarabande d'esprits frappeurs kidnappant une petite fille à travers le petit écran... On ne dira jamais assez combien la télévision est dangereuse !

L'humour, en revanche, a été à la portion congrue. Hors Woody Allen, ils ne furent que deux à le privilégier, dans ce concert de bons sentiments, de technique pour la technique, et de violence brute : Sydney Poitier, qui a choisi le burlesque pour raconter une folle histoire d'espionnage dans Hanky Panky et, plus insolite, plus sophistiqué, et irrésistible, Carl Reiner, dont Les cadavres ne portent pas de costard, parodiant les grands films noirs de l'âge d'or, utilise des séquences extraites, précisément, de ces films, ingénieusement introduites dans une histoire originale. Un quizz pour cinéphiles, et un très grand moment de rire.

Italie

Trois films, deux chefs-d'œuvre. La saison italienne est à l'image des problèmes actuels du cinéma de ce pays : peu de créations, mais encore quelques très grands créateurs... Ils s'appellent, cette fois, Antonioni et Taviani. Le premier, de retour après sept ans d'absence renoue avec son esthétisme lent et sophistiqué, sa recherche aristocratique d'une communication impossible entre les hommes et les femmes, et l'ennui désenchanté d'une certaine société patricienne, mondaine et désespérée : c'est Identification d'une femme. Superbe.