À noter enfin l'annonce de la création, en 1983, de deux nouveaux festivals, Musique vivante d'aujourd'hui à Strasbourg (20 septembre au 8 octobre) et Musique du XXe siècle à Angers (8 au 12 juillet).

Chanson

La ruée vers le rire

Variétés, music-hall, chanson, show-business : des mots bien moroses en cette rentrée 82. La vie d'artiste devient plus que jamais très difficile en ces temps de crise. Beaucoup de chanteurs, et pas seulement des débutants, se retrouvent trop souvent sans engagement, ou devant des publics clairsemés.

Ce n'est pourtant pas faute d'encouragements et d'initiatives d'un ministère de la Culture qui a désormais inscrit la chanson, la musique populaire et le spectacle de divertissement au programme de ses préoccupations : au sein de la Direction de la musique a été créée une section réservée au jazz et à la chanson ; des centres régionaux pour la chanson, destinés à soutenir et assister les débuts de jeunes professionnels, sont inaugurés à Nanterre (le Centre Georges-Brassens pour la chanson en Île-de-France), à Bourges, à Bordeaux ; des subventions aux festivals spécialisés, dont le Printemps de Bourges ; ouverture à Paris du Théâtre du Forum des Halles consacré à la chanson ; création, au sein du ministère, d'une commission de réflexion où siègent des producteurs, des éditeurs et des artistes à la tête desquels se trouve Charles Trenet, promu, le 4 novembre, commandeur des Arts et Lettres. À cette occasion, le fou chantant ne résiste pas à la tentation de faire vibrer les murs de la rue de Valois de deux de ses succès : Je chante et Douce France.

D'actualité, Charles Trenet l'est encore quelques semaines plus tard, lorsqu'on annonce sa candidature à l'Académie française. Réussira-t-il à faire entrer la langue populaire des couplets et des refrains dans le cénacle du beau langage ? Il y a quelques années, Georges Brassens avait été pressenti pour la même place, mais l'auteur de l'Auvergnat, peu attiré par les honneurs et mal à l'aise dans les fonctions officielles, avait préféré sourire d'une telle proposition.

Les aînés tiennent le haut de l'affiche de la chanson : Tino Rossi fête ses cinquante ans de carrière au Casino de Paris où il fit ses débuts dans la capitale : tout un public vient retrouver auprès de lui la magie d'un répertoire peuplé de mélodies immortelles. De même Henri Salvador : à 65 ans, ce fantaisiste, qui doit une bonne part de sa popularité à la télévision, réussit un come-back remarqué sous le chapiteau de la Porte de Pantin, là même où se déroulent la plupart des concerts de rock, tandis que, dans les salles traditionnelles, l'Olympia et Bobino, Enrico Macias et Georges Moustaki rassemblent leurs fidèles autour de leur nouveau spectacle.

Ce qui frappe le plus, dès le début de cette nouvelle saison 1982-83, c'est cette véritable ruée vers le rire qui s'organise spontanément dès le mois de septembre. C'est un clown-poète-et-clochard, le Québécois Sol, qui ouvre le feu avec Je m'égalomane à moi-même, un monologue d'une verve savoureuse, au sens profond : du grand art. Raymond Devos le suit avec son nouveau spectacle : Un ange passe, qui pulvérise ses propres records ; il faut dire que le célèbre humoriste manifeste une forme éblouissante. Dans l'art du pastiche, Patrick Sébastien obtient une consécration à l'Olympia : sa science de la voix et du geste lui permet d'imiter de nombreuses vedettes de la chanson et de la politique et suscite l'émotion quand il fait revivre avec une précision étonnante le tendre Bourvil ou le truculent Raimu. Arrive ensuite Bernard Haller à Bobino avec un spectacle original et ambitieux où le burlesque se mêle à la métaphysique : un tour de force. Dans d'autres salles, se produisent dans le même temps la cinglante Sylvie Joly et l'ébouriffant Michel Lagueyrie et, dans la tradition de l'humour yiddish, le poétique Lionel Rocheman, puis, fin décembre à l'Olympia, l'irascible Popeck. Jamais une année n'aura terminé dans une telle unanimité sur le mode comique. Certains signes ne trompent pas : l'attraction massive que provoquent nos amuseurs sur le public n'est pas sans rappeler la philosophie d'un certain Figaro qui se dépêchait de rire des misères du monde avant que d'en pleurer.

Pop Rock Jazz

Des moyens de plus en plus sophistiqués

Le rock a envahi notre vie. Matraqué sur les ondes, surtout les libres, véhiculé par les médias, repris par la publicité, il est devenu synonyme de jeunesse, de santé et de joie de vivre. Tout un programme, qui vaut tout de même mieux que le pogrom dont il était encore l'objet il y a dix ans à peine. Aujourd'hui, le rock ne fait plus peur. Depuis que ceux qui le jouent ont l'apparence de braves garçons et filles bien habillés, bien coiffés, il servirait presque de modèle offert en exemple par les nouveaux parents. Lesquels, bien entendu, sont nés dans cette musique.