Le scrutin présidentiel du 27 février tranche singulièrement sur le dernier en date, celui de juin 1993, remporté par l'homme d'affaires yorouba Moshood Abiola avant d'être annulé par la junte. Moshood Abiola est mort en prison en juillet 1998. Dès son arrivée au pouvoir, en revanche, le successeur du général Abacha avait fait élargir le général Obasanjo, condamné en juillet 1995 pour sa participation à une prétendue tentative de putsch. C'est ce séjour dans les geôles de la junte militaire qui constituait le meilleur argument de campagne du président élu – lui-même n'a jamais été un modèle en matière de respect des droits de l'homme. Olu Falae qualifiera de « farce » le déroulement du scrutin, marqué, selon les observateurs internationaux, par de « grosses irrégularités ». Les militaires doivent remettre le pouvoir au président Obasanjo le 29 mai. Mais seule la présentation de la Constitution qu'ils ont rédigée permettra d'apprécier le degré de liberté à leur égard du président civil.

G. S.

Une économie exsangue

Le président Obasanjo a promis de « rendre sa grandeur au Nigeria ». Ce ne sera pas chose facile. Seize ans de dictature ont ruiné le pays et déconsidéré le pouvoir, et cette dégradation a contribué à l'apparition de forces centrifuges qui menacent aujourd'hui l'unité de la fédération. Sixième producteur mondial de pétrole, le Nigeria importe son carburant et se classe parmi les pays les plus pauvres de la planète. Son PIB par habitant – ils sont plus de 120 millions – ne s'élève qu'à 260 dollars et sa dette extérieure atteint presque 29 milliards de dollars. Pour la première fois depuis des années, le FMI a repris contact avec le Nigeria. Il a conditionné son aide à l'assainissement du secteur pétrolier, source d'immense richesse pour quelques officiers, hauts fonctionnaires et gros entrepreneurs qui ont mis le pays en coupe réglée sous la protection du régime militaire. L'effondrement des cours du pétrole ne facilitera pas la tâche du nouveau régime.

Baptême du feu pour les 50 ans de l'OTAN

Alliance défensive, l'Otan aurait pu fêter son demi-siècle d'existence sans être jamais intervenue, à l'exception d'un déploiement en Bosnie en 1995. Mais la situation dans les Balkans, notamment au Kosovo en 1999, en a décidé autrement. Et c'est le vent de la guerre en Yougoslavie qui a soufflé les bougies du cinquantenaire, portant sur les fonts baptismaux le nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique.

C'est à Washington, le 4 avril 1949, que naît le Pacte atlantique. Ce dernier, conclu par les États-Unis, le Canada et 10 pays d'Europe occidentale, dont la France, se fixe pour objectif la coordination de l'exercice des droits de légitime défense qui, selon le secrétaire d'État américain Dean Acheson, sont « reconnus nettement par l'article 51 de la charte des Nations unies ». Moscou porte bien évidemment un regard moins amène sur cette « naissance », y voyant une violation caractérisée de la charte des Nations unies, des accords de Potsdam et des traités de paix. Présenté par ses promoteurs comme une alliance défensive, le Pacte atlantique ne prévoit pas, initialement, d'assistance automatique. Mais c'est sans compter sur la conjoncture internationale. Ainsi, la guerre de Corée, qui éclate en juillet 1950, voit l'instauration d'un organisme intégré, c'est-à-dire un commandement commun formé d'officiers des différentes nations sous le nom d'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN.

De sa création en 1949 au milieu des années 70, l'OTAN a tenu le rôle qu'elle s'était fixé : contenir l'Union soviétique. Avec la période dite « de coexistence pacifique », de réelles dissensions sont apparues au sein de l'Alliance. Ainsi, de l'atténuation de la menace de l'URSS va naître un courant pacifiste, notamment en Allemagne de l'Ouest, en Italie et en Espagne. De nombreux pays de l'OTAN ont alors dû tenir compte du poids politique de leurs opinions publiques. De plus, frappés par la crise économique (1973), les pays occidentaux ont revu à la baisse la part de leur budget consacrée à la défense. Parallèlement, la place prépondérante des États-Unis au sein de l'OTAN a souvent irrité les partenaires de Washington : elle aura de nouveau fait l'objet de nombreux débats lors de l'intervention en Yougoslavie.

L'OTAN et le Kosovo

Le cinquantenaire de l'OTAN, qui coïncidait avec cette intervention, a permis de redéfinir les missions de l'Alliance, au point que l'on ait pu parler de « nouveau concept stratégique ». Il s'agit pour l'OTAN de répondre aux nouveaux défis de sécurité et de servir aux alliés « d'enceinte transatlantique essentielle sur toutes les questions affectant leurs intérêts vitaux ». Le concept stratégique de la nouvelle OTAN entérine son ouverture à l'Est et prend acte de la volonté du Vieux Continent de se doter d'une identité européenne de défense au sein et en dehors de l'Alliance. Quant à la France, elle aura fait pression, avec succès, pour que la zone d'intervention de l'OTAN reste la région euro-atlantique. Plus largement, alors que la menace soviétique a disparu, les membres de l'OTAN ont manifesté leur désir de voir l'Alliance perdurer. Les Américains entendent la conserver parce qu'ils veulent rester, comme le disait un éditorialiste du New York Times, une « puissance européenne ». Les Européens ne veulent pas de la disparition de l'Alliance parce qu'ils trouvent profondément rassurante cette garantie de sécurité partagée avec les États-Unis.