Débusqué de son sanctuaire syrien en novembre 1998, le leader du parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, termine sa longue errance le 15 février au Kenya, où les services turcs l'enlèvent pour le rapatrier en Turquie. Attendant le « procès du siècle » dans la solitude d'Imrali (en mer de Marmara), Öcalan peut méditer sur l'isolement politique qui l'a conduit dans cet établissement carcéral de sinistre renom vidé pour l'occasion de tous ses pensionnaires : indésirable en Europe après la crise diplomatique causée par son séjour de deux mois à Rome, lâché par Moscou, il n'a pu compter sur les sympathies affichées pour les Kurdes par la Grèce, dont l'ambassade à Nairobi le laissera tomber aux mains des agents turcs. Plutôt que d'aggraver son contentieux avec Ankara, la Grèce a préféré s'exposer à la colère des Kurdes et essuyer les critiques d'une opinion peu convaincue par ses laborieuses tentatives de justification sur les circonstances troubles de cet enlèvement, à l'origine d'un remaniement ministériel. En revanche, le climat est à l'euphorie en Turquie, où la capture de l'« ennemi public numéro un » est mise au crédit des services turcs, sans doute largement aidés par la CIA, voire le Mossad ; elle fait aussi l'affaire du Premier ministre intérimaire Bülent Ecevit, que les législatives du 18 avril confirment à la tête du gouvernement, en désignant son parti de la Gauche démocratique (DSP) comme la première formation du Parlement devant le parti de l'Action nationaliste (MHP, extrême droite), avec lequel il formera un cabinet de coalition.

La main tendue d'« Apo »

Flattant le nationalisme turc sur fond d'attentats revendiqués par les Kurdes, le procès débute le 31 mai sur un repentir de l'accusé, passible de la peine capitale pour « avoir causé la mort de 37 000 personnes » en quinze ans de guérilla : mais la main tendue d'« Apo », qui demande la vie sauve en échange de l'abandon de la lutte armée par le PKK, déchaîne la fureur d'une salle d'audience où les appels à la vengeance des victimes du « tueur de bébés » trouvent plus d'écho que les avocats de la cause kurde.

Nul ne veut croire que la longue cavale d'Öcalan fut un « chemin de Damas », et ni sa rédemption, ni les menaces d'attentats suicides ne lui évitent un verdict connu d'avance : la peine de mort, prononcée le 29 juin. La Turquie redoutait que ce procès ne fournisse une tribune à une question kurde qu'elle persiste à ignorer ; en livrant à la vindicte publique le chef du PKK, la justice turque prétend faire le procès du terrorisme. Mais les autorités turques ne peuvent en être tenues quittes de la répression contre les Kurdes au tournant de ce « procès du siècle », dont le déroulement et l'issue mettent à l'épreuve ses engagements démocratiques.

G. U.

Amendement constitutionnel

Le 18 juin, le Parlement turc décidait d'amender la Constitution afin que les juges militaires ne siègent plus à la Cour de sûreté de l'État. Il reste que, dans un pays où l'armée conserve une influence majeure, cette mesure, considérée comme cosmétique, n'ôte rien à la dimension politique d'un verdict très prévisible sur lequel le Parlement et le président turcs doivent encore se prononcer, sous l'œil vigilant des Européens dont le seul recours reste la Cour européenne de justice.

Un président civil au Nigeria

Pour la première fois depuis décembre 1983, le Nigeria dispose d'un président civil, qui plus est élu. Certes, Olusegun Obasanjo est un général à la retraite, vainqueur de la guerre du Biafra. Certes, il avait déjà été porté au pouvoir par un coup d'État militaire, en février 1976. Mais il demeure le seul militaire nigérian à avoir remis le pouvoir à un président civil, en octobre 1979.

Candidat du parti démocratique du Peuple (PDP), Olusegun Obasanjo a remporté l'élection présidentielle organisée le 27 février, avec 63 % des suffrages. Il était opposé à Olu Falae, ancien ministre des Finances du général Ibrahim Babangida, investi par l'Alliance démocratique. Celle-ci représente surtout les Yoroubas du sud-ouest du pays, opposants au régime militaire dirigé par des membres des ethnies islamisées du Nord, Peul ou Haoussa. Le PDP, lui, fédère diverses oppositions à la junte. Olusegun Obasanjo – yorouba comme son adversaire – n'en passe pas moins pour le candidat d'une partie de l'état-major et sa campagne aurait été financée par le général Babangida.

« De grosses irrégularités »

L'élection d'Olusegun Obasanjo constitue l'ultime étape du processus de remise du pouvoir au civil promis en octobre 1995 par le général Abacha – mort en juin 1998 – et que son successeur, le général Abdulsalam Abubakar, a conduit à marche forcée : élections municipales en décembre 1998, élections régionales en janvier – le Nigeria est une fédération – et élections législatives le 20 février, une semaine avant la présidentielle. Le PDP a remporté tous les scrutins, obtenant notamment la majorité absolue à l'Assemblée comme au Sénat lors des élections parlementaires.