Tandis que M. Eltsine, victime d'un nouvel accident de santé, s'efface entre les deux tours, une nouvelle configuration politique se dessine au sommet de l'État. S'y font face un Alexandre Lebed, nouvel homme fort, en pleine ascension, décidé à nettoyer les écuries d'Augias de l'État tout en incarnant un nationalisme modéré mais intransigeant, et les représentants des milieux d'affaires les plus puissants (M. Tchoubaïs, grand argentier de la campagne Eltsine, et M. Tchernomyrdine, l'homme des trusts gigantesques du gaz et du pétrole). Après le second tour, où il l'emporte aisément par 53,8 % des voix contre 40,3 % à son rival, Boris Eltsine, quoique affaibli par la maladie, cherche à contrebalancer la montée en puissance de M. Lebed. Tandis que se manifestent ouvertement les premières tensions entre le « moralisateur » Lebed et l'« expert » Tchernomyrdine – maintenu au poste de Premier ministre –, toute l'actualité politique se trouve suspendue à la perspective de l'intervention chirurgicale que subit finalement B. Eltsine le 5 novembre. Entre-temps, le président a cédé aux injonctions de son entourage et a limogé A. Lebed en octobre. Cela ne l'empêche pas de signer, le 23 novembre, un décret ordonnant le retrait total des troupes russes de Tchétchénie, avalisant ainsi la politique de désengagement mise en œuvre par son ancien conseiller militaire.

L'économie russe

La stabilisation économique se poursuit au cours de l'année, nourrissant l'optimisme prudent des experts et des organismes internationaux. Durant le premier semestre de l'année, l'inflation se cale autour de 3 % mensuels (alors qu'elle était de 135 % en 1995). Le taux de change du rouble est stabilisé, la chute de la production, enrayée, laissant espérer une très légère croissance pour 1996. Le commerce extérieur est largement excédentaire (20 milliards de dollars), grâce, il est vrai, aux exportations de matières premières. L'économie de marché s'installe cahin-caha, malgré le retard de la privatisation des moyennes et grandes entreprises, très impopulaire, et l'incapacité des industries de transformation à faire face à la concurrence étrangère.

Au vu de ces résultats macroéconomiques, le FMI confirme, en mars, l'attribution d'un crédit de plus de 10 milliards de dollars à la Russie. Dès novembre 1995, le club de Londres avait donné son feu vert à un rééchelonnement de la dette de la Russie. En avril, un accord-cadre du même type est avalisé par les créanciers publics du club de Paris. Il n'en demeure pas moins que la dette extérieure globale de l'État russe s'élève à 118,5 milliards de dollars et que le financement des promesses électorales systématise le recours à l'emprunt intérieur (bons du Trésor à fort intérêt), expédient qui fait redouter à certains un crash budgétaire et une reprise de l'inflation.

La situation sociale de la majorité de la population russe offre un fort contraste avec ce tableau économique en demi-teinte. Un quart de la population (36 millions de personnes) vit au-dessous du seuil de pauvreté (300 F par mois), le taux de chômage atteint 8,6 %, l'espérance de vie est tombée à cinquante-huit ans pour les hommes (soixante-cinq en 1987), l'alcoolisme se développe, la dénatalité se poursuit, les inégalités s'accroissent. Passée sans transition de l'austérité soviétique à la pauvreté, voire à la misère capitaliste, une grande partie de la population russe en vient à nourrir la nostalgie du « moins pire » d'antan.

Chrono. : 5/01, 9/01, 25/01, 22/02, 23/02, 6/03, 29/03, 31/03, 19/04, 22/04, 27/05, 2/06, 13/06, 16/06, 3/07, 7/08, 5/09, 17/10, 5/11, 24/11.

Ukraine

Difficultés sociales persistantes, instabilité politique sur fond de redressement économique allant à pas de tortue, tel est, sommairement, le visage que présente l'Ukraine à la fin de l'année 1996. Dès février, des grèves agitent le pays : elles réclament le relèvement du salaire minimum, le paiement des salaires en retard et elles dénoncent les hausses de loyer. En été, 170 000 mineurs bloquent la ville de Donetsk, capitale du bassin houiller du Donbass ; en octobre, 10 000 enseignants manifestent à Kiev.