Après l'attentat manqué du 16 juillet visant le nouveau Premier ministre, Pavel Lazarenko, le président Leonid Koutchma dénonce aussitôt l'action du « crime organisé » et des « officiels corrompus ». Ces commentaires font clairement allusion au développement proliférant de la mafia en Ukraine, aux liens entretenus par les milieux politiques avec le secteur économique, mais aussi aux tensions persistantes qui, jusqu'à la fin du mois de mai, ont opposé le président réformateur au Parlement (dominé par les communistes, les socialistes et les agrariens) et à son ancien Premier ministre, Yevhen Martchouk, accusé de tiédeur dans la mise en œuvre de mesures en faveur de l'économie de marché. Le conflit entre L. Koutchma et son Premier ministre s'était cristallisé sur l'élaboration d'une nouvelle constitution, finalement adoptée en juin, après le changement de Premier ministre.

La résistance d'une fraction importante des élites politiques à une transition rapide vers l'économie de marché continue de peser sur l'évolution du pays : la part de l'économie privée dans le PIB ukrainien stagne à 35 %, et les investissements étrangers restent faibles. L'hyperinflation est cependant jugulée (350 % en 1995, 2 % en septembre 1996, après l'introduction de la nouvelle monnaie, la grivna). Les problèmes écologiques continuent de jouer un rôle important dans les relations entre l'Occident et l'Ukraine, qui réaffirme, en avril, à l'occasion de la réunion du G7 à Moscou, sa promesse de fermer la centrale de Tchernobyl au plus tard en l'an 2000.

Chrono. : 4/04, 27/05.

Moldavie

Le 1er juillet devait se tenir à Moscou une réunion rassemblant Boris Eltsine, Mircea Snegur, le président moldave, Igor Smirnov, chef de la république autoproclamée de Transnistrie (territoire dissident russophone de Moldavie) et Leonid Koutchma, le président ukrainien. Un document devait être signé à cette occasion, en vue du règlement d'un conflit vieux de six ans et dont l'enjeu est le statut de la Transnistrie. L'annulation au dernier moment de cette réunion met au jour la persistance de désaccords profonds, les dirigeants de Tiraspol (la « capitale » de Transnistrie) souhaitant une « fédéralisation » de la République moldave, ce que refuse M. Snegur.

Cette situation est compliquée, depuis le milieu de l'année 1995, par la rupture entre le parti démocratique agraire de Moldavie (PDAM, majoritaire) et le président Snegur. Rétif au « moldavisme » agressif des dirigeants du PDAM, à leur hostilité envers la Roumanie et l'Occident, à leur alliance avec le Bloc de l'unité socialiste (prorusse), l'homme du juste milieu qu'est M. Snegur a créé son propre parti (parti de la Réconciliation et de la Renaissance nationales). Avec un programme assez vague (contre « l'extrémisme et la haine nationale », « pour la tolérance et l'entente civile »), il cherche à tenir le rôle de rassembleur dans la perspective de l'élection présidentielle du 17 novembre 1996. Arrivé largement en tête au premier tour, M. Snegur voit se dresser contre lui une coalition hétéroclite qui permet au président du Parlement, Petru Loutchinski (sans étiquette), de se faire élire au second tour, avec plus de 53 % des voix. Celui-ci annonce alors son intention de normaliser au plus vite les relations entre la Moldavie et la Transnistrie.

Chrono. : 1/12.

Biélorussie

L'année est marquée par l'accentuation de la dérive autoritaire du président Alexandre Loukachenko. Déterminé à accélérer sa politique de rapprochement avec Moscou, le dirigeant biélorusse signe, le 2 avril, un traité d'union entre son pays et la Russie. Aspirant au pouvoir absolu, il ne fait pas mystère de son intention de rester à son poste non seulement jusqu'à la fin de son mandat de cinq ans, mais encore pour « deux autres mandats ». Les atteintes aux libertés publiques se multiplient tout au long de l'année. Fin avril, M. Loukachenko fait réprimer brutalement par la police une manifestation de protestation contre la signature de l'accord de rapprochement avec Moscou. En juin, il décrète par oukase qu'aucun citoyen biélorusse ne pourra se rendre à l'étranger sans l'accord des autorités. En juillet, il interdit les rassemblements et les manifestations « pendant les récoltes ». Les opposants qui ne sont pas en prison passent dans la clandestinité ou s'exilent (c'est le cas de Zenon Pozniak, président du Front populaire et principale figure de l'opposition, qui se réfugie aux États-Unis). Fin juillet, pour le sixième anniversaire de l'indépendance, près de 10 000 personnes manifestent dans la capitale biélorusse en brandissant le drapeau national (qui a été remplacé par le drapeau rouge) et en scandant « Indépendance ! », « Président, traître, démission ! ». Après avoir relevé de ses fonctions le Premier ministre Mikhaïl Tchiguir le 18 novembre, le président organise un référendum constitutionnel destiné à supprimer le Parlement et à s'assurer tous les pouvoirs. Environ 70 % des électeurs s'étant officiellement prononcés en faveur de ses propositions, il dispose désormais des pleins pouvoirs jusqu'en 2001. Dans le domaine économique, les réformes engagées les années précédentes sont au point mort. En avril, M. Loukachenko nationalise le marché des changes, après avoir interdit les opérations en devises entre banques. La Banque mondiale et le FMI gèlent alors leurs crédits. Le président biélorusse a adopté un ton antioccidental très marqué, stigmatisant la volonté de l'OTAN de s'étendre à l'Europe orientale. Cette dérive populiste et dictatoriale augure mal du proche avenir de la Biélorussie.