Début octobre 1995, l'OCDE brosse un assez sombre tableau de l'état de l'économie et de la société russes. Certains éléments viennent cependant tempérer ce verdict sévère : en 1995, Moscou s'efforce de stabiliser une situation passablement chaotique, restreignant les dépenses publiques, stabilisant sa monnaie, rationalisant son système fiscal, engageant la restructuration du tissu industriel.

Chrono. : 19/01, 13/02, 1/03, 10/05, 14/06, 21/06, 1/07, 26/10, 17/12.

Ukraine

En 1995, le marasme économique et les contentieux opposant Kiev à Moscou continuent d'entraver le redressement de l'Ukraine. Les réformes économiques entreprises sous la houlette du président Leonid Koutchma se heurtent aux réticences des milieux néocommunistes et conservateurs. Depuis la fin de l'année 1994, cependant, le Parlement adopte de nombreuses dispositions concernant notamment la privation des terres et la libération des prix de détail. En tout, pas moins de 165 projets devaient être proposés aux députés en 1995. La petite privatisation est pour l'essentiel achevée à la fin de l'année. Dès novembre 1994, L. Koutchma avait signé le décret sur la réforme agraire ouvrant la voie à la répartition de la terre cultivée entre les mains des membres des communautés agricoles.

Le 1er mars, le Premier ministre conservateur Vitali Massol doit céder sa place à Yevhen Martchouk. Celui-ci est convaincu de la nécessité de donner un coup de fouet aux réformes et d'adopter un programme d'austérité, mais il est renversé par le Parlement début avril, avant d'être désigné derechef pour former un nouveau gouvernement en mai. Le FMI et la Banque mondiale, liant leur aide à l'adoption de mesures d'assainissement, accordent à Kiev un crédit de 5,5 milliards de dollars. La réduction du taux d'inflation (11,4 % en mars 1995) est une priorité des nouveaux dirigeants ukrainiens, mais elle se heurte à l'opposition des milieux nationalistes et conservateurs, qui dénoncent les diktats des organismes internationaux et critiquent les mesures les plus impopulaires.

La quasi-absence de chômage en Ukraine masque un sous-emploi considérable. La stratification sociale s'accroît, avec d'un côté l'apparition d'une couche de nouveaux riches, souvent d'anciens apparatchiks reconvertis, et de l'autre l'appauvrissement de nombreux ouvriers, employés et retraités, dont les pensions et salaires ne sont souvent pas payés plusieurs mois de suite.

L'accélération des privatisations met en lumière la forte obsolescence de l'appareil productif ukrainien, la non-rentabilité de nombreuses branches de production, le poids démesuré du complexe militaro-industriel et l'hypertrophie du secteur sidérurgique. Les réformes engagées soulignent l'urgence de restructurations destinées à redistribuer les capacités de production et à démanteler les secteurs non rentables.

La catastrophe de Tchernobyl (1986), mais aussi la dégradation de l'environnement de régions entières comme le bassin minier du Donbass font des questions écologiques un enjeu de taille en Ukraine. En avril 1995, les autorités acceptent pour la première fois le principe d'une fermeture de la centrale de Tchernobyl (envisagée juste avant l'an 2000), escomptant des compensations économiques importantes de la part de l'Occident. Mais cette question ne se dissocie pas de celle de la dépendance énergétique de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie. Une certaine normalisation se dessine sur ce plan. Un accord sur le contentieux de la dette énergétique de l'Ukraine à l'égard de la Russie est trouvé en mars 1995 : l'Ukraine s'engage à rembourser 1,14 milliard de dollars (sur un total de 2,5) d'ici à 2008.

En revanche, la normalisation des relations politiques entre Kiev et Moscou demeure hésitante. Leonid Koutchma, partisan d'un rapprochement raisonné avec la Russie, n'est pas encore parvenu à refermer les dossiers brûlants du statut de la Crimée et du partage de la flotte de la mer Noire. Certes, la Russie reconnaît à mi-voix l'appartenance de la Crimée (avec ses bases navales stratégiques) à l'Ukraine. Elle laisse ainsi le champ libre à l'intervention, en mars 1995, des troupes spéciales ukrainiennes dépêchées pour donner un coup d'arrêt aux velléités indépendantistes de cette république, majoritairement tournée vers la Russie. Mais les négociations sur le partage de la flotte n'aboutissent pas, à cause notamment du désir de la Russie de conserver la haute main sur des bases situées sur les côtes ukrainiennes et d'un désaccord à propos du statut du port de guerre de Sébastopol. Particulièrement sensibles à ces questions, les milieux nationalistes demeurent prompts à soupçonner le Président ukrainien de vouloir troquer en catimini des abandons de souveraineté contre des compensations économiques.