CEI

L'année est marquée par l'intervention, particulièrement violente, de l'armée russe en Tchétchénie. La Russie rappelle ainsi à toute la région que, malgré son instabilité, elle peut encore employer les armes. Les républiques du Caucase et d'Asie centrale poursuivent quant à elles, de manière souvent chaotique, leur difficile évolution vers l'économie de marché.

Russie

La guerre en Tchétchénie

L'intervention militaire de la Russie dans la République musulmane caucasienne de Tchétchénie (membre de la Fédération de Russie), avec ses milliers de morts, ses cortèges de dévastations et de pillage, a tragiquement dominé l'actualité politique de l'année. Conçue comme une brève opération de rétablissement de l'ordre sur un territoire entré illégalement en sécession (où le conflit entre le président Doudaïev et ses opposants aurait tourné à la guerre civile), l'action armée mise en œuvre par Boris Eltsine en décembre 1994 se heurte à une résistance populaire imprévue. Mal préparé, l'assaut lancé contre Grozny, la capitale tchétchène, dégénère dans les premières semaines en une déroute humiliante pour les troupes du Kremlin. Les conscrits désorientés sont alors relayés par des corps d'élite pratiquant la politique de la terre brûlée – tandis que s'intensifient les bombardements sans discrimination. Grozny, pratiquement réduite à un tas de ruines, ne tombera qu'au début du mois de mars. Tandis que continuent massacres, viols, pillages et arrestations arbitraires, le général Djokhar Doudaev échappe à toutes les poursuites et peut se présenter à la face du monde comme l'âme de la résistance d'un petit peuple tyrannisé par une puissance impérialiste. Repliés dans les montagnes, les combattants tchétchènes mènent une lutte d'usure impitoyable et c'est seulement au début de juin que Vedeno, devenue capitale des insurgés, tombe aux mains des troupes russes.

La « sale guerre » connaît un rebondissement spectaculaire et peut-être son tournant décisif avec l'opération menée en juin par un commando tchétchène dirigé par Chamil Bassaïev : s'emparant de l'hôpital de Boudennovsk, au sud de la Russie, il retient plusieurs milliers d'otages. Un assaut maladroit des troupes russes provoque la mort d'une centaine de civils et fait de nombreux blessés, suscitant une forte indignation dans toute la Russie. Le commando négocie alors son retour vers la Tchétchénie dans des autocars où ont également pris place cent cinquante « otages volontaires » russes. La réussite de cette opération incite alors le Premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine – l'état de santé de Boris Eltsine l'ayant éloigné des affaires publiques –, à engager des négociations avec les insurgés et à renoncer à la guerre à outrance. Ce tournant politique débouche sur un cessez-le-feu, prorogé sine die à la fin du mois de juin.

Mais les Russes ne se retirent pas pour autant de Tchétchénie. Fin juillet 1995, la Cour constitutionnelle déclare l'engagement des troupes russes contre les « bandes armées illégales » absolument constitutionnel, mettant Boris Eltsine à l'abri de toute poursuite judiciaire. Dans le même temps, l'ancien dissident Sergueï Kovalev, l'un des opposants les plus décidés à la guerre en Tchétchénie, se voit retirer son poste de commissaire aux droits de l'homme auprès du président. Laborieusement négocié entre les deux parties, un accord de paix est signé le 30 juillet : le retrait « partiel » des troupes russes y serait équilibré par le désarmement « par étapes » des combattants tchétchènes. Mais aucun calendrier n'est prévu et le futur statut de la Tchétchénie demeure dans le flou. Moscou continue de récuser toute perspective d'indépendance... Début septembre encore, des milliers de manifestants envahissent la place du palais présidentiel de Grozny, réduit à l'état de carcasse par les combats, et y hissent le drapeau tchétchène, à l'occasion du quatrième anniversaire de la proclamation de l'indépendance. Dans la capitale comme dans les localités occupées par l'armée russe, les combattants indépendantistes s'infiltrent de nouveau à la fin de l'été, tandis qu'à l'automne des villages sont bombardés par l'aviation russe.