Il est vrai que le pouvoir, et l'ensemble de la classe politique avec lui, a été saisi par le retour en force de l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen, à l'occasion de deux élections législatives partielles organisées en pleine polémique sur le « foulard islamique » et dont l'une, à Dreux, a vu la victoire de la candidate du Front national avec plus de 60 % des voix, face au candidat de la droite soutenu par la gauche. Si cette polémique a incontestablement apporté de l'eau au moulin du chef de file de l'extrême droite, celui-ci profite également d'un jugement globalement négatif à l'endroit des hommes politiques, alimenté tout au long de l'année par une série d'affaires de nature à les discréditer. De l'enquête sur les délits d'initiés commis autour de l'achat par le groupe Pechiney d'une firme américaine, et qui devait indirectement provoquer la mort d'un homme d'affaires, Patrice Pelat, proche compagnon du chef de l'État, à la découverte d'un système généralisé de fausses factures grâce auquel les partis financent leurs activités et surtout les campagnes électorales, la classe politique a eu, et aura encore fort à faire pour redresser une image réellement ternie. Elle s'en est tirée, si l'on peut dire, en votant à l'Assemblée nationale une amnistie des délits liés à ce mode de financement, assortie, il est vrai, pour la première fois dans la démocratie française, d'une législation et d'un contrôle fort contraignants qui devraient obliger les hommes politiques à la vertu.

La conscience qu'il faut changer les comportements et les mœurs politiques, ainsi sans doute qu'il est urgent de rendre moins artificielles les frontières partisanes, avait paru, un moment, progresser, sous l'effet notamment des résultats des élections municipales du mois de mars, qui avaient vu le succès de nombreuses personnalités « rénovatrices », en marge des partis ou de leur propre formation, tels Robert Vigoureux à Marseille, Michel Noir à Lyon, Michel Delebarre à Dunkerque. À dire vrai, la « rénovation » était surtout attendue à droite et au centre. Mais, au dernier moment, c'est-à-dire au moment de constituer leur propre liste pour les élections européennes, concurrente de celle dite de l'union de l'opposition, conduite par M. Giscard d'Estaing, les rénovateurs ont renoncé et se sont condamnés à des démarches plus personnelles à l'intérieur de leurs propres partis.

Le positionnement « moral »

Il reste de ces différents épisodes une société qui, loin d'être bloquée, bouge en profondeur et souhaite une représentation politique plus en phase avec ses propres aspirations ; un paysage politique toujours dominé par le couple exécutif Mitterrand-Rocard qui, avec un bilan de près de deux ans, reste à un haut niveau de popularité, et marqué par la présence forte et menaçante d'un Jean-Marie Le Pen qui s'en prend ouvertement à ceux qu'il nomme « les extrémistes juifs » et joue les martyrs lorsque le Parlement européen lève son immunité pour le conduire à répondre en justice de son fameux et fâcheux calembour sur le « Durafour crématoire » ; tandis que, dans la droite classique, l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing prend le meilleur sur un Jacques Chirac désormais dépassé au baromètre de la popularité par Michel Noir et un Raymond Barre énigmatique et pour l'essentiel silencieux.

Tous, quoi qu'il arrive, sous le double aiguillon de l'histoire et de la société, seraient bien avisés de se préparer à une renaissance tous azimuts du débat politique, en sachant que le positionnement « moral » importe désormais davantage que des références idéologiques que l'année 1989 a achevé de rendre obsolètes.

Jean-Marie Colombani

Politique étrangère

Au-delà de la présidence du sommet des pays industrialisés à Paris (du 14 au 16 juillet) et de celle de la Communauté européenne (de juin à décembre), la France a joué un rôle important dans la recherche d'un nouvel équilibre européen, après les bouleversements intervenus à l'Est.

Tout en soutenant l'action de Mikhaïl Gorbatchev en faveur de la libéralisation des régimes d'Europe orientale, le gouvernement n'envisage une réduction du potentiel militaire français qu'en échange d'un effort parallèle des Soviétiques. En revanche, Paris n'a pas ménagé son assistance économique à la Pologne, qui a bénéficié des crédits de la CEE et d'une aide française de 4 milliards de francs. Depuis l'ouverture de la frontière interallemande (10 novembre), les dirigeants français ont redoublé leurs efforts pour accélérer l'union politique entre les Douze. Au Conseil européen de Strasbourg (8 et 9 décembre), François Mitterrand a obtenu d'Helmut Kohl l'ouverture, fin 1990, d'une conférence intergouvernementale destinée à fixer les étapes finales de l'union monétaire.