Dix-neuf jours après l'acceptation sans conditions par l'Iran du texte du Conseil de sécurité ordonnant un arrêt immédiat des combats dans le Golfe, l'Iraq endosse finalement la décision de Téhéran, tout en insistant sur la nécessité de discussions directes. Dans un esprit de compromis, les Iraniens ont déjà fait savoir qu'ils pourraient envisager positivement, à un niveau acceptable, des négociations « face à face » après l'annonce de l'établissement du cessez-le-feu, du retrait des forces des deux parties sur les frontières internationalement reconnues et l'échange des prisonniers de guerre. Le 8 août, M. Javier Perez de Cuellar est donc en mesure d'annoncer la date de la mise en œuvre du cessez-le-feu, fixée au 20 août, et celle des négociations (« directes » pour les Iraquiens et « face à face » pour les Iraniens). Celles-ci débutent à Genève cinq jours plus tard suivant une procédure établie par le secrétaire général de l'ONU.

Le mécanisme de la paix va donc pouvoir se mettre en mouvement. Les combats ont pratiquement cessé, bien que les Iraquiens occupent encore plus de 1 000 kilomètres carrés de territoires en Iran, dont deux villes, Khosravi et Naft Chahr, ainsi que de nombreux villages. Les 350 « casques bleus », chargés d'organiser les modalités du cessez-le-feu et de veiller à son respect, ont été installés sans retard des deux côtés de la frontière. Ils ne signalent aucune violation notable de la trêve. Tout semble indiquer que, malgré le climat de méfiance qui persiste entre les deux parties, celles-ci sont déterminées à mettre fin à la guerre.

Une rencontre sans face-à-face

Les deux belligérants sont fidèles au rendez-vous de Genève sans cependant nourrir trop d'illusions sur les perspectives d'un accord prochain sur les problèmes de fond. L'obstacle des « négociations directes », qui ne sont pas entièrement souhaitées à ce stade par les Iraniens, est contourné grâce à un habile compromis de M. Perez de Cuellar sur la disposition des délégués dans la salle du Conseil du palais des Nations. Les tables derrière lesquelles sont assis les treize Iraniens, dont le ministre des Affaires étrangères, M. Ali Akbar Velayati, et les quinze Iraquiens, présidés par M. Tarek Aziz, chef de la diplomatie de Bagdad, ne sont pas franchement opposées, mais placées de biais de manière à faire face à celle derrière laquelle ont pris place M. Perez de Cuellar et cinq de ses adjoints. L'objectif de cet étrange dialogue que les Iraquiens qualifient de « négociations directes » et qui ne constitue pour les Iraniens qu'un « face-à-face physique », est de peaufiner le processus de paix entamé par M. Perez de Cuellar et d'établir le cadre de véritables négociations directes.

Après avoir débuté le 25 août, les pourparlers de paix sont ajournés une première fois le 13 septembre. Ils reprennent le 31 octobre, toujours à Genève, après un intermède symbolique le 1er octobre à New York, où les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont des entretiens séparés avec M. Perez de Cuellar. Le 12 novembre, nouvel ajournement à une date indéterminée sans que le moindre progrès ait été réalisé. Comme au premier jour, les entretiens butent sur l'interprétation pratique de la résolution 598, c'est-à-dire sur l'ordre dans lequel ses différentes stipulations doivent être mises en application.

L'Iran estime qu'il faut d'abord assurer le retrait des troupes iraquiennes de son territoire. Bagdad pour sa part refuse de rappeler ses troupes avant que l'estuaire du Chatt el-Arab, qui sépare les deux pays, ait été déblayé et la liberté de navigation rétablie dans le Golfe. En toile de fond persiste le différend politique grave sur le Chatt el-Arab et la validité du traité d'Alger de 1975. Le président Saddam Husayn, qui l'a dénoncé unilatéralement le 17 septembre 1980, soit cinq jours avant de déclencher la guerre contre l'Iran, n'est pas du tout disposé, maintenant qu'il estime l'avoir gagnée, à reconnaître la validité d'un traité qui nie le caractère purement arabe du Chatt el-Arab. Les Iraquiens insistent donc pour que les accords d'Alger soient renégociés et que la frontière entre l'Iran et l'Iraq soit fixée le long de la rive iranienne du fleuve, qui serait ainsi tout entier iraquien.

La guerre du Golfe en définitive n'a pas eu de vainqueur et l'insistance de Bagdad à vouloir profiter d'un avantage militaire fragile porte les germes d'un futur conflit.

Jean Gueyras
Jean Gueyras a appartenu au service étranger de l'Agence France-Presse avant de traiter au Monde du Moyen-Orient, où il effectue de fréquents reportages.