Mais elle procède aussi, d'une part, d'un net ralentissement de notre propre rythme de croissance, et d'autre part, de notre propension à une inflation plus rapide que chez la plupart de nos partenaires industriels.

b) Le retard de la production industrielle, déjà évident à une époque où l'on se servait des prix de 1970 pour en apprécier l'évolution en volume, se confirme avec le changement de l'année de base. Aux prix de 1980 (substantiellement relevés pour l'énergie et diminués pour l'électronique), la production industrielle française continue de stagner, tandis qu'elle est aujourd'hui supérieure de 21 p. 100 au Japon et de 15 p. 100 aux États-Unis.

Ce retard n'est pas imputable à la modération de la demande française : comme le montre le graphique I, nos importations ont continué de progresser quoique à un rythme plus modéré depuis 1980. En réalité, l'industrie française répond mal aux sollicitations de nos propres marchés domestiques ; elle produit trop d'acier, pas assez de magnétoscopes.

c) Elle s'est, pour des raisons analogues, assez mal adaptée à l'évolution de la demande internationale, comme le montre le graphique II. De 1976 à 1986, nos parts de marché à l'exportation ont décliné globalement, pour ce qui concerne les produits manufacturés, dans une proportion de l'ordre de 15 p. 100 (pour une base 100 en 1980, 108 au début de 1977, 92,4 en fin 1986). Et ce déclin affecte moins nos ventes vers la CEE que nos exportations vers les autres pays de l'OCDE (– 20 p. 100).

Certes, les positions internationales de la France sont meilleures et plus dynamiques dans le domaine des activités de services. Toutefois, les performances d'un grand pays industriel sur le plan de la production et de l'emploi ne peuvent persister très longtemps s'il laisse s'éroder l'appareil industriel qui constitue la base indispensable à la prospérité de l'ensemble des services.

d) Enfin, la population active occupée donne une indication sur l'évolution du potentiel productif, puisque, avec la durée annuelle de travail, d'une part, et la productivité horaire moyenne de ce travail, d'autre part, elle en constitue un élément majeur.

Le graphique III établi sur la période 1950-1987 manifeste le retard que la France accumule par rapport à ses principaux partenaires du monde industrialisé, sauf l'Italie et la Belgique et, depuis 1980, la RFA et le Royaume-Uni. Ces évolutions recouvrent deux tendances ; l'une d'ordre démographique : la population française se renouvelle mal, mais moins mal que celle des pays voisins ; l'autre d'ordre économique : la France, comme l'ensemble des pays européens, à quelques degrés de différence près, ne parvient pas à créer, loin de là, autant d'emplois que le continent nord-américain et le Japon.

Lorsque l'on met en relation le taux d'utilisation des capacités de production disponible, qui augmente à mesure que la demande s'élève, et le taux de chômage, qui indique l'existence d'une offre potentielle, on constate avec D. Cohen et P. Michel (Théorie et Pratique du chômage (Cepremap, 1987).), comme avec F. Dalle (Pour développer l'emploi, rapport destiné au ministère du Travail, des Affaires sociales et de l'Emploi, mai 1987.), que la relation s'est dégradée modérément à partir de 1975 et brutalement depuis 1981. En effet, le taux de chômage augmente, de nos jours, quel que soit le degré d'utilisation des capacités de production ; ce qui signifie que l'offre française de produits ne répond plus aux sollicitations de la demande. Nos retards recouvrent un véritable gaspillage de ressources humaines.

Ainsi, la France a-t-elle commencé à se laisser distancer dès le milieu des années 70.

II. Ces retards se sont aggravés par la suite depuis 1981. Que révèlent les comparaisons systématiques faites en année moyenne sur les périodes 1974-1980 et 1981-1987, d'après les statistiques dont nous disposons ?

Si la France continue de croître un peu plus vite que le reste de la Communauté européenne, l'écart se réduit d'année en année et va disparaître en raison de l'entrée de l'Espagne, dont le dynamisme économique est plus marqué. Le recul des positions de la France dans les échanges extérieurs s'accélère, et il est encore plus marqué que sur le plan de la production. De 1981 à 1987, les investissements productifs ont décliné en moyenne annuelle, contrairement à ceux de nos principaux concurrents et clients. Une telle atonie accélère le vieillissement de notre parc d'équipements et contribue à freiner l'adaptation de nos produits à la demande. L'évolution des prix et de l'emploi s'est détériorée par comparaison avec nos partenaires de la Communauté européenne. Des dégradations substantielles portant sur un aussi grand nombre d'indicateurs méritent donc un diagnostic plus approfondi.

Une compétitivité fragile

Il ne suffit pas de comparer les taux de croissance respectifs de la France et du reste du monde pour identifier les causes directes de nos retards. Depuis l'instauration du Marché commun et les efforts accomplis par le GATT dans le domaine de la liberté des échanges, la croissance du produit intérieur d'un pays doit lui permettre de soutenir le choc de la concurrence internationale. Si le niveau de vie des consommateurs en recueille d'inappréciables bienfaits, les producteurs nationaux doivent, en revanche, savoir résister à leurs rivaux étrangers et conquérir à l'extérieur de nouvelles parts de marché.