Nos médiocres résultats en regard des excédents industriels japonais et allemands traduisent probablement, en partie, l'insouciance d'un pays qui sait pouvoir compter sur ses ressources agricoles et, en partie, la relation passionnelle de notre société à l'égard du mythe des technologies de pointe. Le simple succès économique qui signale les entreprises prospères, à l'écoute de leurs clients, séduit peu nos compatriotes.

Les points névralgiques du système économique français

Quittant le terrain du strict constat, nous abordons ici en effet celui plus controversé des appréciations à porter sur les causes et la gravité de nos retards.

La croissance économique d'un pays découle d'un ensemble de facteurs plus ou moins aisés à chiffrer. Ils se rapportent au travail et aux ressources humaines, au progrès technique et à la capacité d'innover, au capital et à l'investissement, enfin à la qualité de la formation aux méthodes de décision et d'organisation. Partant de ces bases, le diagnostic du retard peut être approfondi et l'aventure du déclin conjurée.

I. Du point de vue de la quantité de travail disponible, la démographie française, sans être très dynamique (avec un taux de reproduction de 1,8 enfant par femme en âge de procréer au lieu de la moyenne de 2,1), ne semble guère être une cause agissante. En revanche, ainsi que le constatent tous les observateurs, les Français travaillent désormais de moins en moins longtemps. Tout se passe comme si les travailleurs pourvus d'un emploi avaient confisqué à leur profit une part importante des gains annuels de productivité horaire sous la forme de loisirs accrus. Le salarié type, dont l'emploi ne comporte pas de responsabilités d'encadrement, bénéficie d'une semaine de 39 heures, de la 5e semaine de congés payés, de la multiplication de « ponts » et de jours fériés, si bien que. au total, le nombre de journées de travail annuelles a décru de 12 p. 100 depuis 1974. Certes, les techniques ont trop progressé pour qu'il soit possible mathématiquement d'assurer dans le monde industriel le plein emploi à 40 heures, voire à 39 heures de travail pour tous. De plus, l'évolution résulte pour une part de la multiplication des emplois à temps partiel correspondant à des besoins nouveaux. Mais, l'évolution a pris trop d'ampleur par rapport à l'étranger pour ne pas susciter quelque inquiétude. L'hypothèse d'une désaffection à l'égard du travail ne saurait être écartée et devient d'autant plus préoccupante que l'inégalité entre les temps de travail exigés, par exemple, du jeune étudiant de classe préparatoire aux grandes écoles et dans les IUT ou de certaines catégories de cadres et les autres travailleurs se creuse. Enfin, l'argument selon lequel la diminution du temps de travail permettrait de partager l'emploi a été démenti par les faits comme par la théorie économique. La réduction du temps de travail en 1982 n'a pas réduit le chômage. L'analyse économique rappelle cette vérité : le travail offert suscite plus qu'il ne supprime les occasions d'emploi. Qui ne déplore, par exemple, que les règlements en vigueur n'aient trop souvent contraint les entreprises françaises à refuser des commandes de l'étranger parce qu'elles transgresseraient telle ou telle disposition du droit du travail ou des conventions collectives ? Mais, si les attitudes à l'égard du travail paraissent devoir être remises en cause, cette révision ne pourra ignorer les aspirations des principaux intéressés ni épargner nos méthodes d'organisation habituelles (A. Kamarck, Economies and the Real World (University of Pennsylvania Press, Philadelphie, 1983).), (Théorie et Pratique du chômage (Cepremap, 1987).).

II. Dans la compétition internationale, le progrès technique joue aujourd'hui un rôle décisif. Or, la France paraît se laisser distancer depuis une époque maintenant reculée.

L'indicateur (Données aimablement communiquées par l'Association pour la recherche économique en propriété industrielle et transferts techniques (AREPIT).) retenu est le nombre de brevets déposés par les seuls résidents nationaux dans chaque pays. Certes, cet indicateur surestime quelque peu l'inventivité des Japonais, mais les tendances relevées depuis 1950 montrent sans conteste le retard pris par la France (voir les tableaux II et III). Celui-ci remonte probablement à 1930, année d'avant-guerre où nationaux et étrangers ont déposé en France un maximum de 24 280 brevets. En outre, les non-résidents déposent en France environ 3 brevets pour 1 brevet de résident, alors que les chiffres correspondants sont respectivement de 0,75 aux États-Unis, 1,3 en RFA, 2,1 au Royaume-Uni et 0,12 au Japon. Ces écarts, relevés pour 1983, tendent à montrer que la France se présente plus comme un marché digne d'intérêt que comme un foyer d'innovations. Ces faiblesses s'expliquent par de moindres efforts de recherche et de développement et par un moindre rendement de ces efforts (cf. graphique IV) (l'Offre créatrice, comment inventer ses clients (IDEP).).