I. Les résultats les plus généraux de l'économie concernent la production et l'emploi. C'est sur ce plan que nous commencerons par nous situer.

a) La comparaison entre l'évolution du produit intérieur brut de la France et l'évolution de celui des autres pays donne, à première vue, une mesure convenable de l'évolution de nos positions dans le monde. On se méfiera toutefois de leur apparente précision. D'une part, les comparaisons portent sur des données statistiques nationales de qualité inégale et, en dépit des efforts d'harmonisation entrepris par les organismes internationaux (ONU, OCDE, CEE, etc.), il subsiste une tendance à surestimer la croissance des pays en voie de développement, où les secteurs traditionnels sont les plus mal connus, alors que la statistique de production des pays industrialisés de l'OCDE sous-estiment le progrès des activités nouvelles qui sont en général les plus dynamiques [activités de service, renouvellement de la qualité des produits, croissance des petites et moyennes entreprises (A. Kamarck, Economies and the Real World (University of Pennsylvania Press, Philadelphie, 1983).)]. D'autre part, la comparaison des PIB évalués originellement en valeurs nominales dans leurs monnaies nationales respectives nécessite une conversion en une monnaie commune de référence qui est, en pratique, le dollar. Les résultats différent alors quelque peu selon les méthodes utilisées. Ou bien on calcule la part de PIB français dans une somme de PIB des nations du monde en les évaluant tous en dollars aux prix courants et aux taux de change courants. En ce cas, la part de la France évolue en fonction des volumes de production et des inflations respectives comme des taux de change des monnaies par rapport au dollar. Il en résulte que, si l'inflation française est plus forte que celle du monde et que le taux de change du franc par rapport au dollar reste stable, la part de la production française augmente, même si les volumes produits n'augmentent pas plus vite que la moyenne des volumes de production mondiale. Ou bien, selon une autre méthode, on calcule chaque PIB aux prix intérieurs de 1980 pour éliminer l'effet des inflations nationales et on convertit les prix nationaux en dollars à partir d'un calcul des parités des pouvoirs d'achat (PPA) ; le taux de PPA du franc par rapport au dollar est calculé, par exemple, de manière que le pouvoir d'achat global du franc reste équivalent en France et aux États-Unis. Il s'ensuit que la part occupée par une nation donnée dans la production totale du monde décline d'autant plus, quand on la mesure à la parité de pouvoir d'achat et aux prix internationaux d'une année de base (1980 en l'occurrence), que :
1 – les volumes produits dans le reste du monde ont progressé plus vite ;
2 – la croissance du pays a concerné relativement plus les produits les moins valorisés de l'année de base ;
3 – l'inflation du pays a été plus rapide que dans le reste du monde.

Sous ces réserves, le tableau I, aimablement communiqué par G. Lafay, du CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), montre que, en dollars et aux prix courants, la France, qui produisait 4,2 p. 100 du produit mondial en 1960, a amélioré sa position régulièrement jusqu'en 1975 (5,4 p. 100), pour reperdre, et au-delà, un peu de son poids en n'atteignant plus que 3,91 p. 100 en 1985. Après correction des inflations nationales et en recourant à la parité des pouvoirs d'achat, les évolutions laissent place à une relative stabilité au palier de 3,8 p. 100 – 3,9 p. 100 de 1962 à 1980, suivie d'un déclin d'un dixième de point chaque année jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, la tendance à une certaine érosion du poids économique de la France dans le monde peut être constatée. Elle correspond, certes, en partie à la montée en puissance de certains pays d'Extrême-Orient (Japon, Corée, les quatre Dragons : Corée du Sud, Hongkong, Taïwan, Singapour) et au regain de pays comme le Canada, les États-Unis, la Suède...