Certains risques, enfin, naissent des progrès mêmes de la science. Ne citons l'atome que pour mémoire. Aujourd'hui, ce sont les perspectives ouvertes par les progrès de la biologie moléculaire et du génie génétique qui donnent le vertige. Elles nous font passer sans transition de l'émerveillement devant les promesses des biotechnologies à l'inquiétude face aux possibilités de manipulation de l'espèce humaine. Une inquiétude manifestée par certains chercheurs eux-mêmes, comme le professeur Jacques Testart, l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de la fécondation in vitro et de la congélation d'embryons humains, qui a annoncé publiquement, en septembre, sa décision d'arrêter ses recherches sur certains aspects de la manipulation de la procréation humaine. Qu'elles nous fascinent ou nous effraient, les avancées des sciences et des techniques ne peuvent en aucun cas nous laisser indifférents car elles contribuent à façonner le monde dans lequel nous vivrons demain.

Philippe de La Cotardière

Astronomie

Voir un noyau cométaire : grâce aux deux sondes soviétiques Véga et à la sonde européenne Giotto qui, en mars, ont survolé la comète de Halley à des distances respectives de 8 900, 8 000 et 605 km, ce rêve des astronomes est devenu réalité.

Les sondes ont révélé un objet oblong, de 15 km sur 8 environ, à la surface très sombre (son pouvoir réfléchissant n'excède pas 4 p. 100) et chaude (environ 70 °C), parsemée de cratères par où s'échappent, du côté éclairé par le Soleil, des jets de gaz et de poussières. L'analyse de la composition de ces gaz et de ces poussières a confirmé que le noyau est surtout formé d'eau (80 p. 100) et d'oxyde de carbone. On se le représente désormais comme un corps hétérogène de densité inférieure à l'eau, dont le cœur serait formé d'un agglomérat de glace et de particules réfractaires, enrobé d'une croûte sombre et poreuse, à faible conductibilité thermique, riche en composés organiques et ressemblant à du goudron.

Un autre événement majeur pour la connaissance du système solaire a été le survol, le 24 janvier, pour la sonde américaine Voyager 2, de la lointaine planète Uranus. Enveloppée d'une épaisse atmosphère à base d'hydrogène et d'hélium (près de 15 p. 100), avec une faible proportion de méthane, notamment sous forme de nuages, elle tourne sur elle-même en 17 heures environ. Malgré l'inclinaison très particulière de son axe de rotation, presque couché sur le plan de son orbite, sa température (– 220 °C) est quasiment identique aux pôles et à l'équateur. La planète se distingue aussi par la très forte inclinaison (60°) de son axe magnétique par rapport à son axe de rotation. Aux cinq satellites qu'on lui connaissait, Voyager 2 a permis d'en ajouter dix autres, de 40 à 170 km de diamètre. La sonde a observé aussi les neuf fins anneaux de matière, décelés de la Terre, autour d'Uranus, en 1977, et en a découvert deux autres, dont un large (2 500 km) et diffus.

Philippe de La Cotardière

Physique

Manipuler la matière, cela n'a plus guère de secrets pour le physicien. Les ions, les protons, les électrons, voire l'antimatière, sont couramment utilisés dans les laboratoires et se prêtent volontiers à toutes les expériences. Il ne s'agit pourtant là que de matière chargée. Pourquoi est-il si difficile de manipuler la matière « ordinaire », c'est-à-dire électriquement neutre : les atomes ? D'abord, parce que les atomes libres sont toujours en mouvement désordonné ; ensuite, parce qu'ils sont presque insensibles aux champs électriques et magnétiques qui agissent sur la matière chargée. Parvenir à immobiliser des atomes libres semblait donc une gageure, jusqu'à ce que trois expériences, menées aux États-Unis et en France, en démontrent la possibilité.

La première expérience, réalisée en 1985 au National Bureau of Standards (NBS) de Washington, utilise un faisceau d'atomes de sodium sortant d'un four à près de 3 600 km/h. Pour les arrêter, un mur de lumière, précisément un laser placé dans l'axe du faisceau et l'éclairant à contre-courant. Lorsqu'un photon lumineux heurte un atome de sodium, il est en effet absorbé par l'atome, qui subit aussitôt une transition électronique, à condition que l'énergie du photon soit exactement égale à l'énergie nécessaire pour exciter l'atome de sodium. La désexcitation est pratiquement immédiate et l'atome réémet un photon dans une direction aléatoire. Statistiquement, l'énergie de ces photons est donc nulle et, pour satisfaire le bilan d'énergie du système, c'est l'atome lui-même qui doit perdre de l'énergie. De fait, au cours de ce curieux choc lumière-matière, la vitesse de l'atome diminue... d'environ 0,1 km/h. Il faut donc près de 36 000 chocs par atome pour immobiliser le faisceau. Dans l'expérience du NBS, cet énergique freinage lumineux s'accomplit sur une distance d'environ 50 cm.