Panorama

Introduction

Le risque et la sécurité : en 1986, ces deux concepts fondamentaux ont été particulièrement mis en relief par l'actualité scientifique et technique.

La Terre est une planète vivante, animée d'incessants soubresauts. Séismes et éruptions volcaniques constituent les manifestations, parfois spectaculaires, de ses frémissements. On sait aujourd'hui que la croûte terrestre, tel un gigantesque puzzle, est morcelée en une douzaine de plaques rigides en mouvement les unes par rapport aux autres. Épaisses de 50 à 150 km, ces plaques glissent sur la partie fluide du manteau sous-jacent en entraînant les continents dans leur mouvement. Leurs limites constituent les zones les plus fragiles de la croûte terrestre, le long desquelles se manifestent la plupart des séismes et des éruptions volcaniques.

L'Amérique latine représente l'une de ces régions particulièrement exposées aux séismes majeurs. On le constate une nouvelle fois le 10 octobre, avec le séisme meurtrier, d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, qui ravage le Salvador, moins d'un an après les précédents tragiques de Mexico et d'Armero (Colombie).

Comment se prémunir contre de telles catastrophes ? Avec tout ce que l'on a appris au cours des dernières décennies sur les mouvements de l'écorce terrestre, la prévision des séismes ne représente plus un objectif inaccessible. Elle nécessite toutefois des investissements considérables, que très peu de pays peuvent consentir. Aux États-Unis, la faille de San Andréas est surveillée en permanence par des centaines de capteurs et par des faisceaux laser couplés à un réseau d'alerte informatisé, mais ce matériel ultra-perfectionné coûte en moyenne 100 millions de dollars par an !

De nombreux laboratoires dans le monde s'efforcent de mettre au point des systèmes parasismiques moins onéreux que ceux déjà utilisés au Japon ou aux États-Unis. Ces dernières années, on a découvert que l'effet destructeur d'un tremblement de terre résulte essentiellement des vibrations horizontales du sol, qui se produisent à une fréquence de l'ordre de la seconde. Celles-ci induisent à la base des immeubles un mouvement extrêmement saccadé, qui s'amplifie dans les étages supérieurs, et parvient à disloquer complètement la construction s'il se prolonge plus d'une dizaine de secondes. Des simulations menées en laboratoire ont montré qu'il suffisait de ramener la fréquence des oscillations horizontales d'un immeuble à cinq ou six secondes pour que des constructions de type classique restent intactes. En France, le Centre national de la recherche scientifique expérimente même depuis quelque temps des « sandwichs » composés de feuilles de fer et de blocs de caoutchouc qu'il suffit d'interposer entre le sol et les constructions pour ralentir le rythme des vibrations. Peut-être ces amortisseurs, particulièrement simples à réaliser, rendront-ils bientôt la construction parasismique sensiblement moins coûteuse qu'aujourd'hui, permettant ainsi sa généralisation dans les pays à haut risque séismique ?

Les éruptions volcaniques représentent un autre type de catastrophes naturelles souvent meurtrières. Aussi, d'activés recherches sont-elles menées en vue d'améliorer la fiabilité des prévisions d'éruptions. Des résultats très encourageants ont été obtenus en 1986 sur le piton de la Fournaise, à la Réunion, entré en éruption le 19 mars. Résultats d'autant plus remarquables que ce volcan, à la différence de ceux qui sont implantés à la limite de plaques tectoniques, ne manifeste que de très faibles signes précurseurs d'éruption. Grâce à une surveillance intensive du volcan, réalisée non seulement par des mesures très précises de déformation du relief et de l'activité sismique, mais aussi, pour la première fois, par l'enregistrement des variations magnétiques, les chercheurs sont parvenus à prévoir l'éruption quelques jours avant qu'elle ne survienne.

Peut-être parviendrons-nous ainsi, dans l'avenir, à mieux nous prémunir contre les risques naturels majeurs ? Mais il nous faut assumer désormais, simultanément, d'autres risques : ceux qu'engendre le développement des activités humaines elles-mêmes.

La technologie en accusation

L'explosion en vol de la navette américaine Challenger, le 28 janvier, avec sept astronautes à bord, a surpris et bouleversé le monde. Tragique ironie du sort : cette catastrophe – la plus meurtrière de l'histoire de l'astronautique – est survenue l'année même du vingt-cinquième anniversaire du premier vol humain dans l'espace, celui de Iouri Gagarine. Blasée par la longue série de succès spatiaux enregistrés depuis lors, l'opinion publique a confondu conquête spatiale et routine. Elle a oublié qu'il existait toujours une part de risque dans l'aventure spatiale. La succession d'échecs de lancements de fusées enregistrée au cours des mois suivants aux États-Unis l'a malheureusement rappelé avec acuité : cette série noire n'a pas épargné la fusée Delta, la plus fiable pourtant des fusées américaines, avec un taux de succès de 94 p. 100.