Sur le plan biologique, le déficit de l'immunité cellulaire se caractérise par la négativité des tests cutanés d'hypersensibilité retardée. L'organisme ne réagit plus aux intradermoréactions pratiquées avec la tuberculine, la candidine ou la varidine, ou même avec un antigène qu'on a injecté au préalable spécialement à cette intention, le dinitrochlorobenzène (DNCB). Il s'installe donc un état d'anergie.

Privé de ses moyens de défense immunitaires, le sujet devient très vulnérable à toutes les infections et aux proliférations tumorales malignes. Il devient semblable en cela aux malades qui reçoivent un traitement immunosuppresseur entraînant une dépression immunitaire (par exemple, pour éviter une réaction de rejet après une greffe d'organe), ou même à un « enfant-bulle » qui présente une forme aiguë de déficience immunitaire héréditaire le privant de toute défense immunitaire, et qui doit être placé après sa naissance dans une « bulle », enceinte stérile en plastique, qui le protège des agressions et infections du monde extérieur et dans laquelle il devra vivre.

Les signes du Sida

Il faut distinguer le Sida, qui est un état, de ses complications (infections, cancers) qui en font toute la gravité.

Les signes et symptômes du Sida sont d'une grande banalité. Aucun d'entre eux n'est caractéristique. C'est leur association, leur durée, leur caractère inexplicable chez des sujets à haut risque (homosexuels, toxicomanes, hémophiles) qui les rend suspects.

L'association d'une fièvre continue ou intermittente, d'une diarrhée chronique, d'un amaigrissement progressif, de troubles respiratoires (toux, dyspnée), de malaises, de fatigue, de lésions cutanées (érythème, purpura), de sueurs nocturnes, est souvent constatée dans les formes débutantes ou modérées du Sida.

Tous ces signes peuvent se retrouver dans de nombreuses affections, la tuberculose notamment, ou les entérites et colites de toutes origines ou les parasitoses intestinales. Mais, dans ces cas, l'examen clinique et biologique (recherche des bacilles tuberculeux, examen parasitologique des selles, par exemple), permet de faire le diagnostic de la maladie, alors que dans le Sida la cause des troubles échappe aux diverses investigations.

L'apparition d'adénopathies diffuses est plus tardive et marque l'extension des troubles immunitaires. Les ganglions sont progressivement et notablement augmentés de volume, leur diamètre dépassant 1 cm. D'abord localisées au cou et aux aisselles, les adénopathies s'étendent aux autres régions du corps, les aires inguinales étant ordinairement exclues. Mais, pas plus que les signes précédents, les adénopathies ne sont spécifiques du Sida. Plusieurs affections peuvent donner des adénopathies avec fièvre, par exemple la syphilis secondaire, la mononucléose infectieuse, les hémopathies malignes. Ici encore, l'examen clinique et les investigations biologiques (analyse sérologique, examen hématologique, au besoin ponction sternale pour examiner la moelle osseuse) permettent le diagnostic de la maladie, ce qui n'est pas le cas pour le Sida. À ce stade, des infections dues à des levures (Candida albicans) apparaissent souvent sur la peau et les muqueuses (muguet dans la bouche).

L'examen hématologique de routine montre une lymphopénie. Les tests cutanés sont négatifs aux intradermo-réactions faites avec différents antigènes et témoignent d'une anergie. Mais aucun des examens biologiques n'est spécifique. Les homosexuels, en particulier, ont souvent des examens biologiques perturbés, semblables à ceux qu'on observe dans le Sida, sans qu'ils en soient atteints, notamment une lymphopénie et une anergie. Même des analyses plus fines comme la numération T4 et la détermination du rapport T4/T8 peuvent montrer, en l'absence de Sida, une diminution des lymphocytes T4 ou une inversion du rapport T4/T8 (due chez eux à l'augmentation des lymphocytes T8). Quant aux examens sérologiques (détection des anticorps) dont il sera question plus loin, ils sont positifs en cas de Sida, et aussi chez des individus sains (« sujets séropositifs asymptomatiques »). Leur positivité ne signifie donc pas que le sujet a ou aura un Sida.