Chez les malades atteints du Sida, la proportion de lymphomes est trois fois plus élevée que dans la population normale. Les lymphomes qui se développent ordinairement à partir des ganglions superficiels (cou, aisselle, aine) ou profonds (thorax, abdomen) ont souvent, en cas de Sida, une localisation inhabituelle au niveau du cerveau. Le lymphome cérébral est caractéristique du Sida.

Histologiquement, les lymphomes du Sida ont la même structure que le lymphome de Burkitt et la sérologie est fréquemment positive pour le virus d'Epstein-Barr (mais elle l'est également chez les sujets atteints de Sida sans qu'ils aient des lymphomes).

Virus et rétrovirus

La transmission du Sida par voie sexuelle ou sanguine a fait envisager dès la description initiale de la maladie l'hypothèse d'un agent infectieux responsable.

Les premiers agents infectieux incriminés furent des virus ubiquitaires connus depuis longtemps, et retrouvés fréquemment chez les malades atteints du Sida : cytomegalovirus, virus d'Epstein-Barr, virus de l'hépatite B, adénovirus. Mais il n'y a pas de preuves que les souches de virus décelées en cas de Sida soient différentes de celles retrouvées chez d'autres malades.

L'hypothèse d'un agent pathogène nouveau, unique, non ubiquitaire, a semblé plus vraisemblable et les recherches se sont orientées vers les rétrovirus.

Les rétrovirus sont une famille de virus à ARN (acide ribonucléique), ce qui les distingue d'autres virus qui sont des virus à ADN (acide désoxyribonucléique). Ils sont connus comme virus cancérogènes pour l'animal. Ils provoquent des sarcomes, des lymphomes, des leucémies lorsqu'ils sont inoculés à différentes espèces animales (singe, bœuf, souris, poulet, chat). L'action cancérogène des rétrovirus est due à une enzyme la reverse transcriptase ou transcriptase inverse (découverte par Temin et Baltimore en 1970), qui transcrit l'ARN viral en ADN viral, lui permettant ainsi de s'intégrer à l'ADN du noyau cellulaire et d'infecter la cellule dans laquelle le virus va se multiplier.

Un de ces rétrovirus, agent de la leucémie du chat, infecte spécifiquement les lymphocytes T4 et provoque chez cet animal une déficience immunitaire entraînant la mort à la suite d'infections répétées.

En pathologie humaine, aucun rétrovirus n'avait été identifié jusqu'à ces dernières années. En 1980, un rétrovirus fut retrouvé associé à des leucémies T4 fréquentes au Japon et aux Caraïbes (par Poiesz, Ruscetti et Gadzar) puis, en 1982 (par Yoshida, Miyoschi et Hinuma). Il a été appelé HTLV1 (Human T-Cell Leukemia virus).

En France, des chercheurs de l'Institut Pasteur (Barré-Sinoussi, Chermann, Rey, Montagnier) ont isolé en 1983 dans le laboratoire du professeur Montagnier un rétrovirus à partir des ganglions d'un homosexuel présentant une lymphadénopathie (stade précoce du Sida). Il a été nommé LAV (Lymphadenopathy Associated Virus ou, actuellement, Lymphadenopathy/AIDS virus).

Aux États-Unis, une équipe du National Center Institute de Bethesda (Maryland) [Gallo, Sarin, Gelman] a isolé ultérieurement un rétrovirus du groupe HTLV1 des lymphocytes du sang circulant d'un malade atteint de Sida.

L'équipe du professeur Montagnier à l'Institut Pasteur a également réalisé l'isolement de deux autres rétrovirus à partir de deux malades atteints de Sida : à partir des lymphocytes T d'une biopsie de ganglions d'un homosexuel ayant un sarcome de Kaposi (virus IDAV1 [Immune Deficiency Associated Virus]) ; et à partir des lymphocytes T du sang circulant d'un hémophile B (virus IDAV2). Ce même virus IDAV2 a été isolé en 1984 sur les cultures de lymphocytes T de deux frères atteints d'hémophilie B, dont l'un avait un Sida (Vilmer, Rouziou, Vezinet, Brun).

En 1984, les chercheurs du National Cancer Institute (Popovic, Sargadharan, Read ; Gallo, Salahuddin) ont rapporté l'isolement d'un rétrovirus nommé HTLV3 chez un grand nombre de malades atteints de Sida. Une autre équipe américaine a isolé un virus identique qu'elle a nommé ARV (AIDS Related Virus).

Il y a entre ces rétrovirus humains quelques différences et beaucoup d'analogies morphologiques et immunologiques. En particulier les virus LAV et HTVL3, qui sont généralement incriminés comme étant l'agent infectieux du Sida, semblent être le même virus.