Les seuils, tout d'abord. Le président du CNPF M. Yvon Gattaz, est persuadé que les dispositions réglementaires ou législatives, qui fixent à des effectifs déterminés l'obligation de respecter un certain nombre de contraintes, ont des effets négatifs sur le volume des emplois offerts par les entreprises. Les trois principaux seuils sont les suivants : à partir de 10 salariés, l'entreprise est assujettie au 1,1 % de formation professionnelle et au 0,9 % pour le logement, ainsi qu'au versement de l'indemnité de transport. À partir de 11 salariés, il y a obligation de procéder à l'élection de délégués du personnel et de respecter une procédure longue en matière de licenciement individuel. Enfin, à partir de 50 salariés, il faut mettre en place un comité d'entreprise ou d'établissement, un comité d'hygiène et de sécurité, et la possibilité est offerte aux syndicats de créer une section syndicale d'entreprise. Suscitant l'agacement syndical, le président Gattaz avait indiqué, dans sa fameuse proposition des ENCAS (les emplois nouveaux à contraintes allégées), que 83 000 emplois supplémentaires en deux ans pourraient être créés dès lors que l'on supprimait certains seuils. Les graphiques publiés alors illustraient clairement l'esprit de sa suggestion. Elle eut pour principale réponse celle de I'INSEE qui, examinant cette question, arriva à la conclusion que les discontinuités de taille d'entreprises de 9 à 12 et de 48 à 52 employés étaient incontestables, mais que l'on ne pouvait imputer aux effets de seuils qu'une création éventuelle de 15 000 à 50 000 emplois seulement. À part le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises, plutôt sceptique quant à l'influence véritable des seuils administratifs, la plupart des employeurs y voient un frein à l'embauche et une gêne au dynamisme de la création d'emplois supplémentaires. En définitive, l'INSEE ne conteste pas réellement ce fait, même si elle en ramène l'ampleur à des proportions plus modestes que celles affirmées par le président du patronat.

Second point d'accrochage, le SMIC. Yvon Gattaz reproche à cette institution plusieurs effets pervers : le SMIC, selon lui, est destructeur d'emplois principalement pour les jeunes sans qualifications ; il affecte la compétitivité de certaines activités soumises à la concurrence internationale ; il entraîne un tassement de la hiérarchie des salaires. Faut-il, pour autant, tuer le SMIC ? À défaut d'espérer du gouvernement sa suppression pure et simple, les chefs d'entreprises français ont plaidé pour un système de salaire minimum différencié selon les catégories de sans-emploi et, notamment, pour la création d'un salaire minimal interprofessionnel pour les jeunes. Cette idée n'est pas propre au CNPF. Elle a également été soutenue par le club de réflexion Échanges et Projets (créé par Jacques Delors) et présidé par José Bidegain qui, lui aussi, croit aux vertus d'un « SMIC jeune », inférieur au salaire minimum légal, afin de favoriser l'embauche des nouveaux arrivants sur le marché de l'emploi. Certes, dans tous les pays industrialisés, des planchers de salaire ont été établis depuis la Seconde Guerre mondiale soit par la loi, soit par convention collective. Mais des salaires différenciés pour les jeunes existent en Belgique et aux Pays-Bas, par exemple. Il faut reconnaître que la législation française aboutit, d'ores et déjà, pratiquement au même résultat. Ainsi, un employeur qui offre du travail à un jeune de moins de 18 ans bénéficie d'un abattement de 10 ou 20 % sur le SMIC, et cette différenciation existe aussi dans la réglementation de l'apprentissage. Quant aux travaux d'utilité collective, dont il sera question plus loin, ou aux formations en alternance rémunérées en dessous du SMIC, elles s'apparentent évidemment à un « SMIC jeune » qui ne voudrait pas dire son nom. L'essentiel est toujours d'alléger le coût salarial afin d'inciter à l'embauche. Peut-être conviendrait-il de s'interroger sur le choix entre l'allégement des charges sociales (dont le financement serait supporté par la collectivité) ou la réduction du revenu net perçu par les « bénéficiaires ». En outre, il ne faut pas négliger le fait que si de tels allégements ont une incidence bénéfique pour l'emploi des jeunes, ils peuvent aussi être parfaitement négatifs pour l'emploi des adultes et donc finalement avoir un effet nul pour l'emploi en général.