Le sommet tenu dans la capitale éthiopienne met en évidence non seulement l'incapacité des Africains à résoudre les conflits en cours, mais leurs stériles compétitions dans la course aux honneurs. C'est ainsi que, faute d'avoir pu dégager un consensus pour nommer le nouveau secrétaire général de l'OUA, ils reconduisent, à titre provisoire, le Nigérian Peter Onu. Ni le Malien Blondin Beye, ni le Gabonais Okumba n'ont pu réunir une majorité suffisante pour l'emporter.

Scandales et affaires

En ce qui concerne la mise en cause de hauts responsables, l'Afrique est particulièrement à l'épreuve à la fin de l'année avec ce que l'on appelle la « crise de l'Unesco », ainsi qu'avec ce que certains dénomment l'« affaire Diawara », par référence au nom de l'ancien ministre ivoirien, président du Club de Dakar, inculpé dans une affaire d'escroquerie portant sur plus de 6 milliards de francs CFA.

Accusé de mauvaise gestion, Mahtar M'Bow est en butte aux vives attaques des États-Unis et de la Grande-Bretagne, qui menacent de quitter l'Unesco au cas où le directeur général de cette organisation ne modifierait pas son attitude. Sans recevoir de démenti, la presse fait état, en novembre, des avantages financiers considérables liés à la fonction de M. M'Bow, avantages qui n'empêchent point celui qui en bénéficie de s'engager dans une course effrénée aux honneurs et à l'argent.

Quant à A. Diawara, il est cloué au pilori avec six autres personnes, dont Moussa Ngom, secrétaire général de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEAO), tous arrêtés avec lui, à Ouagadougou, par les autorités du Burkina, qui abrite le siège de l'organisation lésée.

L'Afrique à l'honneur

Les thèmes de satisfaction n'ont pourtant pas fait totalement défaut en 1984. C'est ainsi que seuls quelques putschs ont éclaté. Le 4 avril, un « coup d'État posthume » est perpétré par les militaires guinéens à Conakry, après la mort de Sékou Touré ; le 6, une mutinerie d'officiers camerounais est matée par les forces fidèles au président Paul Biya.

En Afrique australe, la négociation a prévalu sur la volonté de guerre en février et mars, les Sud-Africains ayant passé des accords avec l'Angola, puis conclu un pacte de non-agression et de bon voisinage avec le Mozambique. Certes, ces textes ont été violés à maintes reprises au cours de l'année, mais le seul fait qu'ils aient pu être signés permet de mesurer combien la volonté de dialogue a progressé dans cette région du globe.

Enfin, trois Africains ont été à l'honneur au cours de l'année. Poète et homme d'État, premier Africain admis sous la Coupole, l'ancien président sénégalais Senghor, agrège de grammaire de l'Université française, est admis à l'Académie française le 29 mars. Jean-Paul II nomme le 9 avril préfet de la congrégation des évêques, en remplacement du vieux cardinal Baggio, le Béninois Bernardin Gantin, qui est remplacé à la tête du dicastère Cor Unum par Mgr Etchegaray, cardinal-archevêque de Marseille. Enfin, le 16 octobre, vingt-quatre ans après son compatriote Albert Luthuli, et un an après le Polonais Lech Walesa, l'évêque anglican noir Desmond Tutu, champion de la lutte antiapartheid, reçoit le prix Nobel de la paix. Ces trois symboles tendent à montrer que si l'Afrique est en fort mauvaise position dans les domaines économique et politique, elle conserve un rôle certain dans la sauvegarde du patrimoine culturel de l'humanité.

Philippe Decraene

Afrique du Sud

Les victoires de Pretoria

Le 16 mars, à 11 h 15, devant un alignement de tentes blanches et de collines rocailleuses, dans un petit train chamarré, le Premier ministre sud-africain, Pieter Botha, et le président mozambicain, Samora Machel, signent à Nkomati un pacte de non-agression. Un mois auparavant, le 16 février, à Lusaka (Zambie), une délégation venue de Pretoria rencontrait des représentants du régime marxiste de Luanda et s'accordait avec eux sur un processus de désengagement des troupes sud-africaines d'occupation dans le Sud angolais. En mars 1982, le Swaziland avait également signé, dans le plus grand secret, un traité de bon voisinage avec son puissant voisin. En juillet, enfin, des officiels zimbabwéens et sud-africains prennent place discrètement autour d'une même table, à Pretoria, pour discuter des problèmes de sécurité collective.

Le poids de l'armée

Ainsi, en état de guerre larvée avec tous ses voisins et après s'être employé depuis près de dix ans à les déstabiliser politiquement et économiquement, le régime blanc a réussi, en l'espace de quelques mois, à les obliger à traiter, l'un après l'autre. Serait-ce la répétition générale d'un schéma qui pourrait se renouveler avec tous les pays du glacis austral, jusqu'à l'admission du régime de l'apartheid au sein de l'OUA ?