Pour remettre le pays sur pied, les officiers, qui ont annoncé leur intention de rester durablement au pouvoir, font appel aux puissances occidentales, notamment à la France, avec laquelle Sékou Touré avait d'ailleurs repris le dialogue voilà près de dix ans. Institutions internationales et organismes privés sont invités à investir en Guinée, dont les réserves de minerai de fer, d'or et de diamants sont jugées considérables et qui était, avant Sékou Touré, gros exportateur de produits agricoles. Dans un premier temps, les autorités font un effort particulier pour assurer la rentrée scolaire d'octobre, l'enseignement constituant un secteur très désorganisé par les réformes sans lendemain du régime précédent.

Jean-Claude Pomonti

Nigeria

Le spectre de la banqueroute

« Sauver le Nigeria de l'effondrement. » Tel est le mot d'ordre lancé par le nouveau chef d'État nigérian, le général Mohamed Buhari, au lendemain du putsch du 31 décembre 1983 qui met fin à l'expérience « démocratique » du régime de Shehu Shagari, au pouvoir depuis 1979.

Tous les membres de l'actuel gouvernement manifestent leur aversion à l'égard de la politique de S. Shagari, qualifiée de « stupide et corrompue ». M. Buhari s'entoure en particulier de collaborateurs de l'ex-chef de l'État nigérian Murtala Mohammed, assassiné en 1976, qui était réputé pour sa lutte contre la corruption.

Corruption et banditisme

Les procès des hommes politiques de l'ancien régime qui se déroulent à Lagos marquent la détermination des militaires d'assainir les mœurs politiques. Même le clergé s'en mêle : tout en demandant aux militaires de créer les conditions du retour à un pouvoir civil, les évêques nigérians, dans un mémorandum adressé le 12 juin au général Buhari, considèrent comme « tâche d'avenir urgente » la nécessité de préparer d'autres dirigeants plus honnêtes.

En attendant, l'économie du pays le plus puissant de l'Afrique noire est à la dérive. La multiplication des pillages et des vols, l'insécurité témoignent d'une grave crise sociale. Le chômage ne cesse de croître. Même la police est contaminée par le banditisme : 3 policiers reconnus coupables par un tribunal militaire spécial d'avoir dévalisé un automobiliste sont condamnés à mort et exécutés, à la mi-août, dans l'État de Sokoto. Le champ d'application de la peine capitale est étendu. Parmi les nouveaux délits passibles de la peine de mort : la vente de denrées prohibées. L'importation de produits alimentaires est interdite. Les Nigérians doivent consommer les produits locaux, le maïs notamment. Pourtant, l'agriculture, qui fut pendant longtemps la principale source de revenus, est de plus en plus négligée.

Le fardeau de la dette

Le taux d'inflation atteint 40 %. Pour rassurer les milieux financiers internationaux, le nouveau gouvernement règle le service de la dette échu au 1er janvier (50 millions de dollars sur une dette totale de 15 milliards). Les négociations entamées en avril avec le FMI sont interrompues en juin. Lagos rejette les conditions imposées par le Fonds : dévaluation de 25 % du naira par rapport au dollar, libéralisation du commerce extérieur, arrêt des subventions pétrolières. D'ici 1987, le Nigeria doit trouver 3,5 milliards par an pour rembourser le capital et les intérêts de la dette extérieure.

Depuis 1972, le pays a fondé son développement économique sur l'exploitation du pétrole. Mais les prix ont baissé. Sur un marché mondial excédentaire, le brut nigérian subit la concurrence des bruts algérien et britannique, moins coûteux. En outre, les raffineries utilisant du matériel très sophistiqué préfèrent acheter du pétrole lourd, la différence de prix entre le léger et le lourd s'étant d'ailleurs considérablement réduite. Résultat : le Nigeria aurait l'intention de recourir à des accords de troc pour s'assurer une clientèle, même au prix de rabais sensibles.

Crise avec Londres

L'avenir paraît donc bien sombre pour le géant de l'Afrique, qui compte près de 90 millions de bouches à nourrir. Sans l'aide extérieure, le Nigeria ne peut espérer sortir du tunnel.