Étant donné que l'allocation de chômage est inconnue, ces nouvelles mesures provoquent la colère et parfois la vengeance « des faibles ou des paresseux ». Le métier de chef d'entreprise devient dangereux, puisque la vengeance va parfois jusqu'au meurtre. Le patron de la fabrique de chemises de Zhejiang, devenu mondialement connu à cause des prouesses économiques de son entreprise, ne se déplace plus sans un garde du corps.

La fin de l'égalitarisme, qui sonne le glas du bureaucratisme, n'est pas du tout du goût des idéologues du Parti (sur 40 millions de membres du Parti, environ 20 millions ont adhéré pendant la Révolution culturelle, uniquement sur des critères d'orthodoxie politique). C'est pour éliminer tous les membres « corrompus » ou simplement « incompétents » que Deng Xiaoping avait lancé, en 1983, la campagne de rectification qui devrait prendre fin en 1986.

En attendant et pour activer le processus d'épuration, les dirigeants décident, à partir du 1er août 1984, de réduire le nombre de cadres qui dépendent directement du Comité central. Selon les journaux chinois, cette réforme vise surtout à lutter contre « la pression excessive de l'administration, qui empêche la découverte et l'utilisation rationnelle des talents ». Le nombre de cadres qui dépendaient du Comité central sera réduit des deux tiers : ils passeront sous l'autorité des ministères, des provinces, des régions ou des municipalités.

Pollution et criminalité

La lutte entre les idéologues qui se raccrochent à leurs privilèges et Deng Xiaoping s'accentue. Au début de l'année, les maoïstes irréductibles réussissent à lancer « la lutte contre la pollution spirituelle venue de l'Occident ». C'est aux influences occidentales, résultat de la politique d'ouverture de Deng Xiaoping, qu'ils attribuent la vague de criminalité qui envahit le pays. En réalité, cette vague de criminalité est le résultat du chômage engendré par le progrès technique et par la démographie galopante (1 008 175 288 habitants en 1982, selon les estimations des Nations unies).

La criminalité est aussi le résultat de la terrible Révolution dite « culturelle » lancée par Mao en 1966. Au cours de cette révolution, des garçons et des filles étaient obligés d'interrompre leurs études et de partir cultiver la terre à la campagne par milliers, sous prétexte de détruire l'ancienne classe d'intellectuels et de fonder une nouvelle élite issue des masses populaires. De retour dans les villes en 1976, à la fin de la Révolution, ces jeunes gens et ces jeunes filles, déçus et désillusionnés, ne trouvant pas d'emploi, se mettent à piller, à violer et parfois à tuer.

La lutte contre la criminalité se poursuit tout au long de l'année. Il y aurait eu, en 1984, 100 000 arrestations et 10 000 exécutions. Du moins si l'on en croit les estimations occidentales. Au début, la lutte contre la pollution spirituelle occidentale semble prendre des proportions inquiétantes. De nouveau, la mode vestimentaire venue de l'Ouest, la coquetterie des femmes et les philosophes occidentaux sont mis en cause par les maoïstes. Le chef de file de cette campagne est Deng Liqun, chef de la propagande du Parti. Lorsque le Journal de la jeunesse proteste contre cette campagne en laissant entendre qu'elle rappelle la Révolution culturelle, Deng Xiaoping sort de sa réserve pour calmer l'ardeur de Deng Liqun. La lutte entre les deux Deng s'achève au mois de mars par la démission du chef de la propagande. La presse annonce que « ni les hauts talons ni Jean-Paul Sartre » ne seront plus interdits.

Technologie américaine

Deng Xiaoping affirme qu'il ne joue ni la carte soviétique ni la carte américaine, mais la carte américaine semble l'attirer davantage, même s'il a abandonné, après l'avoir lancée en 1979, l'idée d'une croisade contre l'« hégémonisme » soviétique.

Le Premier ministre, Zhao Ziyang, se rend aux États-Unis en janvier. « La coopération entre le plus grand pays développé et le plus grand pays en voie de développement est logique » dit-il. Américains et Chinois signent un accord de coopération dans le domaine industriel et technologique. Six mois plus tard, au cours d'un voyage en Chine d'une mission commerciale américaine, un programme de travail en sept points jettera les bases d'une collaboration plus étroite entre les deux pays en matière de technologies aéronautiques et spatiales. Le président Ronald Reagan arrive en Chine le 26 avril, pour une visite officielle. C'est la première visite qu'il effectue dans un pays communiste depuis son arrivée au pouvoir. Soucieux de garder l'équilibre entre les superpuissances, les Chinois annoncent que le vice-Premier ministre soviétique Ivan Arkhipov se rendra, lui aussi, à Pékin pour y poursuivre des discussions commerciales... Le ministre serait la personnalité soviétique de plus haut rang à se rendre en Chine depuis vingt ans.