Une révolution est en marche, comparable à celle des rayons X au début du siècle.

L'imagerie par résonance magnétique (IRM), comme on la désigne aujourd'hui, utilise des champs magnétiques et n'a pas d'effet nocif ; elle fournit, en outre, des images dans tous les plans de l'espace (coupes transversales, longitudinales, frontales) et offre un excellent contraste sans utilisation de produits spéciaux. Depuis les premiers travaux anglo-saxons de 1973 et les premières images encore floues présentées en 1977, ses progrès sont constants et l'on ne compte plus les applications où elle affirme sa supériorité : diagnostic des tumeurs osseuses, exploration hépatique, hématologique, abdominale, pathologie neuro-ophtalmique, détection du cancer du sein, exploration du cerveau et du système nerveux... Une véritable autopsie magnétique du vivant. Les mouvements du cœur eux-mêmes ne semblent plus inaccessibles. C'est bien simple, au dernier congrès de radiologie de Chicago (24 000 participants), dont elle fut d'ailleurs la vedette, certains n'hésitaient pas à traduire le sigle anglais NMR par No More Radiology...

Coût élevé

L'IRM ne présente comme seules contre-indications que les clips, pacemakers, implants métalliques et autres prothèses qui déforment les images, ainsi d'ailleurs que les bretelles, boucles de ceintures, fermetures Éclair, bijoux de pacotille, amalgames dentaires qui sont autant d'artefacts indésirables... Il faudra y penser à l'avenir et développer des matériaux non influencés par les champs magnétiques...

Les appareils d'IRM n'ont en fait qu'un défaut majeur, leur prix : 13 millions de F pour un appareil, sans compter les aménagements spéciaux comme la cage de Faraday, et de 1 500 à 1 800 F pour un examen d'une vingtaine de minutes. Des prix doublés par rapport à ceux des fameux scanners, dont le marché est loin d'être encore saturé.

La Sécurité sociale a beau, cette année, se trouver bénéficiaire, l'arrivée de l'IRM est déjà perçue par ses responsables comme un nouveau gouffre financier.

Du point de vue industriel, la France ne manque cependant pas d'atouts. Dans son usine de Buc (Yvelines), la Thomson-CGR (Compagnie générale de radiologie) a démarré en 1984 la production industrielle des Magniscan, nom de baptême de IRM maison. En 1985, l'usine devrait atteindre le rythme d'une machine par mois. À plein rendement, ses douze plates-formes de production sortiront de 60 à 70 appareils par an. En 1983-84, la CGR a investi quelque 160 millions de F en recherche et développement RMN.

Concurrence difficile

La France n'est donc pas trop mal placée pour prendre sa part d'un marché mondial évalué à un demi-milliard de dollars (300 machines par an) vers la fin de la décennie. Certes, la concurrence est rude. Dix-neuf firmes se sont engagées dans une impitoyable course aux innovations technologiques. Philips et Siemens en Europe, Technicare, Picker, General Electric, Diasonics (avec laquelle CGR a d'ailleurs signé un accord) aux États-Unis sont parmi les plus agressifs, tandis que les firmes japonaises font leur apparition. Il s'agit de développer aussi bien les aimants, supraconducteurs plus puissants (15 000-20 000 gauss) que de garder une veille sur la technologie des aimants résistifs (800-3 500 gauss). Le haut de gamme ne sera pas forcément le plus vendu... La plupart des constructeurs annoncent, en tout cas, des appareils à aimant supraconducteur pour le congrès de la société nord-américaine de radiologie (RSNA) en novembre 1984 à Washington.

Intérêts industriels, dépenses de santé galopantes, le dilemme est cruel pour l'État français qui se trouve être à la fois producteur d'appareils (par le biais de la nationalisée Thomson-CGR) et client (en tant que tuteur des hôpitaux publics)... Le problème s'était déjà posé pour les scanners. Résultat, la France est aujourd'hui sous-équipée et les industriels français ont enregistré de lourdes pertes. Le plan de rattrapage, qui prévoit 200 scanners installés fin 1985, nous mettra tout juste au niveau actuel de la Belgique : 1 scanner pour 300 000 habitants ! Avec 5 appareils d'IRM implantés en 1984, nous étions déjà loin derrière l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis bien sûr (90 % du marché à eux seuls !).