Au reste, les crédits affectés à l'agriculture ne transitent pas seulement par le budget de son ministère de tutelle. Ils empruntent, aussi, d'autres canaux. Et, au total, dans la récapitulation qui en est faite dans les documents budgétaires, ils se montent à 99,9 milliards de F, en augmentation de 8 % sur les crédits de 1983. Il est vrai que l'ensemble de ces dotations ne concerne pas uniquement l'agriculture, mais aussi les industries agro-alimentaires et les collectivités publiques rurales.

Mais le plus grave sujet d'inquiétude pour les agriculteurs et leurs représentants est le projet de réforme de la politique agricole commune élaboré par la Commission européenne. Présenté à la fin de juillet, ce projet est, depuis, discuté par les ministres des Dix.

Dès l'abord, les organisations agricoles, unanimes, l'ont déclaré irrecevable. Ils l'estiment inspiré uniquement par des préoccupations budgétaires et non par le souci d'assurer l'avenir de l'agriculture européenne. Les autorités communautaires, en effet, envisagent une politique restrictive des prix agricoles, l'institution de quotas de production dans le secteur laitier, une nette amputation des mécanismes de soutien et d'intervention sur les marchés.

L'échec du sommet européen d'Athènes (5-6 décembre), dû à l'intransigeance de Margaret Thatcher, leur donne un certain répit : la menace de quotas sur le lait et celle concernant l'élargissement de la Communauté à l'Espagne et au Portugal sont écartées pour un temps. La présidence européenne revenant à la France à partir du 1er janvier 1984, F. Mitterrand n'a pas dissimulé qu'il entendait « nettoyer les scories du passé » et trouver des voies nouvelles à partir de la crise née de l'impasse sur l'Europe verte.

« Quelle agriculture la Communauté veut-elle donc pour l'Europe ? » interroge François Guillaume, en soulignant que les agriculteurs des Dix assurent aujourd'hui la sécurité de leur approvisionnement alimentaire aux 270 millions d'Européens. Et que de plus, en France, comme dans d'autres pays du Marché commun, ils contribuent, grâce à l'exportation de leurs produits, à assurer l'équilibre, toujours fragile, et souvent rompu, du commerce extérieur.

Jacques Léger

Bois

Une filière sinistrée

Malgré ses 14 millions d'hectares de forêt — aucun des pays de la Communauté européenne n'en a autant —, la France ne parvient pas à couvrir ses besoins en bois. Les produits forestiers et, surtout, les produits dérivés du bois pèsent lourd dans le déficit de sa balance commerciale : 14 milliards de francs ! Les postes les plus coûteux ? D'abord, les pâtes à papier et les papiers et cartons, ensuite les meubles, puis les sciages résineux et, enfin, les grumes tropicaux représentent, ensemble, l'essentiel du déséquilibre de nos échanges.

Depuis longtemps, les gouvernements cherchent les moyens sinon d'arrêter cette hémorragie de devises, du moins de la ralentir. Un projet de loi, préparé par René Souchon, secrétaire d'État à la Forêt, doit être prochainement examiné par le Parlement. Son objectif : valoriser la filière bois française, dont le ministre reconnaît qu'elle est pour l'instant « plus un slogan qu'une réalité ». Comment ? En premier lieu, en incitant les propriétaires forestiers — ils sont 3 millions qui détiennent 9,8 millions d'hectares, le reste appartenant à des collectivités publiques — à mieux gérer leurs biens, trop morcelles et très souvent peu productifs. Les avantages fiscaux consentis à la forêt devraient, dans cette optique, être réservés à ceux qui accepteront de se regrouper et de mettre en œuvre un plan de gestion commun. En aidant, ensuite, les scieries à se moderniser de façon à fournir, aux industries de transformation, des bois répondant à leurs besoins. En favorisant, enfin, la créativité dans le secteur du meuble et l'emploi du bois dans la construction.

La vocation prioritaire de la forêt française à produire du bois d'œuvre n'exclut pas, toutefois, la production de bois de trituration destiné à l'industrie papetière. Une industrie où la faible rentabilité des investissements, conjuguée avec la concurrence étrangère, a conduit à un recours sans cesse plus grand aux importations, devenues maintenant très coûteuses avec l'appréciation du dollar. La relance de l'industrie papetière est cependant nécessaire, si l'on songe que, d'ici une vingtaine d'années, la production de bois française aura, selon R. Souchon, augmenté de 50 % aussi bien pour les bois de trituration que pour les bois d'œuvre, grâce à l'arrivée sur le marché des plantations réalisées depuis la guerre.