La solidarité européenne, estime la France, enrichit la solidarité atlantique sans se confondre avec celle-ci et l'idée d'une défense européenne implique une organisation collective intégrée qui ne pourra être élaborée que si une autorité unique existe. Dans cette perspective, l'Union de l'Europe occidentale (UEO), qui réunit la Belgique, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l'Allemagne fédérale et l'Italie, peut, selon le gouvernement français, constituer un lieu de réflexion privilégié.

Enfin, événement significatif de la coopération franco-allemande, le président Mitterrand et le chancelier Kohl entendent donner un nouvel essor aux dispositions militaires du traité de Paris de 1963. Mais ce rôle clé, qui revient à la coopération franco-allemande, trouve quelque limite dans la montée d'un neutralisme allemand, qui n'est pas sans inquiéter la partie française.

Produit d'un monde de croissance, de plein emploi, de libération des échanges et de détente, l'Europe des Communautés se trouve confrontée à la stagnation, au chômage, au protectionnisme rampant et à l'insécurité. Autant de motifs de découragement pour une France qui se voulait être le premier artisan de la construction européenne et qui se trouve, désormais, à court d'idées pour la relancer concrètement et de manière significative.

L'impasse Nord-Sud

Profondément attaché au dialogue Nord-Sud, le président Mitterrand avait appelé de ses vœux, à Cancun, cette « troisième voie » qui aurait dépassé la politique des blocs. Ce grand dessein piétine. En Amérique centrale, la résolution franco-mexicaine qui fit grand bruit en son temps, en reconnaissant la résistance armée salvadorienne comme un des interlocuteurs valables, a fait long feu. Les relations avec le Nicaragua, auquel la France avait livré quelques armes de façon à préserver son indépendance, n'ont pas la portée attendue. L'idée de sortir le conflit centre-américain de la logique des blocs demeure un objectif incertain, même si Paris apporte son soutien au groupe de Cantadora (Mexique, Panamá, Colombie, Venezuela).

La diplomatie française se proposait de s'appuyer sur le Mexique, l'Algérie, l'Égypte et l'Inde pour mener sa politique dans le tiers monde, mais l'incapacité financière de la France, dans cette période de crise, entrave, là aussi, cette idée généreuse. Certes, les prises de position répétées du président de la République sur l'urgence de réunir une conférence monétaire internationale, l'utilisation de la technologie pour assurer le progrès au Nord comme au Sud, la nécessité impérieuse pour les pays industrialisés de poursuivre leur aide aux pays en développement, le refus d'une nouvelle course aux armements sont approuvés par les partenaires de la France, mais l'on regrette l'absence de suivi de la plupart de ces ouvertures.

Faute d'argent, la France paie d'audace, remarque-t-on ! C'est vrai en ce qui concerne les interventions extérieures. Au Proche-Orient, où l'armée française est déjà présente dans le Sinaï — sous la forme d'un petit contingent logistique au sein d'une Force multinationale chargée de superviser la paix égypto-israélienne — et au Sud-Liban dans le cadre de la FINUL, elle engage d'importants moyens terrestres (2 000 hommes) et maritimes (une partie de l'escadre de la Méditerranée) pour y épauler l'autorité du président libanais Amine Gemayel. Mais, voulant modérer les ambitions des Syriens et des Israéliens, tout en prenant ses distances avec les États-Unis, qui participent comme elle à la composition de la Force multinationale déployée à Beyrouth, elle craint de tomber dans l'engrenage d'une guerre où se mêlent inextricablement conflits internes et ingérences étrangères et qui lui a déjà coûté plusieurs dizaines de soldats. D'aucuns lui reprochent d'être à bout d'idées pour hâter un règlement du conflit proche-oriental.

En Afrique, finalement convaincue que la Libye a bien agressé le Tchad, elle lance une opération de grande envergure (parachutistes, Jaguar) pour enrayer la progression des forces tchado-libyennes de Goukouni Oueddei et assurer la survie du gouvernement légal d'Hissène Habré. Cette intervention, que certains jugent tardive, n'est pas sans provoquer un nouveau « malentendu transatlantique » et les critiques de ceux qui, en France, redoutent un enlisement des forces françaises, faute d'une solution politique qui reçoive l'agrément des protagonistes du conflit. Tout aussi significatif est le reproche adressé au gouvernement de maintenir, son appui à l'Iraq (livraison de Super-Étendard armés de missiles Exocet) dans la guerre qui l'oppose à l'Iran.