État

Budget

Tout pour le redéploiement

Se ménager des marges de manœuvre. Le fil conducteur du budget préparé en 1983 pour l'année 1984 et présenté après des discussions interministérielles souvent acharnées se résume en ces quelques mots. Le projet de loi de Finances est en effet adopté dans une période essentiellement marquée par les incertitudes.

Le dérapage de certains indices qui fondaient le resserrement de la rigueur devrait logiquement imposer une poursuite du plan d'austérité. Mais, dans le même temps, les frémissements de la conjoncture internationale interpellent le ministère de l'Économie. Le danger est grand, estime-t-on, de rater les retombées de la croissance qui s'ébranle aux États-Unis.

Durant tout l'été, les échanges entre les tenants d'une poursuite de l'orthodoxie budgétaire et les partisans d'une austérité à visage humain ont fait le délice des échotiers. Concilier la poursuite de la lutte contre l'inflation avec la modernisation de l'outil de travail.

L'environnement international est tel qu'il pourrait inspirer des politiques économiques contradictoires en France. L'élément nouveau qui se manifeste pendant la période de préparation du budget est le redémarrage de la croissance. Les experts accordent 3,7 % au Japon pour 1984, 3,2 % aux États-Unis et une moyenne plus faible pour les pays de la communauté européenne : 1,8 % contre 0,5 % en 1983.

Inflation

Parallèlement, la plupart de nos partenaires ont quelques longueurs d'avance dans la lutte contre l'inflation. Au moment de la préparation du budget, il est manifeste que le taux de 8 % prévu pour 1983 ne sera pas atteint et que le gouvernement devra plutôt se battre sur la crête des 9 % durant le dernier trimestre. Dans le même temps, la dérive moyenne des prix chez les principaux pays européens s'établit à 6,7 %, dont 3,1 % pour la RFA. Pour 1984, le gouvernement n'en maintient pas moins l'objectif fixé au début de l'année, à savoir une inflation de 5 %. Si ce taux ambitieux était effectivement atteint, il permettrait de réduire le différentiel d'inflation avec nos partenaires économiques. Mais il ne le supprimerait pas totalement. L'Allemagne, en particulier, s'achemine vers un taux de 2,4 %.

Afin de ne pas prendre le risque d'être distancé par la concurrence en cas de reprise, le gouvernement opte pour une politique budgétaire favorable aux entreprises et une limitation des augmentations salariales.

Consommation et emploi

Rue de Rivoli, on a bien conscience du risque de cette politique. Ainsi, la consommation des ménages ne devrait pas augmenter de plus de 0,4 % en 1984 (contre 0,8 % en 1983). Toutefois, le gouvernement compte beaucoup sur les exportations pour maintenir la demande. Ainsi, le déficit commercial programmé pour 1984 n'est-il que de 7 milliards de F.

La situation est sans doute plus préoccupante encore pour l'emploi. Le recul des effectifs salariés risque de se poursuivre (0,7 % selon la Rue de Rivoli contre 1,1 % en 1983). Or, comme la « gestion sociale » du chômage a d'ores et déjà atteint ses limites en raison du coût des contrats de solidarité permettant le départ en préretraite à 55 ans, il est probable que le nombre de demandeurs d'emplois augmentera dans des proportions sensibles : entre 350 000 et 500 000 selon les projections.

Les dépenses de l'État devraient augmenter moins vite que la richesse nationale

L'austérité

Pour cet exercice 1984, l'État veut avant tout prêcher par l'exemple. Un effort exceptionnel est demandé aux administrations. Les dépenses budgétaires n'augmenteront donc en 1984 que de 6,3 % en valeur contre 11,8 % en 1982 et en 1983.

Le gouvernement s'était en effet fixé un objectif : maintenir le déficit de l'État à 3 % du PIB comme en 1983. Cet objectif est atteint dans le projet de loi. Il place la France en très bonne position par rapport à ses principaux partenaires européens (3,4 % en Allemagne de l'Ouest, 3,1 % en Grande-Bretagne, 8,6 % aux Pays-Bas). Toutefois, un débat semblable à celui qui avait été soulevé l'année précédente sur la « débudgétisation » s'ouvre. L'opposition reproche au gouvernement de transférer tantôt au secteur privé et nationalisé (notamment aux assurances), tantôt aux organismes sociaux, tantôt aux collectivités locales des dépenses qui étaient auparavant de son ressort. C'est, dit-on dans l'opposition, l'un des effets pervers de la loi sur la décentralisation.