La littérature pure bénéficie du mouvement, dans une période où le document politique n'est pas la principale caractéristique. La politique se déroule dans les médias, sur la place publique, tandis que le plaisir littéraire, enfin retrouvé, emplit les cœurs, peuple l'intimité. Est-ce alors pour des motifs partisans qu'un procès est fait à Jacques Attali pour avoir dans son dernier livre, Histoires du temps, mal signalé ses sources et est-ce par un parti pris inverse que le dernier livre de l'inévitable Jean-Edern Hallier suscite un dédain douteux, comme si le talent pouvait prendre ombrage de la mégalomanie de son auteur !

Reste que les médias commandent toujours le spectacle livresque, on ne compte plus en effet les apparitions de box-office du livre dans les journaux, et on voudra voir un symbole éclatant dans la 400e émission d'Apostrophes.

Sommes-nous au temps de la Galaxie Pivot, comme l'assurait un journal sérieux !

Académie française
Léopold Sédar Senghor
Le chantre de la francophonie

L'élection de Léopold Sédar Senghor à l'Académie française, le 2 juin, et sa nomination par François Mitterrand au Haut Conseil de la francophonie, le 24 août, marquent le couronnement d'une carrière littéraire féconde. Ainsi est consacré non seulement l'inventeur de la négritude, expression littéraire du panafricanisme, mais l'infatigable zélateur de l'idée francophone et l'auteur doté d'un talent à mille facettes.

Premier Noir promu à l'immortalité, l'ancien président de la République du Sénégal, auquel son retrait volontaire de la vie politique en décembre 1980 a conféré une aura personnelle considérable, fut au cours des années trente, avec le Martiniquais Aimé Césaire et le Guyanais Léon Gontran Damas, le chantre de l'exaltation de la culture nègre. Premier Africain agrégé de l'Université française en 1935, ancien élève de khâgne à Louis-le-Grand, où il fut le condisciple et l'ami de Georges Pompidou, convaincu de la supériorité du métissage des cultures, il n'en revendiquait pas moins le droit des Africains à demeurer eux-mêmes (« assimiler et ne pas être assimilé »).

Professeur au lycée Marcellin-Berthelot de Tours, répétiteur de langue sérère à l'École coloniale de l'avenue de l'Observatoire, puis titulaire de la chaire de langues et de civilisations négro-africaines dans cet établissement, il poursuivit toujours, en dépit de son entrée dans l'arène politique en 1945, des activités littéraires. Dès décembre 1969, il est d'ailleurs reçu sous la Coupole et y revêt l'habit vert, puisqu'il succède à Konrad Adenauer, comme associé étranger, à l'Académie des sciences morales et politiques, avant d'être admis, deux années plus tard, à l'Académie des sciences d'outre-mer.

Depuis plus de deux décennies, Léopold Sédar Senghor plaide, avec le Tunisien Habib Bourguiba, en faveur de la francophonie. Il est à l'origine de la création de l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones (ACCT). D'autre part, il n'a pas renoncé à rallier la France à l'idée d'un « Commonwealth francophone » qui permettrait l'institution d'une « Communauté organique » à vocation universelle, en mesure de regrouper plus d'une trentaine de pays.

Léopold Sédar Senghor, qui a participé à d'innombrables congrès et colloques, est docteur honoris causa et lauréat de nombreuses facultés à travers le monde. Il a réuni l'ensemble de ses écrits politiques dans une série d'ouvrages (Liberté I, II, III, etc.). Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes, dont Hosties noires et Éthiopiques, Nocturnes, Chants pour Naëtt et Chant d'Hivernage (illustré par Chagall), Élégies et Chants d'ombre. Si sa poésie est connue, on oublie toutefois trop souvent qu'il a donné dans des genres aussi dissemblables que l'essai politique (La communauté impériale française), l'anthologie (Anthologie de la poésie nègre et malgache de langue française) et l'oratorio (Chaka).

Jacques Soustelle
Un spécialiste des aztèques

Il restait à cet écrivain — grand connaisseur des civilisations précolombiennes et familier de ce monde plus étrange encore qu'est le monde politique français — à découvrir la respectable société du quai Conti. Il va pouvoir le faire à loisir puisqu'il est devenu immortel le 2 juin 1983.