Grand prix du roman de l'Académie française : Liliane Guignabodet, Natalia (3-XI-83).

Goncourt : Frédérick Tristan, Les égarés (21-XI-83).

Renaudot : Jean-Marie Rouart, Avant guerre (21-XI-83).

Fémina : Florence Delay, Riche et légère (28-XI-83).

Médicis : Jean Échenoz, Cherokee (28-XI-83).

Médicis étranger : Kenneth White, La route bleue (28-XI-83).

Interallié : Jacques Duquesne, Maria Vandamme (6-XII-83).

Chateaubriand : Henri Amouroux, L'impitoyable guerre civile (6-XII-83).

Prix des libraires : Serge Bramly, La danse du loup (15-II-83).

Bourse Goncourt de la nouvelle : Raymond Jean, Un fantasme de Bella et autres récits (mai 1983).

Grand prix Pierre-de-Monaco : Jacques Laurent, pour l'ensemble de son œuvre (avril 1983).

Une petite maison d'édition pour un Goncourt, industriel du textile. Pour la troisième fois en trente ans, le Goncourt récompense un petit éditeur. À son tour, André Balland, après Jean-Jacques Pauvert (1972) et José Corti (1951), dame le pion aux grands, dont Gallimard, Grasset, Le Seuil, qui, de tradition, « trustent » la majorité des prix. Mais il serait hasardeux de conclure de cet « accident » que les petites maisons — où les grands auteurs ne dédaignent plus de figurer — sont assurées d'avoir l'oreille des jurés. Couronné pour son quatorzième ouvrage, Les égarés, Frédérick Tristan, de son vrai nom Tristan Baron, est un industriel spécialiste de la vente d'usines de filatures. Connaissant bien les pays en vote de développement, notamment ceux de l'Extrême-Orient, où il séjourne longuement lors de ses négociations commerciales, il en rapporte des sources d'inspiration que l'on retrouve dans son roman La cendre et la foudre. Entre le Goncourt et le textile, c'est l'industrie que Frédérick Tristan considère comme son activité principale.

Colloques et débats

Ils se multiplient entre les écrivains et le public : outre l'impressionnante conférence de Jorge Luis Borges au Collège de France en début d'année, il faut mentionner les habitudes du Centre Pompidou avec la revue Parlée, le colloque Franz Kafka à la Sorbonne et l'accueil, par le Centre culturel autrichien, d'une pléiade d'auteurs venus, tout exprès de Vienne, plaider leur cause en France. La collection de poche Biblio crée sa série Essais ; le livre économique de François de Closets, Toujours plus, bat tous les records de vente de l'édition (on n'avait pas vu un tel succès depuis le prix Goncourt d'André Schwarz-Bart, Le dernier des justes, en 1959) ; les revues intellectuelles naissent, grandissent (Liberté de l'esprit chez Balland, Passé présent chez Ramsay, L'infini de Philippe Sollers chez Denoël) ; Esprit célèbre son cinquantenaire ; l'étonnant et très original Henry Dougier, à la tête de la revue Autrement, diversifie ses publications.

On se penche savamment et avec succès sur le destin des grandes dames de la littérature et des grandes inspiratrices : Mmes du Chatelet et d'Épinay, Mme de Staël, Eugénie de Guérin, etc. Des bilans sont esquissés qui permettent de revoir le film du passé, projeté trop vite sur l'instant pour qu'on ait pu distinguer le bon grain de l'ivraie (à titre d'exemple, Bordas publie une très passionnante Littérature en France depuis 1968, tandis que les Éditions sociales poursuivent leur Histoire littéraire de la France, avec le tome VI, de 1913 à nos jours).

Un goût rétro

Regard rétrospectif fort opportun qu'accompagnent des redécouvertes d'auteurs disparus et apparemment tombés dans l'oubli comme Alexandre Vialatte ou Emmanuel Bove (le Centre national des lettres intervient plus souvent que naguère afin d'aider les parutions d'ouvrages a priori plus incertains de vente et difficiles). Le goût rétro demeure toujours vivant ; des valeurs sûres, même un instant oubliées, chassent les productions nouvelles, parfois décevantes, et souvent obsolètes, et, tandis que le marché est toujours plus inondé, le Livre de poche fête ses 30 ans (lire, de Guillemette de Sairigne, L'aventure du Livre de poche). De nouveaux candidats à la postérité surgissent : un poète noir, Leopold Senghor, et Jacques Soustelle, qui a consacré son œuvre aux Aztèques, siègent désormais parmi les Immortels.