Messiaen, chantre de la modernité, est également un héritier de la musique ancienne. Retenons deux images symboliques de cet art d'hier, dont les adeptes ne cessent de croître : Esther Lamandier crée sa propre maison de disques, Aliénor, où elle édite d'admirables Chansons et complaintes sépharades (E. Lamandier a donné des récitals notamment à Colmar le 1er avril et à la Conciergerie les 24 et 26 mai) ; l'illustre N. Harnoncourt dirige le Concentus Musicus de Vienne (Pleyel, 25 novembre).

Année riche, diverse, sachant rendre hommage aux grands, 1983 institutionnalise la fête de la musique. Année du disque-compact (on parle même de magnétoscope stéréophonique), année de Radio Classique, du choix de l'architecte pour le nouvel Opéra de la Bastille. Au même moment New York célèbre le centenaire du MET. La crise économique éprouve production et consommation musicales : au Xe Salon international de la musique (13-17 avril) — Salon qui se tient pour la première fois au CNIT —, fabricants d'instruments, éditeurs de partitions sont présents, mais pas les grandes maisons de disques. Faut-il y déceler un signe ? Et pourtant au premier MIDEM classique, 55 pays sont présents : sous la houlette de Pierre Vozlinski c'est une rencontre au sommet de tout ce qui façonne la musique aujourd'hui. Un univers musical en expansion d'un côté, mais, de l'autre, des revenus qui ne suivent pas au même rythme ! S'agit-il d'un hiatus ? Le millésime 1983 n'est-il pas symboliquement illustré par la mise en service de la fontaine Stravinski, face à Beaubourg, au-dessus de l'IRCAM. Deux noms prestigieux, Tinguely et Nicki de Saint-Phalle, l'ont signée. À l'autre extrémité du prestige, la constitution en mai de l'Ensemble orchestral de la Drôme ne souligne-t-elle pas la même volonté musicale, celle d'un pays prospectant désormais toutes les chances de la musique.

Claude Glayman

Rock, jazz

Vers un retour aux sources

La musique épouse de plus en plus les contours de l'électronique, au fur et à mesure que l'on s'engage dans les années 1980. Rock et jazz découvrent des instruments nouveaux, toujours plus sophistiqués. Avec des conséquences parfois malheureuses, tant sur le plan esthétique que sur le plan professionnel.

Cette crise de mutation n'a heureusement pas que des aspects négatifs. Il existe de nombreux créateurs originaux qui utilisent les nouveaux instruments pour ce qu'ils sont : des machines à produire des sons différents, non des substituts bon marché à l'élément humain. C'est ainsi qu'un jazzman comme Herbie Hancock effectue un véritable travail de recherche à partir des synthétiseurs et de leurs variantes. Des groupes de rock anglais explorent ces sonorités dans un domaine plus populaire. C'est dans cette dernière catégorie que l'on rencontre le plus grand nombre d'aberrations.

La plus répandue est le duo chanteurs-claviers synthétiques, en attendant que le progrès technique supprime l'un ou l'autre des participants, sinon les deux... Harmonies simplistes, gimmicks déjà éculés, ces formations existent le temps d'un tube. En réaction contre les abus du minimalisme, beaucoup de groupes redécouvrent la bonne vieille musique noire et l'intègrent chacun à leur manière à leur style particulier (Culture Club, avril). La soul music est devenue électro-funk. Mais le plaisir qu'elle engendre reste le même.

Beaucoup de groupes ou de chanteurs déjà populaires ont compris l'intérêt de ce retour aux sources. Certains préfèrent le rhythm-and-blues à la manière des années 60 (Dexy's Midnight Runners, juin). D'autres diluent très subtilement des influences reggae dans une pop music de facture classique (Police, septembre). D'autres encore savent adapter aux courants modernes le meilleur d'une certaine période, celle de Tamla Motown, par exemple (Steve Winwood, juin).

Le rock est ainsi fait qu'il aime à la fois regarder en arrière, pour se servir des recettes éprouvées, et travailler dans l'expérimental, pour surprendre par de nouvelles sonorités, de nouveaux rythmes. Le public, comme toujours, aime bien reconnaître ce qu'il connaît déjà, quitte à s'entasser dans un confort plus que relatif sur les pelouses d'un champ de courses, pour applaudir et surtout tenter d'apercevoir David Bowie ou Crosby, Stills et Nash (Auteuil, juin).

David Bowie
L'ambiguïté

Sa carrière zigzague à travers la quasi-totalité des modes vestimentaires et musicales des quinze dernières années. Encombré d'un patronyme partagé avec un chanteur alors plus populaire que lui (celui des Monkees, en 1966), il devient Bowie, par référence au couteau des marines américains. Une manière menaçante de se mettre en scène, d'annoncer les couleurs. Toute sa carrière va dès lors reposer sur une constante ambiguïté.