À Montreux, le jazz est représenté par l'excellent dialogue entre le saxophoniste Charles Lloyd et le pianiste Michel Petrucciani. Au cours de la même soirée, deux formations proposent chacune leur vision de l'Afrique. L'une, celle de Dollar Brand, sereine et chaleureuse dans ses mélopées venues tout droit de ses villages. L'autre, celle de l'AACM, plus violente, plus fantasmée, expression d'un peuple coupé de ses racines et qui les réinvente dans un rêve tumultueux.

L'exemple de Montreux, éclectique, ouvert sur toutes les musiques de rythme (rock, jazz, blues, gospel, Brésil, Afrique, Amérique), est suivi par d'autres. À Reims, en mai, les « musiques de traverses » proposaient des expériences passionnantes entre jazz et rock. Tandis que le festival de Nancy donnait la parole à la salsa, aux rythmes africains, au blues et au funk, en même temps qu'au jazz avec Sun Ra, Max Roach et Michel Petrucciani. Des noms que l'on retrouve le même mois (octobre) à Paris pour un festival plus traditionnel. Pour la première fois, les manifestations musicales se doublent dans la capitale d'un événement photographique : la présentation, au musée d'Art moderne, d'une exposition brossant un portrait du monde du jazz, avec ses grands solistes et quelques aspects de l'environnement qui l'a vu naître.

Perfection instrumentale

Aujourd'hui, le jazz semble connaître un regain de popularité en France et dans le monde. Les styles évoluent vers une perfection instrumentale de plus en plus appréciée. Le jeune trompettiste Wynton Marsalis, présent à Montreux, à Paris et à Nancy, est un brillant exemple de cette nouvelle tendance, à l'opposé des outrances du free d'il y a quinze ans. Cette maîtrise du jeu, dans une démarche expérimentale constante, a fait la joie des amateurs de Miles Davis (en mai), qui demeure, avec Sun Ra, le symbole d'un jazz en perpétuelle fusion.

Miles Davis
L'initiateur

On le voyait à Paris, juste après la guerre, hanter les caves de St-Germain-des-Prés. Il avait pour amis Jean-Paul Sartre, Boris Vian, Juliette Gréco... Il apportait un vent nouveau dans un monde qui ne connaissait alors du jazz que le très officiel style New Orleans prôné par Hugues Panassié et le Hot Club de France. Certains l'écoutèrent, d'autres lui jetèrent la pierre. Un cinéaste, Louis Malle, le remarqua et lui fit écrire la musique de son film, Ascenseur pour l'échafaud. Miles Davis quitta l'ombre des caves et recueillit les faveurs d'un public pourtant difficile.

Aujourd'hui, Miles n'a guère changé. Musicien révolutionnaire, il ne s'est pas contenté de bouleverser les formes établies. Il a aussi créé toute une génération, qui, de John Coltrane à Keith Jarrett, a inscrit le jazz dans une perspective moderne, lui a permis de continuer à aller de l'avant, de ne pas s'endormir sur ses propres clichés. Personnage difficile, Miles Davis est sans doute la seule véritable star produite par le jazz d'après guerre. Sans renier le moindre de ses choix, en imposant ses éclats et la puissance de son génie inventif, il a su conquérir un public très large, du rocker au puriste du jazz. Parce que, peut-être aussi, il est l'un des derniers artistes à savoir surprendre.

Alain Dister

La vie littéraire

Foisonnement et initiatives

La saison littéraire sépare les prix d'un millésime de ceux du millésime suivant. On peut parler pour 1983 d'une année Grasset, l'écho des récompenses 1982 ayant retenti sur tout le premier semestre de l'année 1983. La loi Lang mise en application le 1er janvier 1982 compte toujours autant d'adversaires que de partisans ; la production littéraire se maintient et on aurait plutôt tendance à noter une certaine qualité.

Les éditeurs savent de mieux en mieux fabriquer des ouvrages, qu'ils émanent de maisons prestigieuses ou de petites maisons aux capacités financières limitées mais à l'esprit inventif. On voit même d'anciens petits frapper de plus en plus fréquemment à la porte du succès et acquérir un profil plus étoffé comme Belfond ou Balland. Les éditeurs se rencontrent entre professionnels et n'hésitent pas à aller au-devant du public : Salon du livre (15-20 avril) ; performances poétiques de Pierre Seghers au TNP et au Théâtre de la Ville ; Foire d'Alger (21-30 septembre), lieu de rencontre entre le monde arabe et le monde occidental ; Salon de Francfort (12-17 octobre), qui distingue Manès Sperber, l'illustre écrivain, élève d'A. Adler et ami de Malraux.

Prix littéraires

Nobel : William Golding, écrivain britannique (6-X-83).