Trop de discrétion en janvier avec l'Opéra de Varsovie (pour la première fois à Paris, après Rennes en 1982) qui monte une œuvre de Zbigniew Rudzinski, Les mannequins, d'après B. Schulz (le grand écrivain juif polonais, réédité cette année par Denoël et dont les dessins ont été accrochés au Centre Pompidou à l'exposition Présences polonaises). Mi-février, simultanément à Lyon et à Bruxelles, Les soldats de Bernd Aloys Zimmermann : provocation contestable de Ken Russel à Lyon, extraordinaire direction musicale de Michael Gielen chez nos voisins belges, dans une production de Francfort, il est vrai. Opportune redécouverte de L'amour des trois oranges de Prokofiev (salle Favart, mars, dans une excellente mise en scène de Daniel Mesguich).

Le 8 du même mois, Rennes donne La lune vague, le second opéra de R. Koering (joué en version concert aux Rencontres de Metz en novembre 82). Le 13, de quoi éblouir Messiaen, le musicologue Jean Allende-Blin montre pour la première fois au monde La chute de la maison Usher, des fragments d'opéra de Claude Debussy (Angers, avec I. Jarsky). Et le 28 du même mois, en coproduction avec le Scottish Opera, Genève présente le dernier opéra de Britten, Mort à Venise (Decca sort le coffret avec P. Pears, le créateur de l'œuvre). On finit le mois de mars au Palais Garnier avec Erzsebet de Charles Chaynes, une heure admirablement chantée par Christiane Eda-Pierre et visualisée par Michaël Lonsdale ; la soirée se termine par la reprise de l'extraordinaire Paillasse avec John Vickers, qui avait été sublime dans Le voyage d'hiver de Schubert (Théâtre des Champs-Élysées, 16 février).

Nantes, le 5 mai, reprend Le médium de Menotti, tandis qu'à Angers, encore, sont créées Cinq scènes de la vie italienne d'Adrienne Clostre. Entre le 7 et le 14 mai, Tourcoing propose ses Promenades lyriques au XXe siècle, soit 3 concerts et 7 opéras de poche : Renard de Stravinski, Pierrot lunaire de Schönberg, Socrate de Satie, des œuvres de C. Prey, H. Kouzan et G. Villain, ainsi que La voix humaine de Poulenc. Poulenc dont 1983 commémore le 20e anniversaire de la disparition (disques, livres, articles, émissions de radio, etc.) par notamment la reprise à la salle Favart du Dialogue des carmélites (quelle émotion de réentendre Régine Crespin et de la voir sur scène). Le 14 juin, juste avant la trêve estivale occupée par le très riche Festival estival de Paris, qui lui-même prolonge le festival du Marais, l'Espace Cardin redonne Les trois contes de l'honorable fleur de M. Ohana. En octobre, création à Bruxelles de La passion de Gilles, opéra de Philippe Boesmans ; à Paris de deux spectacles de M. Kagel, dans le cadre du festival d'Automne, nouvelle formule du TMP avec deux courts opéras de P. Marxwell-Davies et G. Ligeti, début de l'intégrale Webern, le plus janséniste des compositeurs du xxe siècle.

IRCAM

Du côté de la musique instrumentale et électroacoustique on retient de très nombreux titres. En mars, au Forum de la création de l'IRCAM, Lys vert de D. Dufour et Les couleurs de la nuit de F. Bayle. Au 13e festival des Musiques expérimentales de Bourges, 130 œuvres sont créées provenant de musiciens de 26 pays, tandis qu'à La Rochelle Zeitlauf de P. Manoury est le plus remarqué, le quatuor Arditti retient également l'attention.

Dans le sillage de l'exposition Présences polonaises, le Centre Pompidou organise en septembre une rétrospective de musique polonaise, actuelle surtout. L'IRCAM offre un panorama pluraliste avec Zig-zag tandis qu'après la création du Saint François de Messiaen trois soirées Stockhausen (élève du maître) marquent le dernier mois de l'année. Pour compléter le tableau très riche d'une année de musique moderne, il faut rappeler l'audace de la firme Erato consacrant plusieurs disques à Boulez (dont la dernière œuvre, Notations, a été reprise à l'automne), Xenakis, Ohana, Dutilleux, Louvier, Duhamel, Charpentier. Paul Mefano reçoit le Grand Prix national de la musique, tandis que J. Prodromides ne passe pas inaperçu avec l'illustration musicale de Danton, le film de Wajda.