Coïncidence ou pas, c'est tout le problème de la liberté des théologiens dans l'Église qui est posé. Et ce problème constitue, à coup sûr, une préoccupation du nouveau pape qui s'en explique très clairement à plusieurs reprises. Le 7 octobre 1979, devant les professeurs de l'université catholique de Washington, il souligne que ce sont les évêques (et non les théologiens) qui ont pour mission « la sauvegarde de l'authenticité chrétienne, de l'unité de la foi et de l'enseignement moral » ; et il ajoute : « C'est le droit des fidèles de ne pas être troublés par des théories et des hypothèses qu'ils ne sont pas à même de juger et qui peuvent facilement être simplifiées ou manipulées. » Le 26 octobre, recevant les membres de la commission théologique internationale, il leur dit : « Les théologiens qui enseignent leur matière dans les établissements supérieurs doivent toujours se souvenir qu'ils n'enseignent pas de leur propre autorité mais en vertu de la mission qu'ils ont reçue de l'Église. »

Voilà pour les principes. Passons aux trois affaires. L'une d'entre elles fait, à vrai dire, peu de bruit : en décembre, le théologien hollandais Schillebeeckx, dominicain, est entendu à Rome par l'ex-Saint-Office. Ce colloque, comme on l'appelle officiellement pour bien manifester qu'il ne s'agit pas d'un jugement mais plutôt d'une séance d'explications, se déroule, semble-t-il, dans un climat satisfaisant.

Hans Kung

Autre affaire, plus grave : les sanctions prises contre le dominicain français Jacques Pohier, auteur d'un ouvrage déjà condamné, Quand je dis Dieu. On annonce en septembre que la congrégation pour la Doctrine de la foi lui interdit de présider des assemblées liturgiques, d'enseigner et d'organiser des sessions publiques. On lui reproche notamment ce qu'il a écrit de la Résurrection. Les autorités font valoir qu'elles ont laissé au religieux toutes les facilités pour se défendre et qu'il est « invité à continuer ses recherches et à écrire comme tout prêtre et religieux ». Mais ces mesures soulèvent quelque émotion.

La troisième affaire fait plus de bruit encore. Il s'agit de sanctions prises contre le théologien suisse Hans Kung, dont les débats avec le Vatican durent depuis des années. Le 15 décembre, l'ex-Saint-Office déclare que, en raison notamment de ce qu'il a écrit sur l'infaillibilité pontificale, Hans Kung « ne peut plus être considéré comme un théologien catholique ni ne peut en tant que tel exercer une charge d'enseignement ». Le retentissement de cette mesure est énorme. Certains parlent d'inquisition. On remarque surtout une déclaration du Conseil œcuménique des Églises (20 décembre) indiquant que l'affaire « a des répercussions œcuméniques immédiates ». On note, à l'inverse, du côté de Rome et de l'épiscopat allemand, un souci, assez neuf, d'exposer toutes les pièces du dossier afin de répondre aux accusations de non-respect des droits de la défense. L'épiscopat européen serre les rangs autour de Rome. Finalement, une solution de compromis est trouvée pour que Hans Kung (dont les livres, conséquence non souhaitée, connaissent des ventes records) puisse poursuivre son enseignement à l'université allemande de Tùbingen. Mais, de toute évidence, le débat n'est pas clos.

France

Du 18 au 26 octobre 1979, 124 évêques français sont réunis à Lourdes pour leur assemblée annuelle. Ils mettent à l'étude, ou bien ouvrent à nouveau, un certain nombre de dossiers sur la catéchèse, la Mission de France, le sacrement de pénitence, les moyens de communication sociale, etc. Et ils réaffirment leur opposition à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse. À différents signes, on acquiert le sentiment que cette opposition est plus vigoureuse encore que cinq années plus tôt, lors de l'adoption de la loi. Cela tient peut-être à l'impulsion donnée par Jean-Paul II. Mais aussi au bilan de ces cinq années d'expérience, qui, aux yeux des évêques, est très négatif. Dans un article publié le 25 novembre 1979, à la veille du débat parlementaire, le cardinal Etchegaray écrit ainsi que la loi, « en dépit des intentions exprimées, a fait régresser la conscience morale. Beaucoup ont eu recours à l'avortement qui n'y auraient jamais pensé auparavant : de solution de détresse, il tend à devenir une solution de pure convenance ».