Mais ce sont là les à-côtés d'un voyage qui gardera pleinement, par ailleurs, son caractère religieux. Jean-Paul II arrive le 30 mai à 16 h 45 à Orly, où il est accueilli par Raymond Barre, les cardinaux Marty et Etchegaray. Il descend ensuite les Champs-Élysées en voiture jusqu'à la Concorde en compagnie du président Giscard d'Estaing, célèbre une messe solennelle sur le parvis de Notre-Dame, s'adresse aux prêtres à l'intérieur de la cathédrale, est reçu ensuite par Jacques Chirac devant l'Hôtel de Ville, avant de regagner, à bord d'une vedette sur la Seine, la nonciature où il réside.

Les trois autres journées du pape Jean-Paul II en France seront à l'image de ce premier jour : un programme chargé à l'extrême, une course perpétuelle contre la montre. C'est que l'Église de France a voulu présenter à Jean-Paul II toutes ses composantes et tous ses aspects. On en retiendra des images fortement contrastées : les fidèles de style plutôt traditionnel de la chapelle de la rue du Bac à Paris ; l'Église ouvrière de Saint-Denis qui accueille le pape en rythmant sur un air de guitare des chants de lutte ; la majorité silencieuse, éloignée des querelles entre intégristes et progressistes, qui se réunit sur l'aéroport du Bourget et devant la basilique de Lisieux ; les jeunes, enfin, qui font un véritable triomphe au pape au Parc des princes.

C'est là, semble-t-il, son seul véritable triomphe populaire. Ailleurs, les foules sont moins denses qu'on ne l'avait annoncé. Peut-être en raison du mauvais temps. Peut-être parce qu'elles ont été dissuadées par les multiples mises en garde des services de sécurité qui craignaient une ruée. Mais sans doute aussi parce que, de tradition, l'attachement au pape est moins vif dans le catholicisme français que dans des pays comme l'Irlande ou même les États-Unis. En outre, il semble bien, à divers signes, que tout l'appareil ecclésial ne s'est pas mobilisé pour rassembler des foules de catholiques.

Malgré tout, ce voyage est un succès. Jean-Paul II envahit littéralement les médias. De nombreux Français suivent ses déplacements à la radio et à la télévision. L'impact national est réel.

Pour ceux qui constituent ce que l'on pourrait appeler l'appareil de l'Église — clercs et laïcs membres d'organisations ou de mouvements —, le bilan doit être plus nuancé. Ce sont eux, d'abord, qui sont atteints par la question lancée le 1er juin par le pape au Bourget. Ce sont eux aussi qui reçoivent la condamnation simultanée de l'intégrisme et du progressisme, prononcée lors de l'assemblée du pape avec les évêques, au séminaire d'Issy-les-Moulineaux, dans l'après-midi du 1er juin. Mais Jean-Paul II a aussi loué, le 30 mai, à Notre-Dame, les initiatives missionnaires de l'Église de France et l'expérience des prêtres-ouvriers. Devant les évêques, il relève bien certains aspects négatifs de la situation du catholicisme français, mais il ajoute que les remèdes doivent être pensés « à long terme ». Et il invite ses interlocuteurs à ne pas se juger trop sévèrement. Tout se passe, en vérité, comme si le pape avait voulu partout répéter un unique message : l'homme est menacé par le totalitarisme et par son propre progrès, qui lui permet de se détruire, parce qu'il a rompu avec la « sagesse éternelle ». Devant l'Unesco, le 2 juin, il dénonce la violation des droits de l'homme et le péril nucléaire, et prône le développement de la culture. Dans l'homélie du Bourget, Jean-Paul II insiste : « Il n'existe qu'un problème, celui de notre fidélité à l'alliance avec la sagesse éternelle, qui est source d'une vraie culture, c'est-à-dire de la croissance de l'homme. » À chacun, laisse entendre le pape, d'en tirer les conséquences.

Théologiens

Trois affaires concernant des théologiens en renom sont soumises successivement, à la fin de 1979, aux feux de l'actualité. La congrégation pour la Doctrine de la foi (ex-Saint-Office) prend bien soin de souligner qu'il ne s'agit pas d'une action concertée : « L'on ne doit voir là qu'une simple coïncidence. » Mais bien des observateurs, et des clercs, considèrent que, dans sa volonté de rétablir une discipline plus stricte, Jean-Paul II a décidé de s'intéresser particulièrement aux faits et écrits des théologiens.