Ainsi, à l'inverse, se poursuit la procédure engagée à rencontre de Mgr Marcel Lefebvre. Celui-ci a déclaré, le 7 août à Buenos Aires, qu'il n'était plus « persécuté comme au temps de Paul VI et du cardinal Villot ». Le 23 septembre 1979, il célèbre, au Parc des Expositions de la porte de Versailles à Paris, une « Messe pontificale d'action de grâces » pour le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, en présence de plusieurs milliers de personnes. À cette occasion, le Saint-Siège dément des rumeurs qui couraient à propos d'un compromis entre le fondateur d'Écône et le Vatican. Par la suite, le ton de Mgr Lefebvre se durcit à nouveau : en mars 1980, il ordonne deux nouveaux prêtres, en dépit de l'interdiction qui lui en est faite. Le 7 avril, il célèbre à Venise, malgré les mises en garde du patriarche de cette ville, Mgr Marco Ce. Et il déclare : « Même les Soviets ne font pas ce que les cardinaux de Rome font à mon encontre. » Quelques jours plus tard, des informations en provenance du Vatican laissent entendre que la procédure engagée contre lui approche de sa conclusion, une conclusion qui n'a rien d'un compromis. Le pape semble donc vouloir rétablir la discipline, de part et d'autre.

Dans le même temps, avec obstination, il répète les règles traditionnelles sur le sacerdoce, la vie religieuse, ou la morale familiale. C'est surtout le cas lors de son voyage en Irlande (où il reçoit un accueil vraiment triomphal) et aux États-Unis. Il stigmatise le « contre-témoignage » des « prêtres qui sont infidèles à leurs promesses sacerdotales ». Il souhaite que les théologiens soient préservés des « modes changeantes ». Aux prêtres et aux religieuses, il dit (discours du 1er octobre 1979 à Maynooth, Irlande) : « N'hésitez pas à vous rendre reconnaissables et identifiables dans les rues, comme des hommes et des femmes qui ont consacré leur vie à Dieu. »

Dernier volet

Ces admonestations se heurtent parfois à la contestation. Ainsi, quand le 7 octobre 1979, à Washington, Jean-Paul II rencontre des religieuses, la présidente de l'Union des religieuses des États-Unis, sœur Mary Theresa Kane, vêtue d'un tailleur de tweed, chemisier et cravate assortie, lui répond, aux applaudissements de la moitié de l'assistance, en demandant la possibilité pour les femmes de devenir prêtres.

Mais la ligne d'action du pape semble toujours être : tout le Concile, mais pas plus loin que le Concile. C'est un sentiment que confirme sa lettre sur l'eucharistie, publiée à l'occasion du Jeudi saint, dans laquelle il répond point par point aux attaques des traditionalistes sur la nouvelle liturgie, tout en rendant hommage au latin et en demandant aux prêtres de ne pas aller plus loin que les prescriptions réglementaires.

Dernier volet, enfin de l'action de Jean-Paul II : la lutte pour la paix et les droits de l'homme. Elle est symbolisée, évidemment, par sa visite à l'ONU, le 2 octobre 1979. Mais elle se manifeste à de multiples occasions : aussi bien par l'appel contre la violence, lancé à Drogheda (29 septembre) à quelques kilomètres de l'Irlande du Nord et qui restera sans échos, que dans une intervention publique (28 octobre) en faveur des disparus d'Argentine. On remarque aussi l'appel au dialogue avec l'islām lancé au cours du voyage en Turquie (du 28 au 30 novembre) alors que l'affaire iranienne fait rage.

Enfin, certains propos de Jean-Paul II manifestent son orientation sociale. À Pomezia, ville industrielle nouvelle proche de Rome, il souligne : « Le travail est pour l'homme, et non l'homme pour le travail » (13 septembre). Au Yankee Stadium de New York, il s'écrie : « Ne laissez pas aux pauvres que les miettes du festin » et « Recherchez les raisons structurelles qui alimentent les différentes formes de pauvreté. » Enfin, le 14 janvier 1980, devant le corps diplomatique de Rome, le pape exprime une profonde inquiétude : « Que de fonds consacrés à multiplier les armements et engins de mort ! Que d'incohérences dans les échanges commerciaux ! Que d'énergies gaspillées à des luttes idéologiques, à des politiques de prestige et de pouvoir ! Mais un pouvoir pour qui ? Pour quoi ? Pour quel bien commun ? Les générations à venir nous en demanderont compte. Dieu nous en demande compte. »

Jean-Paul II en France prône la fidélité à l'Alliance

« France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Cet appel à un examen de conscience, lancé par Jean-Paul II le 1er juin lors de la messe du Bourget, donne tout le sens de son voyage en France. Un voyage dont il avait formé le projet dès le jour de son élection et qu'il a fixé à une date assez éloignée, pensait-il, de l'élection présidentielle. Il n'a pas totalement évité pourtant d'être pris dans les remous qu'elle suscite déjà. À la réception donnée par le président de la République en l'honneur du pape, le 31 mai, on a vu accourir Georges Marchais et François Mitterrand, pour une fois réunis à l'Élysée avec les dirigeants de la majorité.