La lutte contre l'inflation, qui reste le souci constant de Jean-Pierre Fourcade, ministre de l'Économie et des finances, l'a conduit à bloquer dans un premier temps, pour trois mois (du 3 juin au 15 septembre 1975), les prix en valeur absolue d'un certain nombre de produits, puis (à partir du 25 octobre) à imposer à tous les stades de la distribution la stabilité de la marge moyenne en valeur relative, par entreprise ou par famille de produits, tout en fixant à une cinquantaine de produits de grande consommation des coefficients multiplicateurs (un coefficient multiplicateur de 2,20 signifie qu'un article acheté hors taxes 1 F par un commerçant pourra être revendu 2,20 F toutes taxes comprises au consommateur).

Ce régime, qui souffre cependant des exceptions grâce à des « accords de stabilité des prix », a été jugé irréaliste par les professionnels, qui ont fini cependant par accepter le système.

L'évolution du nombre des entreprises commerciales révèle la bonne santé de l'appareil de distribution ; en 1975, il s'est ouvert 66 436 commerces, et il s'en est fermé 62 717, soit un solde positif de 3 719 commerces nouveaux. Déjà, en 1972, le solde avait été positif avec un excédent de 5 253 entreprises.

Implantations

Si l'on considère les seules grandes surfaces, on constate un ralentissement de leur expansion. On compte, au début de 1976, 305 hypermarchés (14 ouvertures en 1975, contre 35 en 1974 et 49 en 1973) et 2 876 supermarchés (208 ouvertures en 1975, contre 213 en 1974 et 277 en 1973).

Il faut dire que l'on se rapproche de plus en plus du moment où un seuil d'équilibre sera atteint : les bons emplacements se font rares et les risques commerciaux inhérents à ce type d'entreprise se sont accrus. De plus, l'action modératrice à la fois des commissions départementales d'urbanisme commercial et de Vincent Ansquer, ministre du Commerce et de l'artisanat (qui juge en dernier ressort en cas de contestation), a sans aucun doute assagi les promoteurs de grandes surfaces. En tout, 209 autorisations ont été prononcées, contre 122 refus. Mais, comme les commissions, aussi bien que le ministre, ont favorisé les projets de dimension moyenne, les surfaces de vente des magasins autorisés (705 000 m2) sont comparables à celles des magasins refusés (601 000 m2).

Action originale en la matière : celle de la municipalité et des habitants d'Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, qui ont obtenu pour Carrefour (une cinquantaine de magasins et un centre d'animation) une autorisation qui avait été refusée par la commission départementale et qui a été finalement accordée par Vincent Ansquer, en novembre 1975.

L'ouverture, en septembre 1975, du plus grand centre commercial d'Europe au cœur de Lyon, à la Part-Dieu (220 000 m2 sur 5 niveaux dont 110 000 m2 consacrés à la vente, 2 grands magasins, 6 cinémas, 12 points de restauration, 196 boutiques, une station de métro, 2 gares d'autobus et une chapelle œcuménique), est une exception paradoxale dans un univers commercial de sagesse. Il faut dire que cette opération a été décidée trois ans plus tôt, avant l'adoption de la loi Royer, par la Société des centres commerciaux, du groupe Balkany, qui a déjà réalisé 8 centres du même type, dont Parly 2. Malgré la fermeture du magasin Uniprix, trois mois après l'ouverture, il faudra attendre pour connaître les résultats de l'ensemble lyonnais. Mais, échec ou réussite, le centre commercial de la Part-Dieu restera le symbole orgueilleux d'une époque de croissance sans frein.

À l'autre bout de l'échiquier commercial, Pierre Poujade, prédécesseur de Gérard Nicoud dans la contestation, a vainement tenté de lancer une centrale d'achats pour petits commerçants. Bien que le commerce en gros soit en pleine expansion, Confiance-Distribution, la société créée par le papetier de Saint-Céré, a déposé son bilan et a été mise en règlement judiciaire. Verdict du tribunal de commerce : ses difficultés ont été dues pour l'essentiel à une « mauvaise gestion ».

Grève

Les seuls petits commerçants qui aient manifesté leur hargne sont les pompistes, qui ont déclenché en septembre 1975 une grève (assez largement suivie) pour que les pouvoirs publics limitent les rabais que les grandes surfaces pratiquent sur l'essence. Mais il ne s'agit pas là à proprement parler d'une manifestation de la lutte des petits commerçants contre les grandes surfaces.