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Énergie

La France joue la carte nucléaire

Brutalement secouées et jetées dans l'incertitude par les conséquences de la crise des prix du pétrole (fin 1973-début 1974), les industries de l'énergie se sont maintenant ressaisies. Des perspectives assez fermes peuvent être de nouveau tracées ; elles l'ont été dans le cadre des travaux du VIIe Plan, et notamment par un conseil interministériel qui s'est tenu le 15 avril 1976. Le paysage énergétique est redevenu clair ; on peut constater qu'il a sensiblement changé à l'occasion de la crise.

La politique énergétique visera maintenant, d'une part, à réduire la consommation totale d'énergie, en favorisant les économies de celle-ci ; d'autre part, à améliorer notre indépendance, en développant les sources d'énergie nationales (pétrole du plateau continental et surtout énergie nucléaire), en diversifiant les recherches de pétrole à l'étranger et en développant les énergies nouvelles, géothermique et solaire en premier lieu.

Le changement porte aussi, par voie de conséquence, sur les structures industrielles. La France entreprend notamment de réorganiser ses activités nucléaires en vue de se doter, dans ce domaine, d'une puissante industrie d'équipement, de niveau mondial et à vocation exportatrice.

Économie

Alors que, déjà, la consommation d'énergie (phénomène sans précédent) n'avait pas augmenté en 1974, elle a, en 1975, diminué de 6,5 %. La France, ainsi, n'a pas consommé davantage d'énergie en 1975 qu'en 1972 !

À ce décrochage de trois ans sur une pente régulièrement ascendante, il y a des explications : la crise économique d'abord, qui réduit les besoins des industries, la douceur de l'hiver qui limite les besoins de chauffage. Mais il faut y voir aussi le résultat d'un réel effort d'économie, soutenu par le gouvernement. On estime à 12 millions de tonnes équivalent pétrole (sur une consommation réelle de 164,5 millions de MTEP) les économies ainsi réalisées.

La constatation de cette relative souplesse de la consommation permet aux planificateurs des visées moins ambitieuses. Les prévisions de consommation d'énergie à l'horizon 1985, déjà ramenées l'an dernier de 285 à 240 MTEP, sont fixées par le VIIe Plan à un noyau dur de 232 MTEP, qui devrait permettre d'assurer les besoins d'une croissance de 5,5 % de la production intérieure brute pendant le VIIe Plan, et de 5 % au-delà (avec, quand même, l'hypothèse de la poursuite de l'effort d'économie, portant au total sur 45 MTEP).

Nucléaire

On constate que l'augmentation de la consommation d'énergie dans les dix prochaines années sera demandée un peu aux énergies nouvelles, plus nettement au gaz naturel (en provenance notamment d'Algérie, de la mer du Nord, d'Iran et d'URSS), mais surtout à l'énergie nucléaire.

En dépit des inquiétudes que les opposants continuent d'exprimer avec vivacité, le gouvernement n'a donné, le 15 avril 1976, qu'un léger coup de frein à l'ambitieux programme d'équipement nucléaire lancé au début de la crise du pétrole (les commandes porteront en 1978 sur une capacité de 5 000 MW, contre 6 000 les quatre années précédentes) ; coup de frein qui s'explique d'ailleurs suffisamment comme conséquence du palier actuel de consommation et des inévitables retards au démarrage de ces machines énormes et compliquées.

Électricité de France est donc à présent engagée à fond dans sa période nucléaire, à laquelle elle consacre l'essentiel de ses investissements. Au printemps 1976, outre les centrales de la filière graphite-gaz en service à Chinon, Saint Laurent-des-Eaux et Bugey, 6 grands chantiers de la filière à eau pressurisée étaient en activité : à Gravelines sur la mer du Nord (3 tranches prévues), Dampierre sur la Loire (3 tranches), Fessenheim sur le Rhin (2 tranches), Bugey sur le haut Rhône (4 tranches). Tricastin sur le bas Rhône (4 tranches) et le Marquis sur la Gironde (1 tranche), les mises en service devant s'échelonner d'ici à 1980. En 1985, l'énergie nucléaire devrait couvrir 70 % de la production d'électricité et le quart des besoins totaux d'énergie en France.

Surrégénérateurs

Le même conseil interministériel a autorisé EDF à passer commande d'une centrale de 1 300 MW. Super-Phénix, la première au monde mettant en œuvre à cette échelle industrielle la filière de la surrégénération (une telle centrale produit plus de combustible nucléaire qu'elle n'en consomme). Les résultats satisfaisants obtenus depuis presque trois ans par la centrale expérimentale Phénix ont décidé le gouvernement à aller de l'avant dans cette voie, où la technique française est bien placée. Bien qu'il reste beaucoup de chemin à faire, c'est un pas décisif dans le développement de cette technique, où l'on peut entrevoir le véritable avenir de l'énergie nucléaire pour les années 1990 et au-delà.

Surrégénérateurs : accord franco-allemand

La coopération franco-allemande sur les réacteurs surrégénérateurs est définitivement scellée le 18 mai 1976. Les accords de Bonn portent sur la recherche et le développement, la mise en commun des connaissances technologiques et sur l'industrie. La Novatome et le CEA (France) et Interatom (RFA) signent un accord qui définit les grandes lignes de leur future collaboration industrielle.

Restructuration

Pendant trente ans, l'essentiel des activités nucléaires en France a été mené par le Commissariat à l'énergie atomique, créé par le général de Gaulle en 1945 ; il s'agissait surtout, dans cette phase, de faire de la recherche (civile et militaire). Du moment que l'atome devient une vaste industrie, le gouvernement a estimé nécessaire de répartir autrement ces activités, en y faisant largement participer l'industrie privée.